A une époque où ce ne sont pas les armements stratégiques qui importent, où ce n’est pas la dissuasion nucléaire qui réussit à entraîner des morts massives, à une époque pareille, il importe de réfléchir sur la relativité de la puissance physique. Le Psalmiste l’écrit clairement : « Ce n’est pas la vigueur du coursier qu’Il désire ; Il ne prend pas plaisir à l’agilité physique de l’homme. Ce que l’Eternel recherche, ce sont ceux qui Le craignent, espèrent Sa bienveillance » (Psaumes 117,10). Une civilisation matérialiste subitement bloquée dans son élan nous interroge : cette culture du progrès, de la consommation, si dirigeait-elle dans la bonne direction ?
La question fondamentale, essentielle pour le Juif, mais aussi pour chaque homme qui réfléchit : « Que doit-on attendre de notre action dans le monde ? Sera-ce chargé de signification ? Dans l’immédiat, ou dans le devenir ? » Telle est, logiquement, la démarche de la pensée. Antérieure, la pensée, l’idée, le but, précède l’action, sauf pour les anges qui, dépourvus de liberté, font précéder l’action à la pensée. Quand les enfants d’Israël ont dit : « Nous ferons et nous entendrons », l’Eternel demande : « Qui a révélé ce secret des anges à Mon peuple, car les anges font précéder l’action à la pensée, ainsi qu’il est dit : « Bénissez l’Eternel, Ses anges, héros puissants, qui exécutent Sa parole, puis écoutent le son de Sa voix » (Tehillim 103, 20, d’après le Traité Chabbath 88a). Cette préséance de l’action avant la pensée est le fait des anges qui n’ont pas à utiliser la liberté. La grandeur d’Israël, appréciée par l’Eternel, est de s’être élevé à ce degré spirituel ne convenant qu’aux anges.
Quelle est la signification réelle, et donc, quelle est la source de cette spécificité d’Israël ? L’action vient remplir un manque, une béance ; remplir ce « trou » avant même de « penser » provient d’une prise de conscience d’une élection préalable, où le geste précède la pensée. Une particularité de la langue hébraïque illustre cette préséance du physique sur le spirituel. Le vocable – ‘Hol – implique en hébreu une absence, une béance, une instabilité. Cela signifie ainsi : « profane », « semaine » (par rapport au « Chabbath », saint), « maladie », « sable » (multiplicité instable). Si on introduit entre ces 2 lettres, le ח' et le ל', la petite lettre י' (youd) qui symbolise la spiritualité (10ème lettre qui évoque la Divinité), alors c’est le mot – ‘Hayil, puissant – qui apparaît, terme qui traduit une puissance spirituelle, comme il est dit : « femme vaillante » (spirituellement, Proverbes-Michlé 31, 10 et 29).
L’action concrète, la puissance physique, n’ont de signification qu’à partir d’une base spirituelle. C’est D.ieu Qui soutient le monde, matériel et spirituel. La vérité du monde se révèle, en particulier, dans l’observance, car il n’y a que la pensée qui meut l’action, lui donne sa stabilité. Un virus, actuellement encore inconnu et insaisissable, se joue de l’humanité et déstabilise l’économie mondiale.
Donc, si le peuple a pu dire « nous ferons » avant « nous entendrons », c’est parce que l’action était, au préalable, suspendue à l’intention divine. Les premières Tables ont été brisées par Moché, car elles ne correspondaient plus à l’état spirituel du peuple. Alors que les secondes « Tables de la Loi » fabriquées par la créature (c’est Moché Rabbénou qui devait les tailler, puis les proposer à l’Ecriture divine) reflètent l’origine divine. C’est l’image du « Youd », qui s’intègre entre les 2 lettres (‘Het) et (Lamed) qui symbolise cette présence de la spiritualité derrière l’élément concret, matériel, profane. Il est essentiel de prendre conscience de cette dimension. Il est évident que pour découvrir une ouverture vers l’infini, il faut en exprimer le désir, il faut être conscient de la présence de la Révélation dans l’Histoire, il est nécessaire de se vouloir en relation avec la Source de la spiritualité – tâche bien malaisée. C’est cependant, la seule issue possible, en disant avec le Roi David : « Les uns se fient aux chars, les autres aux chevaux, mais nous réclamons du Nom de l’Eternel notre D.ieu Ceux-là plient et tombent, et nous demeurons debout, pleins de force en l’Eternel. Eternel, viens à notre secours ! Que le Roi nous exauce le jour où nous L’invoquons » (Tehillim 20,8-9). Puissions-nous nous relier à cette prière !