La période exceptionnelle que nous vivons aujourd’hui nous interroge, certes, sur les voies de la Providence, mais, de plus, elle nous invite à « modifier » notre train de vie, et à ne pas oublier le caractère éphémère de notre condition. Pourquoi une telle difficulté dans notre « ’Avodat Hachem », dans notre « service divin » ? Il est évident qu’il ne nous appartient pas de connaître les mystères de l’Infini, du Ein-Sof ! Cependant, il semble qu’il y a une lecture possible, éventuelle, pour le Juif croyant, qui nous permet peut-être de comprendre, ou de tenter de comprendre, la difficulté actuelle.
Une réflexion préliminaire s’impose à nous. Ainsi qu’on l’a dit et écrit déjà plusieurs fois, le terme « Nissayon » en hébreu, appliqué à l’épreuve, sous-entend une idée « d’élévation » (de la même racine que le terme « Ness » – miracle, qui sous-entend une « élévation », une distinction supérieure par rapport à la nature qui est « plate » alors que le miracle « dépasse » le naturel)
Le terme « Nissayon » est employé dans la Torah pour l’épreuve que le Tout-Puissant a imposée à Avraham Avinou, en lui demandant de « sacrifier » Its’hak. Cette épreuve a « élevé » Avraham. Donc, en premier lieu, il faut voir chaque jour dans l’épreuve l’occasion d’une proximité avec l’Eternel. Mais cela ne suffit pas, car il importe de comprendre la spécificité de cette épreuve.
Il y a eu d’autres épidémies dans l’Histoire : peste noire, grippe espagnole, mais la spécificité, cette fois, c’est son caractère universel, et il y a lieu de craindre une uniformité, c’est-à-dire une fusion entre d’une part la maladie et d’autre part le sens, le but de l’épreuve imposée au peuple juif. Expliquons cet apparent paradoxe. La maladie est la même dans le monde entier, mais la leçon que le peuple d’Israël doit tirer est différente. Même combat assurément, même lutte, mais pour Israël, pour la conscience juive, la relation est différente, car il s’agit de voir dans l’épreuve une dimension spirituelle. Certes, il y a une convergence naturelle, mais une divergence essentielle apparaît au niveau du patient. Il ne s’agit nullement d’une discrimination, mais il ne faut jamais oublier le destin historique du peuple d’Israël. L’adresse à laquelle le message est expédié est la même : l’univers entier, l’Expéditeur s’exprime de façon précise : Il envoie une pandémie qui risque de détruire toutes les hypothèses, toutes les précisions. L’humanité doit recevoir ce message et prendre conscience de son infirmité, de sa faiblesse face au Créateur, mais pour Israël le problème est différent : il s’agit d’une épreuve chargée d’une dimension spirituelle. L’histoire d’Israël est différente de celle de l’humanité, et, de ce fait, elle doit traduire un événement transcendant. A ce stade, la dimension universelle de l’épidémie – universelle pour la première fois dans l’histoire de l’humanité depuis le déluge – impose à Israël de découvrir, ici, l’action de la Providence. C’est le rôle d’Israël et, dans cette perspective, il faut envisager l’issue de l’événement.
On peut supposer que l’on trouvera, peut-être, des moyens de triompher de ce virus, mais il ne s’agira nullement pour l’humanité d’exprimer : « C’est ma force et la puissance de mes mains qui m’ont accordé ce triomphe ». Il s’agit toujours – et c’est le rôle d’Israël A LA SORTIE d’être témoin, d’être actif dans la propagation de la foi en un D.ieu Qui dirige l’Histoire. Cette orientation de l’Histoire, l’humanité ne la comprend pas toujours, car elle s’était habituée à un progrès permanent, sans limite. Ces limites existent. Il ne nous appartient pas de sonder les intentions du Créateur. Le verset le dit formellement : « Les choses cachées appartiennent à l’Eternel, notre D.ieu, mais les choses révélées nous importent à nous et à nos enfants, jusqu’aux derniers âges, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette Torah » (Devarim 29, 28).