18 ans que le pèlerinage de la synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba en Tunisie, n’avait pas réuni autant de monde malgré des fréquentations toujours fortes. Ce ne sont pas moins de 7000 pèlerins qui se sont retrouvés pour ce célèbre pèlerinage, qui débute le 14 Iyar lors de la Hiloula (jour anniversaire de décès) de Rabbi Méïr Baal Haness et se poursuit à son apogée le 18 Iyar, Hiloula de Rabbi Chimon Bar Yohaï, appelé fête de Lag Baomer.
Adrien Guez, fidèle de Torah-Box à Londres, a effectué son deuxième pèlerinage cette année après sa grande première l’année passée : « J’ai tellement apprécié l’an dernier que j’y suis retourné, et c’était encore plus grand ».
Pourquoi un tel attrait pour cette synagogue ? « La Ghriba de Djerba a ses mystères, c’est pour cela qu’elle attire l’attention de beaucoup de personnes, dont de nombreux Rabbanim à travers le monde », nous fait-il savoir, avant d’expliquer : « Elle contiendrait des restes du premier Temple emmenés par les Cohanim ».
En effet, la légende la plus célèbre nous apprend que des Cohanim auraient émigré à Djerba après la destruction du premier Beth Hamikdach (Temple de Jérusalem) par l’empereur babylonien Nabuchodonosor en 587 avant l’ère commune. Ils auraient ajouté une pierre originale du Beth Hamikdach dans l’une des voûtes de la synagogue de la Ghriba. « La tradition, quand on vient, c’est évidemment d’allumer des bougies pour la Hiloula », poursuit Adrien, « mais aussi d’y déposer des œufs dans une sorte de grotte de la synagogue où des femmes écrivent sur la coque leurs requêtes ainsi que le nom d’une jeune fille célibataire ». Ces œufs vont cuire la journée à la chaleur des bougies, et l’on remet en fin de journée l’œuf à la jeune fille concernée, qui, en le consommant, rencontrera son Mazal dans l’année selon la légende… Cette tradition remonte à la genèse de la Ghriba.
Avant son édification, on raconte que des Juifs découvrirent sur une colline, à laquelle personne ne prêtait intérêt, une jeune fille vivant seule dans une modeste cabane. Par la sainteté qu’elle dégageait, personne ne vint à sa rencontre. Un soir, alors qu’un incendie se propageait dans sa cabane et que les juifs étaient persuadés qu’il s’agissait de magie, la jeune fille mourut. Pourtant, son corps avait été épargné par le feu. Prenant encore plus conscience de sa sainteté et regrettant amèrement de ne pas l’avoir aidé, ils construisirent la Ghriba à l’endroit de cette cabane. Les œufs sont déposés précisément à l’endroit où le corps de la jeune fille aurait été retrouvée.
« En dehors de cela, l’ambiance est exceptionnelle », explique Adrien. « Orchestre, nourriture typique, boutargue tunisienne, huile d’olive et plein d’autres produits locaux en tous genres, pas forcément alimentaires ».
Un tel succès n’avait pas été connu depuis de longues années. En 2002, la synagogue avait été en effet frappée par un attentat-suicide meurtrier, et il lui a fallu patienter jusqu’à cette année pour retrouver une forte affluence.
« Aujourd’hui, le personnage clé de la Ghriba, c’est René Trabelsi, qui était l’organisateur principal du voyage. Il a fait les années précédentes un travail tellement incroyable qu’il est devenu ministre du tourisme et de l’artisanat de Tunisie en novembre dernier ». Sans oublier toutes les parties prenantes.
La synagogue de la Ghriba est le lieu central du judaïsme tunisien, en particulier djerbien, l’une des dernières communautés juives vivantes du monde arabe.
Photos
Merci à Adrien Guez et Arolld El-Baze pour leurs photos.