Lorsque Ya'akov Avinou s’apprête à rencontrer son frère 'Essav, il utilise trois moyens : préparation à la guerre (il sépare sa famille en deux camps afin qu’au moins l’un des deux survive), envoie d’un grand présent (si la rencontre est pacifique) et enfin prière à l’Éternel (demande de protection).
Ces trois aspects illustrent parfaitement l’attitude que le croyant doit adopter face aux obstacles qui risquent de se manifester : affrontement, apaisement et élévation spirituelle. Ya'akov est ainsi l’exemple, l’illustration d’un engagement. Chacun des trois aspects mérite d’être compris ensemble car cela résume l’attitude logique et normale du croyant. Ces trois procédés ont été conseillés par le 'Hafets Haïm, en 1934, au lendemain de l’arrivée des nazis au pouvoir, au Rav de Poniévitch, jeune étudiant en Yéchiva à cette époque : préparer un lieu de sauvetage pour le peuple juif, à l’image de Ya'akov qui avait préparé deux camps : l’un des deux sera la « Peleta » (lieu de sauvetage) pour sa famille. Quand le jeune étudiant en Yéchiva demanda au 'Hafets Haïm où mettre cette « Peleta », le Hafets Haïm lui répondit : « Le prophète 'Ovadia l’a dit : "Sur la montagne de Sion sera cette Peleta et ce sera une chose sainte" ('Ovadia 1, 17). » Le Rav de Poniévitch – qui était l’étudiant venu interroger dix ans avant le 'Hafets Haïm – fonda alors sa Yéchiva en 1942, date à laquelle les troupes de l’armée allemande s’approchaient d’Erets Israël. Il dit : « Les troupes allemandes n’arriveront pas jusqu’ici, car j’ai une promesse du 'Hafets Haïm que les ennemis n’arriveront pas en Erets Israël. Ce sera une chose sainte ».
Alors eut lieu, en 1942, la première défaite de l’armée de Rommel à El-Alamein dans le désert, à la frontière de l’Égypte, alors qu’en terre sainte on priait pour que l’armée n’arrive pas jusque-là. Ce triptyque du 'Hafets Haïm se réalisa ainsi : reconstruction du judaïsme de la Torah en Erets Israël (premier stade de la « Peleta »), hélas rencontre avec l’adversaire du peuple juif (ce fut la Shoah), mais reconstruction avec la fondation en 1942 de sa Yéchiva tandis que l’armée allemande avançait vers la Palestine mandataire.
Les habitants interrogèrent : « Est-ce le moment de construire une Yéchiva ? » Il répondit : « Il ne faut pas oublier la promesse du 'Hafets Haïm : la "Peleta" sera sur le Mont Sion et sera sainte ». Et alors ce fut donc la première défaite des troupes allemandes à El Alamein, et ses troupes durent reculer.
En Israël, il ne saurait y avoir de survie du peuple juif sans Torah. La Torah est le ciment qui maintient Israël. Prière, étude, observance sont les piliers qui permettent à Israël de transcender les années, depuis Avraham jusqu’à aujourd’hui. Les empires se sont succédé sur le monde : de l’empire turc du Moyen-Orient qui s’étendait sur toute l’Europe centrale, au Commonwealth britannique, les empires montent et descendent : Israël est confronté à tous les dangers, il est une toute petite goutte dans l’Histoire, malgré tous les Edom du monde.
Qui survit ? Ce sont les « parasites » qui sont apparemment inutiles sur le globe, et que veulent les « parasites » ? Il ne s’agit pas de « chômer ». C’est cette image qui ressemble à l’image que les antisémites font du Juif : un parasite qui empoisonne l’humanité. Prenons au sérieux cette image : les Juifs s’introduisent partout. Le Protocole des Sages de Sion fut un de ces pamphlets antisémites. Alors, pourquoi inscrire cette insulte contre les « orthodoxes » et en particulier contre les étudiants de Yéchiva ?
Répétons-le, vu les réactions des lecteurs à la chronique précédente.
Le miracle de 'Hanouka fut, certes, le triomphe des « faibles » contre les forts. Ce fut un miracle dans une rencontre « naturelle » et c’est elle qui est mentionnée dans la prière de « Al Hanissim », mais ce qui caractérise cette fête, c’est la découverte d’une huile – non souillée par les Grecs – qui a duré plus longtemps que prévu. C’est là le miracle de la survie d’Israël, malgré tous ceux qui cherchent, à chaque époque, à l’exterminer. Cette fiole d’huile est le « dernier reste » du Temple de Jérusalem, mais elle ne cesse de briller dans les foyers juifs.
On peut se moquer des « parasites », les rendre ridicules, mais la flamme d’Israël, eux, ils la maintiennent. Ce n’est pas l’habit qui compte (on s’est moqué des Borsalino !), mais les discussions entre Beth Hillel et Beth Chamaï, entre Rabbi Méïr et Rabbi 'Akiva, entre Abbayé et Rava, entre Rav et Chmouel, c’est là leur sujet de préoccupation : des discussions vieilles de deux millénaires, mais toujours actuelles. C’est la puissance de la Torah qui donne sa subsistance au peuple juif. Comprenne qui voudra, ou qui pourra, car c’est ici la vraie rencontre entre Ya'akov et 'Essav. Ya'akov refuse de suivre son frère à Séïr, même quand il se présente amicalement. Le « rouge » (Edom) comme le « blanc » (Lavan) guettent Israël. La spiritualité – l’étude – n’a pas à se défendre d’exister. Telle est la leçon de 'Hanouka, et aussi du conflit qui, depuis le 7 Octobre 2023 – Sim’hat Torah – angoisse le peuple juif. Le 'Hafets Haïm l’avait dit : le camp sauvé sera à Sion, mais il doit être saint. Prix de la survie d’Israël : prix dur à payer, mais garant spirituel de l’existence juive. Quand les Romains proposèrent à Rabbi Yo'hanan une promesse de sauvetage, il répondit : « Donne-moi Yavné et ses Sages », sa maison d’étude. Il ne lui a pas demandé d’arrêter le siège de Jérusalem ni d’épargner le Temple, mais il a demandé la survie de l’étude ! Soyons dignes de ce choix, mais sachons que c’est le prix de l’éternité, qui nous permet d’espérer bien vite la Guéoula !