La mission spéciale d’un couple, construire « une maison », un « ensemble », dépend des questions clés suivantes : jusqu’où les partenaires sont-ils attachés à leurs besoins personnels ? Combien chacun est-il capable de répondre et de s’attacher aux désirs de l’autre ? Combien chacun est-il prêt à donner à l’autre d’attention, d’empathie, d’affection, de chaleur, de disponibilité ?
David et Shoulamit se sont mariés, Mazal Tov ! Les voici tous deux devant leur armoire commune, prêts à vider leurs valises et ranger leurs affaires… Chacun retire de ses bagages des choses banales et des choses plus insolites, personnelles, qui reflètent leur manière d’être et leur façon de vivre, des objets récoltés dans la maison de leurs parents. Ces deux catégories d’objets doivent trouver place dans l’armoire commune. Tout va-t-il rentrer ?
Le jeune couple se tient face à sa destinée : ils sont conviés – ô paradoxe – à se défaire d’une partie de leurs possessions ! Le tri s’exerce sur des choses matérielles mais aussi sur des réalités moins concrètes. Sont-ils prêts à faire des concessions, réfléchir d’une manière adulte à leurs habitudes ? Vont-ils conserver leur train-train ou changer leur routine ?
L’élaboration d’un programme en commun pour cet édifice s’établit au travers d’une discussion claire, nécessaire à l’installation de bases solides et à de bonnes relations, de préférence sans l’ombre d’une contestation, d’à priori, et dans une vraie compréhension réciproque. L’investissement et la bonne volonté nécessaires à l’édification de ce foyer sont les seuls paramètres sérieux et profonds de cette entreprise.
Modèle parental : archétype du nid familial
Chaque partenaire introduit dans la vie commune le modèle vécu, reçu dans la maison parentale, qui a été saisi et consigné dans son cerveau. Les messages y sont inscrits d’une manière affective, sentimentale. Un enfant ne choisit pas les normes de sa maison parentale d’une manière réfléchie. Il ne les passe pas non plus par le crible de la raison. Très tôt, guidés par les réponses parentales, les enfants se conforment et intègrent les modèles familiaux ; en retour ils reçoivent compliments, encouragements et affection. Les enfants sont heureux quand ils comblent les désirs parentaux.
Un enfant, par exemple, si tel est le souhait de ses parents, répondra en parlant doucement et posément sans dévoiler la vie privée familiale à l’extérieur. Il fera de ce mode de vie et de communication un principe en béton duquel il ne voudra pas déroger. D’autres enfants s’attacheront à avoir l’esprit économe, conformément à l’orientation familiale. D’autres encore opteront pour la nécessité de réussir, et de n’admettre ni pardon, ni échec…
Ce besoin fondamental chez l’enfant de satisfaire ses parents, d’être en harmonie avec son entourage, et de recevoir amour, approbation et appréciation des parents, exerce une immense influence sur le développement de sa pensée et de ses sentiments tout au long de sa vie. Tout cet « acquis » est à double tranchant. Sommes-nous prêts, adultes, à ré-envisager, avec un regard neuf, notre comportement et nos habitudes enregistrés chez nos parents ? Sommes-nous prêts et capables d’en discuter ?
Chaque partenaire ne rejette pas ce qu’il a enregistré, mais une partie de ces acquisitions ne pourra pas être greffée entièrement dans sa nouvelle maison.
Confrontation
Quelle est la voie à suivre ? La question qui doit se poser est, non pas « Qu’est-ce qui ME correspond ? », mais plutôt « Qu’est-ce qui NOUS correspond ? ».
La souplesse est le seul outil pour ajuster les attentes de l’un à celles de l’autre. Cette démarche permet aux partenaires de se sentir détendus et rassurés et aussi d’apprendre des choses nouvelles sur eux-mêmes, leur couple et leurs familles d’origine. Et de parcourir ensemble le chemin choisi.
La construction du « ensemble » dépend d’une démarche à long terme, à partir d’une compréhension, d’une tranquillité d’esprit et d’une maturation. Qu’est-il nécessaire de conserver pour notre foyer ? Qu’est-ce qui va servir nos intérêts communs ?
Les intérêts communs sont les mêmes pour tous les Juifs : étudier la Torah, l’aide au partenaire, l’éducation des enfants, développer de bonnes qualités, la Crainte du Ciel. Le but est clair, mais les chemins qui y conduisent sont souvent différents et variés.
Construire, c’est comprendre les contraintes du foyer juif, dans le respect des besoins de l’autre, de la pureté familiale, saisir les différents événements qui se sont passés dans nos familles d’origine, et d'en inclure les répercussions sur notre développement.
Prenons l’exemple d’une maison, où les enfants ont souffert d’un manque d’affection. Il est probable qu’ils deviendront eux-mêmes des parents avares en encouragements et démonstrations affectives. Leur vécu deviendra patrimoine et héritage pour la génération future.
Un développement harmonieux du mariage réclame une grande sincérité, accompagnée d’une ouverture d’esprit, pour appréhender la toile familiale personnelle, et apprendre à différencier entre le cadre familial antécédent, et le nouveau qui se construit.
Autre exemple : il est normal qu’un partenaire qui vient d’une petite famille où règnent le calme et le silence, ressente des difficultés face à un partenaire qui vient d’une famille nombreuse et bruyante, et dont le slogan est « vive le désordre ! ».
Par ailleurs, dans une famille où la mère porte un investissement très grand pour la nourriture, il est fort probable que son fils attendra de sa femme qu’elle se dévoue afin de nourrir leurs enfants avec autant de zèle que sa mère. Et qu’advient-il alors si sa femme vient d’une famille où la présentation du repas est plus sobre, et où la devise est : « celui qui veut manger, mange, et celui qui ne veut pas manger, ne mange pas » ?!…
Que faire quand les modèles, les moules sont différents, voire opposés ? Qu’arrive-t-il quand les partenaires sont confrontés à des conduites différentes ? La difficulté naît des préjugés et du manque de tolérance face aux différences.
C’est l’erreur de ceux qui ne se sont jamais arrêtés sur eux-mêmes pour se demander : Peut-on faire autrement ? Bien au contraire, ils s’accrochent avec fermeté à leurs clichés. Toute tentative de vérification sur le bien-fondé ou le renoncement d’une conduite est vécue comme une attaque dirigée, parfois même comme une révolte. Ils vivent et perçoivent cette opposition comme une vexation personnelle et un mépris de leurs propres valeurs. La tentative de tri se traduit de la manière suivante : Quoi, ai-je un problème ? C’est toi qui as un problème !
Ouverture
Pour la construction de la « troisième Maison », il est irréaliste d’attendre que le partenaire devine nos sentiments sans avoir à les formuler explicitement ! Au carrefour des attentes de l’un et de l’autre, se crée l’atmosphère familiale.
Les enfants sont comme des éponges dans le milieu familial : tous les éléments de l’atmosphère les pénètrent et forgent en eux leur personnalité. Ils seront rassurés devant des parents qui, même s’ils ont des pensées opposées, se consultent, s’intéressent d’une manière constructive l’un à l’autre, et montrent qu'une collaboration est possible. Face à des opinions divergentes, l’enfant apprendra qu’il y a au moins deux manières d’appréhender la vie. Aussi, seront-ils aptes, à leur tour, à développer leur possibilité de participation dans la famille et dans la société.
Les différences d’opinions, les idées contraires et variées, sont une partie indissociable de la vie de couple. Elles ne sont en aucune façon une déclaration de rejet ou de non-amour.
Nos Sages ont comparé le couple à une paire de ciseaux dont chaque lame s’affûterait au contact de l’autre. Il ne s’agit pas de nier les problèmes mais plutôt de "s’aiguiser" l'un à l’autre. Pour découper une part de vie heureuse, il est important de ne pas oublier que les rapports d’estime mutuelle sont beaucoup plus grands qu’une fusion de pensée !!
Les dégâts ne viennent pas de la variété d’idées, mais les dommages proviennent de la façon de faire, de la forme, de la volonté de vaincre, de dominer, de culpabiliser, en quelques mots de « régler ses comptes » …
Combien le travail personnel des parents est obligatoire dans la construction d’une famille !
Un foyer où les parents ont le courage de démêler et d’évaluer leurs états émotionnels, de chercher à comprendre les besoins de l’autre, sera une maison où il y aura de la place pour tout le monde, sans que personne ne se sente menacé, exploité ou incompris. Et il y aura beaucoup, beaucoup moins d’enfants perdus par manque de compréhension.