Je suis éprouvée comme je l’ai rarement été. Une épreuve que seul mon peuple peut ressentir et comprendre. C’est comme si ces morts étaient les miens, comme si ces enfants étaient les miens, comme si ces femmes et ces familles meurtries, disparues ou dans l’attente de revoir leurs êtres chers étaient les miennes...
 
Aujourd’hui à travers cette épreuve, je ressens au plus profond de moi ce qu’est la A'hdout, l’unité du peuple juif. Et aujourd’hui seulement, dans ma douleur et mes larmes, je comprends l’ampleur de ce qui a été brisé par notre division et par ce que l’on a qualifié de « haine gratuite ». Cette même haine qui a causé la destruction du Temple qui nous reliait à notre Source il y a 1953 ans.
 
Aujourd’hui à distance, je ne trouve de la force que dans ces rassemblements de femmes, dans ces évènements qui nous unissent et nous font prier et chanter à l’unisson.
 
Je suis loin d’Israël, le pays de mon cœur, de Jérusalem, la ville qui apaise tous mes maux, du Kotel, le seul endroit au monde où mes larmes se transforment en une sorte de Mikvé pour mon âme.
 
Aujourd’hui je comprends où se trouve bel et bien la réparation de ma Néchama, mais aussi et surtout la réparation de notre histoire commune.
 
Je comprends enfin, dans cette épreuve que nous n’aurions jamais voulu vivre, où se trouve notre Tikoun.
 
L’unité, la A'hdout, me redonne des forces, et m’arme à nouveau lorsque je sens le désespoir m’envahir. Elle me permet de ne pas sombrer dans les affres du mensonge qui nous oppresse tant en ce moment.
 
L’amour gratuit, le 'Hessed, me reconnecte à notre humanité. Cette humanité brisée dont semble être dénuée aujourd’hui une si grande partie du monde et des Nations.
 
Et puis la Téchouva, encore et toujours.
 
Revenir vers Toi qui m’as fait un jour naître, puis renaître de mes cendres du passé.
 
Vers Toi qui me préserves et me sauves chaque jour du mal invisible, et qui me prodigues tant de bontés. Des bontés dont je ne suis malheureusement pas toujours consciente, car je ne vois que ce que je peux voir à mon niveau limité et imparfait.
 
Revenir vers Toi qui m’enveloppes à chaque instant d’un amour originel et sans limite, dont j’ai pu mesurer l’étendue en étudiant la première Paracha de notre Torah, Béréchit.
Ici j’ai compris que ce monde avait été créé à partir de rien pour que l’on puisse y résider et le faire fructifier dans le respect de Tes lois.
 
Enfin l’humilité, la 'Anava, qui nous fait prendre conscience que nous ne sommes rien sans Toi, tout en sachant que nous sommes la chose qui T’est la plus chère dans ce monde.
 
Revenir à l’unité, à l’unicité, reconquérir le « E'had » à travers Toi, à travers nous, pour pouvoir guérir du mal qui nous submerge en ces temps si difficiles.
 
Réunifier toutes les parties de nous, pour ne plus être des êtres renfermant des brisures de vie ou plutôt d’absence de vie éparpillées sur notre chemin d’existence.
 
Nous devons réunir nos forces vitales à travers nous, et reconquérir l’énergie qui nous a été vampirisée par le mal.
 
Nous devons reconstruire ce que nous avions le potentiel d’être pour ne plus nous sentir faibles, brisés, voire anéantis dans notre douleur.
 
Car nous ne disparaitrons jamais, contrairement à ce que bien des peuples croient et fantasment au plus profond d’eux-mêmes.
 
Nous n’éteindrons jamais la flamme de notre héritage et de notre existence.
 
Nous continuerons d’être à jamais la conscience morale de ce monde, la vie qui triomphe sur la mort, le bien qui supplante le mal où qu’il soit.
 
Nous continuerons d’être cette lumière éternelle, à l’image des bougies qui ne cessent d’accompagner nos prières.
 
Nous continuerons d’être ce peuple fort et uni, choisi par D.ieu pour révéler Sa grandeur et Son amour pour Ses créatures.
 
Nous sommes le miroir de l’humanité et le révélateur de la beauté de ce monde.
 
Alors puisons encore et encore dans nos forces à l’unisson, pour faire entendre le son de nos voix unies qui feront toujours résonner le chant de la vie.
Aurélia Kalifa