Une énigme : si, avant la Création, D.ieu occupait l’univers tout entier, comment pouvait-il y avoir de la place pour créer le monde ? S’Il était présent partout, alors comment pouvait-il y avoir de l’espace pour nous ? La réponse, d’après une ancienne tradition mystique, est que D.ieu s’était retiré en Lui-même, pour ainsi dire, se contractant suffisamment pour faire de la place pour autre chose. En agissant de cette façon, Il accomplit le tout premier acte de ‘Hessed (bonté), se donnant de Lui-même, à titre d’acte sacrificiel de bonté. Dans les termes du roi David dans les Téhilim : « 'Olam ‘Hessed Yibané - la bonté aura une durée éternelle. »
Une caricature stéréotype de la jeunesse de notre génération décrit nos jeunes gens comme trop matérialistes et préoccupés uniquement par eux-mêmes. Ils ont tendance à être davantage des preneurs que des donneurs, accaparés par la frénésie consumériste. A la fin des années 1920, le Président Hoover avait organisé la conférence de la Maison Blanche sur la protection et la santé de l’enfant. Son rapport final, L’enfant et la maison déplorait que les enfants n’avaient pas leur propre espace dans leur maison, et suggérait, entre autres, ceci : « Une chambre à coucher par personne est désirable. » De plus, il pensait qu’il était important de prendre les enfants aux courses pour qu’ils choisissent des objets de leur goût. « Par de telles expériences, la personnalité se développe… Ces expériences ont l’avantage également de créer en l’enfant un sentiment de fierté personnelle et familiale de propriété, et lui enseigner au final que sa personnalité peut s’exprimer par des objets. » Près de cent ans plus tard, nous vivons dans une société qui a, semble-t-il, fait du bon travail dans ce domaine. La consommation des enfants représente des milliards de dollars dans l’économie globale. Ouah.
Il est d’autant plus crucial, dans ce contexte, de faire de nos enfants des donneurs et non uniquement des preneurs. Comment faire de nos enfants des êtres généreux ? La réponse initiale la plus évidente est le don à la Tsédaka. (La nommer « Tsédaka » et non « charité » est important pour deux raisons : c’est un terme juif et employer un langage juif fait partie de l’apprentissage d’une vie juive. Deuxièmement, ce terme a une merveilleuse connotation de Tsédek, la justice, faire ce qui est juste, contrairement à l’idée de bienfaisance.) Voici quelques réflexions sur le don à la Tsédaka :
Ayez une boîte de Tsédaka à la maison ; idéalement, donnez-en une à chaque enfant. Donnez aux jeunes enfants de la monnaie à insérer chaque jour. Si cela est déjà fait à l’école, faites-en un rituel de la veille de Chabbath ou du dimanche matin. Si vous allez à la synagogue avec votre enfant le dimanche ou d’autres jours de la semaine, donnez-leur des pièces à insérer dans la boîte à chaque fois. Comme l’affirme le Séfer Ha’hinoukh, à la suite d’actions cohérentes, le cœur suit.
Initiez régulièrement une rencontre familiale pour retirer l’argent de toutes les boîtes de Tsédaka de la famille et décidez ensemble de l’attribution de cet argent. Pour les jeunes enfants, choisissez plusieurs causes (assurez-vous qu’il y en ait des juives parmi celles-ci ; on espère former de futurs soutiens de la communauté juive), expliquez l’action de chacune d’entre elles, et organisez un vote pour décider de l’élue de ce mois-ci. Pour les enfants plus grands, choisissez les trois causes et décidez comment diviser les fonds parmi celles-ci.
Une enquête réalisée il y a de longues années par Northwest Mutual demandait aux enfants : « Savez-vous à quel organisme ou à quelles causes votre famille donne de l’argent ou du temps ? » La plupart des enfants de 17 ans ou moins (77 pour cent) ont répondu soit : « Je ne suis pas du tout au courant s’ils donnent de l’argent » ou « Je sais que mes parents donnent, mais je ne suis pas sûr comment, ou à qui. » Seuls 23 pour cent ont déclaré : « Mes parents parlent des organismes et causes qu’ils soutiennent. » C’est une question d’exemple personnel. Nous sommes peut-être très généreux, mais si nous n’incluons pas nos enfants dans nos pratiques de don, comment vont-ils s’y initier ? En fonction de l’âge de l’enfant, on ne doit pas nécessairement mentionner les montants que l’on donne, mais les informer des causes que l’on soutient, leur faire savoir que nous prenons du temps pour rédiger des chèques, leur expliquer comment les dons à la Tsédaka entrent dans le budget familial. Ces aspects de l’éducation au don peuvent contribuer grandement à la création d’enfants donneurs. Si vous marchez dans la rue avec votre enfant et que vous croisez un mendiant - notre société a de bonnes raisons d’être cynique, mais nos enfants ont bien le temps d’apprendre ce cynisme par eux-mêmes. Pour le moment, surmontez votre désir de détourner le regard et donnez à votre enfant de l’argent à donner au mendiant.
D’après la Loi juive, la plupart des gens sont tenus de donner 10% de leurs revenus à la Tsédaka. La manière de calculer cette somme (par exemple, est-ce avant ou après les impôts ? Avant ou après les frais d’école juive ?) doit être réalisée en consultation avec son Rav. Dans le but d’enseigner la pratique du don, c’est une bonne idée d’encourager vos enfants à donner 10% de leur argent de poche chaque semaine à la Tsédaka.
La recherche confirme une vérité paradoxale issue de l’exemple suivant. En 2001, Independant Sector, une organisation à but non lucrative, s’est concentrée sur les dons à la charité, et a révélé que les foyers gagnant moins de 25 000 dollars par an donnaient en moyenne 4,2 pour cent de leurs revenus ; ceux qui gagnaient plus de 75 000 dollars annuels donnaient 2,7 pour cent. En d’autres termes, on pourrait s’imaginer a priori que les plus pauvres donnent moins que les plus riches. Or, il n’en est rien : ils donnent plus. Nous nous vantons certes d’être une communauté de donneurs, mais à une époque où les enfants sont encouragés à s’identifier et à se mesurer en fonction de ceux qu’ils possèdent, nous devons travailler encore davantage pour leur faire comprendre qu’un indicateur plus fiable est le don.
Découverte encore plus importante pour les parents : les personnes religieuses ont tendance à être de plus grands donneurs que les non-religieux. Pourquoi ? Ne serait-pas suffisant de croire à la nécessite d’aider notre prochain à un niveau humanitaire sans impliquer D.ieu dans le processus ? Apparemment non. Une raison pour l’expliquer : les religieux ont peut-être une conscience accrue de la Hakarat Hatov, la gratitude pour ce qu’ils possèdent et pour ce que D.ieu nous a donné par Son acte de bonté, à savoir le don du monde où nous vivons. Comme le Roi David l’a dit : « A l’Eternel appartient la terre et ce qu’elle renferme, le globe et ceux qui l’habitent. » Notre rôle consiste à enseigner à nos enfants que nous devons simplement donner au suivant.
Rabbi Dr. Jay Goldmintz