Cette histoire s’est déroulée il y a trois cents ans. Le souverain de Vienne avait interrogé le Gaon et Tsadik Rabbi Chimchon Wertheimer : pourquoi les enfants d’Israël étaient-ils plongés depuis de longues années dans un exil amer et profond, poursuivis et persécutés, battus et humiliés, sans avoir encore été sauvés - quelle était leur faute pour avoir tant souffert ?
Rabbi Chimchon répondit : « Tout ceci provient de la jalousie et de la haine qui prévaut entre eux. » Cette réponse ne trouva pas grâce aux yeux du roi ; il jugea que cela ne constituait pas une raison suffisante pour infliger tant de souffrances et d’épreuves au peuple juif.
En colère contre le Rav, le roi ordonna à Rabbi Chimchon de lui offrir une réponse satisfaisante dans les trois jours, et dans le cas contraire, tous les Juifs résidents de Vienne seraient sévèrement punis.
Ce soir-là, Rabbi Chimchon posa sa question, et on lui répondit du Ciel qu’il avait répondu convenablement au roi, et qu’en raison de cette faute de jalousie et de haine, les Bné Israël étaient plongés dans l’exil. On dit également à Rabbi Chimchon qu’il ne devait pas donner une autre réponse au roi, car : « le roi constaterait bientôt que tu dis la vérité. »
Au début de l’hiver, le monarque sortit avec ses serviteurs pour chasser au cœur de la forêt. Arrivés dans la forêt, le roi demanda à chasser seul, et ses serviteurs perdirent ainsi sa trace. Après plusieurs heures infructueuses passées à chercher le roi, ils pensèrent qu’il avait sans doute rebroussé chemin, et ils reprirent également le chemin du retour.
Le roi, plongé au plus profond de sa passion pour la chasse, ne fit pas attention qu’il était resté totalement seul, jusqu’à ce qu’il remarque que la nuit commence à tomber, mais il ne vit aucun de ses ministres ou serviteurs.
Le roi se mit à la recherche d’un lieu de population, et il arriva au bord d’un fleuve ; il vit de l’autre côté de la rive des maisons éclairées. Privé de choix, le roi se sépara de son cheval ainsi que de ses vêtements royaux, et vêtu d’un seul vêtement fin, il plongea dans le fleuve, jusqu’à ce qu’il atteigne la rive opposée.
Le roi déambula dans le village, dévêtu, pieds-nus et tremblant de froid. Il frappa à la porte de plusieurs maisons du village - composé d’une majorité de non-Juifs - mais personne ne voulut lui ouvrir la porte et le faire entrer.
Le roi décida alors de rechercher une porte où était apposée une Mézouza, sachant que les Juifs sont compatissants, et qu’ils lui ouvriraient la porte. Lorsqu’il trouva la maison d’un Juif, il frappa à la porte. Le maître de maison ouvrit la porte et aperçut un homme vêtu d’un tricot de corps, pieds-nu, enrhumé, dont les dents claquaient.
Le Juif s’empressa de le faire entrer chez lui, il lui prépara une boisson chaude et lui offrit de quoi se restaurer, il lui mit une fourrure sur les épaules et le fit asseoir devant le poêle brûlant, et le roi se remit peu à peu.
Le lendemain, le roi demanda à son hôte juif : « Quelle est la distance de ce village jusqu’à la capitale ? » Et le Juif de répondre : « Une distance de quatre Parsaot (environ 18 km). » Le roi demanda au Juif de le conduire à la capitale.
Arrivé à la capitale, le Juif demanda au roi : « Où devez-vous vous rendre ? » Le roi répondit qu’il devait gagner le palais royal. Le Juif, paniqué, redouta de s’approcher du palais, mais une fois qu’ils se retrouvèrent devant le portail du palais, le roi sauta de la carriole et y entra.
Tu peux me demander tout l’or du monde, tu m’as sauvé la vie !
Quelques instants plus tard, les gardes du roi arrivèrent et ordonnèrent au Juif d’entrer chez le roi. « Me reconnais-tu ? » demanda le roi au Juif, qui répondit : « Je n’ai jamais vu le roi jusqu’à aujourd’hui. »
Et le roi de répondre : « Mais je te connais très bien, et je connais même ta maison, ta vaisselle et tes affaires, ainsi que ta situation, ton statut. » Et le Juif répondit : « La sagesse du roi est incomparable, car il sait tout ce que possède un villageois dans l’intimité de sa maison… »
Et le roi de reprendre : « Ce n’est pas une question de sagesse, mais j’étais chez toi tout récemment, c’est moi qui ai dormi chez toi la nuit dernière, et maintenant, dis-moi : « Comment puis-je te rémunérer pour les plats et la boisson que tu m’as procurés et qui m’ont sauvé ? » Le Juif ne répondit rien.
Le roi insista : « Tu peux me demander tout l’or du monde », mais le Juif ne répondait toujours pas. Le souverain reprit : « Si tu veux, je peux te donner des champs et des vignobles ». Mais le Juif garda le silence et ne répondit rien. Le roi tenta une troisième fois : « Même si tu me demandes une ville entière, je te l’offre en cadeau pour m’avoir sauvé la vie ! » Mais le Juif s’obstinait dans son silence.
Le roi déclara alors : « Si tu ne me réponds pas, tu ne recevras même pas les quatre pièces qui te reviennent pour m’avoir conduit jusqu’ici. »
Le Juif ouvrit enfin la bouche et dit : « Ecoutez-moi, votre majesté, je suis colporteur de profession et je sillonne entre différentes localités. Mais ces derniers temps, un Juif a commencé à venir dans notre village, il achète de la marchandise et des peaux après des habitants du village, et par là, il me porte atteinte, si j’ai trouvé grâce aux yeux du roi, puissiez-vous émettre un décret interdisant au Juif d’entrer dans le périmètre du village… »
Lorsque le roi entendit ces propos, il répondit : « Comme Rabbi Chimchon avait raison ! La jalousie et la haine se sont développées parmi le peuple juif ; ce Juif idiot aurait pu s’enrichir en un instant et devenir l’un des hommes les plus riches du coin, et malgré tout, la jalousie et la haine lui ont fait perdre la tête, et il a présenté une requête stupide… »