Steeve, juif de 18 ans, ne connaît pas de limite ! Il a tout pour réussir mais préfère passer son temps à enquiquiner les autres. Suite à un bouleversement dramatique et une rencontre improbable, son destin prend une nouvelle dimension totalement à l'opposé de ce qui était prévu. Steeve va devenir peu à peu Shimon.

Chaque mercredi, vous découvrirez cette histoire, inspirée d’une histoire vraie, belle, forte, et qui vous surprendra sur bien des points. Bonne lecture !


Nous sommes toujours dans l’appartement de mes futurs beaux-parents pour les présentations « officielles ». Je ne peux que constater que la situation entre mon père et moi est plus que tendue.

Il refuse même l’idée que je veux me marier dans huit semaines avec la femme que j’aime. Il ne comprend pas que Perla est celle qu’il me faut pour avancer dans ma vie et dans l’étude de la Torah. A-t-il seulement idée à quel point il est difficile d’étudier à la Yéchiva toute la journée ? Rester concentré sur une Guémara pendant plus de six heures demande des forces de concentrations et une volonté de compréhension énormes.

Il me faut une femme qui me comprenne, qui me soutienne, car il arrive souvent que l’on se décourage. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles j’ai besoin de Perla, à mes côtés, comme épouse. Le plus vite sera le mieux. D’ailleurs, rien que d’attendre les deux mois qui séparent la date de notre union m’est déjà assez difficile pour que papa en rajoute.

Elnathan, Ruth et ma fiancée assistent depuis le début à notre désaccord familial, sans avoir l’opportunité d’intervenir. Je suis à deux doigts de dire à mon père ce que je pense de ses six-cent-treize-questions raisons pour lesquelles, selon lui, je devrai attendre d’avoir une situation financière confortable pour me marier. Ma mère, qui était d’accord avec papa depuis le début, me coupe l’herbe sous le pied et demande si elle peut prendre la parole pour donner son avis :

– Vas-y maman, mais je te préviens, tu ne m’empêcheras pas de dire ce que je pense à papa !

– Je rejoins ton père quand il affirme que Perla et toi, vous êtes beaucoup trop jeunes pour vous lancer dans un projet aussi important que le mariage. Cependant…

– Ne commence pas à t’y mettre Chantal, nous étions d’accord ! Je te préviens, il n’y a pas de « cependant » qui tienne ! Prends ton sac, on s’en va…

Face au comportement de mes parents, j’ai vraiment envie d’exploser. Heureusement qu’Elnathan décide au même moment d’intervenir :

– Je vous en prie Monsieur et Madame Lelouche, restez, ne partez pas ! Nous allons forcément trouver un terrain d’entente pour que tout le monde soit content. Ruth et moi avons une grande confiance en La Providence Divine, en ce qui concerne l’avenir de nos enfants et de leur Parnassa, ainsi que le reste.

– La Parnassa ! Alors parlons-en ! Quand je vous regarde, je me dis qu’heureusement qu'il existe des honnêtes hommes comme moi qui travaillent dur dans le vrai monde pour soutenir les rabbins, les institutions et TOUS CEUX QUI SE MARIENT SANS AVOIR UN BOULOT.

Alors là, c’est trop ! Mon père a littéralement dépassé les limites du respect, et je compte bien le lui faire savoir :

– PAPA ! JE T’INTERDIS DE MANQUER DE RESPECT AUX RABBINS ! TU N’ES PEUT-ETRE PAS AU COURANT, MAIS C’EST AUSSI GRÂCE À CEUX QUI ÉTUDIENT QUE LE MONDE CONTINUE D’EXISTER ! SI TU NE T’EXCUSES PAS IMMÉDIATEMENT, ON SE PASSERA DE TA PRÉSENCE AU MARIAGE !

– JE DIS CE QUE JE PENSE ET CE N’EST CERTAINEMENT PAS UN ANCIEN ALCOOLIQUE COMME TOI QUI VA M’EN EMPÊCHER !

Aouch ! Je ne l’avais pas vu venir celle-là… J’ai le rouge qui me monte aux joues tellement j’ai honte. Je n’ose même pas regarder Perla tellement je suis embarrassé.

De toutes façon, tout ceci est ridicule ! C’est pas nouveau que mes parents ne comprennent rien, ils ne m’ont jamais compris. Il est clair qu’ils me prennent encore pour un gamin à problèmes ! Le fossé qu’il y a entre nous est bien plus profond que je ne le pensais. J’avais la certitude que, depuis que j’avais déménagé en Israël, ils s’étaient rendu compte à quel point j’avais changé, mais en fait, pas du tout ! Mes envies de devenir un homme prêt à prendre ses responsabilités, à construire sa propre famille étaient devenues ma priorité, et eux ne le voient pas ! Ils sont restés bloqués sur ce jeune homme paumé qui souffrait de l’intérieur. Ils ne comprenaient pas à quel point je me sentais seul, incompris, que j’allais droit dans le mur dans une vie vide de Torah ! Sous prétexte qu’ils ont toujours vécu selon un unique modèle de vie bien précis, ils pensent que c’est le bon ! Cette situation me dépasse ! Mais mince, je veux dire c’est pas comme si je leur avais annoncé que j’allais me faire moine au Tibet, quand même ! Je leur annonce la plus belle chose au monde et eux me mettent des bâtons dans les roues.

Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais je me mets à prier Hachem pour qu’Il m’aide à ne pas encore perdre mes moyens et c’est pile à ce moment que ma mère nous dit :

– Je vais vous demander de tous vous calmer, surtout toi, Albert, car je trouve que tu as largement dépassé les bornes. Est-ce que tu as, ne serait-ce qu’une seule seconde, pris le temps de regarder ta future belle-fille ?

– Quel rapport avec Perla ? J’espère ma petite fille, que tu sais que le conflit qui m’oppose à mon fils n’a rien à voir avec toi. Je suis sûr que tu es une jeune fille formidable.

– Albert, ne trouves-tu pas que le visage tendu de Perla te rappelle quelqu’un ?

Je n’ai aucune idée de ce à quoi ma mère fait référence, mais, apparement, ça a le mérite de faire réagir mon père :

– Non… oui, enfin peut-être…

– Eh bien, figures-toi qu’il me rappelle le nôtre, et surtout le mien ! Rappelles-toi Albert, comment tes parents avaient réagi quand nous leur avions annoncé que nous voulions nous-mêmes nous marier. Souviens-toi de ta mère qui s’était mise à hurler et ton propre père qui s’y était violemment opposé, à coup de menaces comme quoi, eux aussi, n’assisteraient pas au mariage, non plus. Exactement comme nous le faisons aujourd’hui en prononçant des paroles malheureuses ! Et je te signale que, dans notre cas, ce n’était ni une question de maturité, ni de niveaux de religion !

– Je ne m’en souviens plus !

– Allez, fais un effort ! Rappelles-toi surtout de ce que nous nous étions promis.

– Oui, bon, je me souviens vaguement que nous nous étions jurés de ne jamais faire subir ce genre de situations à nos propres enfants en respectant leur choix ! Mais là, c’est différent !

– Je ne pense pas. Jusqu’à aujourd’hui, j’étais persuadée qu’en nous opposant, nous agissons pour le bien de Steeve, cependant, depuis notre arrivée, au lieu de faire ta tête des mauvais jours et de dire des bêtises, tu aurais dû, comme moi, observer Perla et ton fils. Si tu l’avais fait, tu aurais pu, comme moi, constater à quel point il est évident que nos enfants ont besoin d’être ensemble ! C’est pourquoi, Albert, je te prierai d’arrêter d’être aussi borné et de regarder en face la famille Levy, avec qui nous avons toujours eu de très bon rapports amicaux, et de ne plus faire d’histoires ! D’ailleurs, Ruth, nous n’avons jamais pris le temps de vous remercier d’avoir pris soin de Steeve quand il n’allait pas bien, quand moi, je n’ai pas su le faire !
J’espère que vous nous pardonnez pour notre honteux comportement dans votre maison. Steeve aussi, nous te devons des excuses ! Pour effacer ce qui vient de se passer, je propose que nous levons tous nos verres, et que nous nous souhaitons mutuellement “Mazal Tov” ! Albert ?

Mon père fixait ma mère, ma mère fixait mon père, qui restait toujours douloureusement silencieux. Je voulais prendre ma mère dans les bras tellement ses paroles ont « épongé » ce que papa avait dit. Et puis, comme par télépathie, ma mère s’est d’un coup levée pour prendre ma fiancée dans les bras et la serrer fort pour lui dire combien elle était heureuse d’avoir une nouvelle fille à aimer dans la famille. Même avec cette scène si touchante, papa resta sur ses positions, mais c’était sans compter que maman allait dégainer son plus beaux sourire, qui est son arme la plus redoutable et la plus secrète qu’elle utilise depuis vingt cinq ans sur son mari :

– Allez Albert ! Prends ton fils dans les bras. Serre les mains de Rav Levy, on attend plus que toi !

Mon père se racle la gorge, très mal à l’aise :

– Tu es sûre, Chantal ?

– Sûre et certaine !

N’y croyant plus, c’est avec un miracle certain d’Hakadoch Baroukh Hou, qu’après plus de deux heures de discussion mon père se tourna vers Perla et moi, en nous disant :

– Je n’ai plus qu’à souhaiter un grand Mazal Tov à tous les deux… que la fête commence.

C’est en simultané qu’Elnathan, Ruth, Perla et moi, crions : “Baroukh Hachem” !

Tout est bien qui commence bien… en route vers le mariage !

La suite mercredi prochain…