Plus de quatre cents ans se sont écoulés depuis que William Shakespeare a créé la figure du Marchand de Venise - un Juif dénommé Shylock qui prête de l’argent au chrétien Antonio. Le personnage de Shylock aux relents antisémites, bien qu’imaginaire, est devenu aux yeux des ennemis des Juifs un symbole du Juif qui suce le sang et l’argent.
Depuis plusieurs centaines d’années, cette pièce de théâtre a fait l’objet de réactions innombrables de la part d’antisémites qui ont pris parti pour lui, ainsi que de Juifs qui ont voulu protéger la vérité face au mensonge qui entourait le génial Shakespeare.
Ces deux écoles n’ont pas touché à la dimension interne des événements !
Celui qui a touché au cœur du récit, celui qui a réussi à prouver que cette pièce de théâtre était « faussée » est un Talmid ‘Hakham (érudit) qui a posé une question simple : quel est l’avis de la Loi juive sur le contrat signé par Shylock, le Juif, et Antonio, le chrétien ?
La réponse se trouve dans la Paracha de Michpatim (Chémot) et elle nous conduit à la conclusion que ceux qui auraient dû être traînés dans la boue par ces accusations, ce sont les chrétiens et non le Juif Shylock.
Avant d’entrer dans les détails de la Halakha, présentons les événements :
Dans la ville de Venise, le Juif Shylock prête au chrétien Antonio 3000 ducats pour une période de trois mois. Les deux hommes signent un contrat stipulant qu’au cas où Antonio ne rembourserait pas le prêt dans les temps, le prêteur aurait le droit de couper une livre de la chair de l’emprunteur.
Au cours de la période de l’emprunt, le chrétien perd toute sa fortune, et une fois l’échéance arrivée, il n’a pas de quoi rembourser l’argent du prêt. Pendant ce temps, des chrétiens portent atteinte à Shylock, et le jour du procès au tribunal, il est plein d’amertume et décide de s’entêter à respecter les termes du contrat : couper une livre de la chair d’Antonio.
Les avocats de la défense soutiennent que le contrat n’est pas applicable, car il est impossible de couper exactement une livre de chair. Le juge tranche que bien qu’il soit permis à Shylock de couper une livre de chair du corps d’Antonio, s’il s’avère par la suite qu’il a coupé plus ou moins qu’une livre de chair - il n’aura pas d’autre alternative que la mort.
Dans un long texte de Halakha, le Rav Zavin zatsal analyse en profondeur l’accord entre Shylock et Antonio, et la question-clé est celle-ci : comment aurait-on tranché dans un Beth Din (tribunal rabbinique) juif si Shylock avait présenté sa requête devant eux ? Est-ce que du point de vue de la Loi juive, le contrat signé entre Shylock et Antonio était valable ?
Pour répondre à cette question, il pose un fondement : la force vitale qui se trouve dans le corps humain n’est pas la propriété privée de l’homme, et il n’est pas possible de vendre ou d’hypothéquer des membres du corps : « C’est comme s’il acquiert quelque chose qui ne lui appartient pas, et cette acquisition est sans effet. » (Léor Hahalakha, procès de Shylock) Il prouve ce fondement par de nombreux arguments.
La conclusion à laquelle nous aboutissons : les organes de l’homme ne sont pas à sa disposition, et il n’a pas les prérogatives de les utiliser à des fins de marchandage.
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L’auteur conclut : « Jusqu'à aujourd’hui, les œuvres de Shakespeare en général, et Le marchand de Venise en particulier, sont considérées comme le miroir reflétant non seulement des portraits singuliers d’individus, mais des caractères et des prototypes. » En effet, la figure de Shylock telle qu’elle est reflétée dans le récit est devenue chez les ennemis des Juifs une sorte de portrait-type du Juif.
Mais tout le monde fait abstraction d’un point : le tribunal de Venise a reconnu la validité du contrat dans lequel Antonio s’engageait à permettre à Shylock de lui couper une livre de chair de son corps. Alors que, du point de vue de la Halakha, le contrat est nul et non avenu dès le départ !
Shakespeare a créé une pièce de théâtre absurde, qui se contredit aussitôt : il accuse le « Juif » d’un acte, alors que l’échéance de ce contrat cruel repose sur une accusation dérivée uniquement des lois des non-juifs ! Du point de vue de la Loi juive, une telle pièce de théâtre n’est pas valable du tout… Shakespeare ! Bien que tu sois considéré comme un génie parmi les nations, tu n’as jamais étudié la Torah !
Rav Réfaël Berlson, Yated Nééman
traduit par Torah-Box