Si un être est l’association d’un corps et d’une âme, il apparait évident que c’est l’âme qui prime. L’âme est-elle en mesure d’attenter au corps alors que ce dernier ne lui appartient pas ?
Chaque matin, je rencontre à la synagogue un homme qui, lorsqu’il remonte sa manche pour la pose des Téfilin, dévoile sur son bras le tatouage que les Nazis y ont inscrit. Cette vision cauchemardesque m’a souvent interpellé. Pourquoi cet homme conserve-t-il le souvenir de l’extermination de ses parents et de ses 12 frères et sœurs ? A-t-il le droit de garder ce tatouage ? Ces interrogations m’ont poussé à me pencher sur la question plus globale de l’interdiction des tatouages dans le judaïsme.
Se faire tatouer & être tatoué
Il est écrit dans la Torah : "Une inscription de tatouage, vous ne poserez pas sur vous." (Vayikra 19, 28). Ce verset semble impliquer deux interdictions : celle de se faire tatouer et celle de posséder un tatouage.
Mais qu’est-ce qu’un tatouage au juste ? Le tatouage consiste à injecter de l’encre sous l’épiderme à l’aide d’une aiguille, ce qui rend la marque indélébile. Pour ce faire, il existe 2 techniques : soit poser d’abord l’encre puis ensuite percer la peau, soit inversement, percer en premier lieu la peau puis y injecter de l’encre.
Or concernant la nature des tatouages interdits par la Torah, il existe deux avis : pour Rachi, c’est ceux issus de la première technique – consistant à injecter d’abord l’encre – qui sont prohibés tandis que pour Maïmonide, seuls ceux obtenus avec la seconde technique sont interdits.
Concernant cette divergence d’opinions, Rabbi ‘Haïm Kanievsky pose la question suivante : si le verset de la Torah comprend l’interdiction d’être tatoué, qu’importe l’ordre utilisé pour réaliser ce tatouage ? Et le Rav de répondre : si Rachi et Rambam discutent de ce point, c’est bien que la Torah ne parle pas d’interdiction d’être tatoué, mais bien de celle de réaliser un tatouage. Une fois que le tatouage a été réalisé – acte interdit par la Torah – la personne qui porte le tatouage ne transgresse plus d’interdit le temps qu’elle porte cette inscription.
Des personnes qui n’étaient pas au fait de la gravité de cette interdiction demandent souvent si elles ont l’obligation de se faire retirer leurs tatouages. Il faut savoir que si on s’est fait tatouer, car on ignorait que c’était interdit, on n’a ensuite pas d’obligation de se faire retirer ces tatouages.
À noter que certains décisionnaires sont d’avis que puisque le tatouage témoigne d’une transgression de la Torah, il est recommandé – mais pas obligatoire – de se le faire effacer.
Le corps, cette voiture de fonction
Si un être est l’association d’un corps et d’une âme, il apparait évident que c’est l’âme qui prime. Si l’on prenait l’âme d’une personne et que l’on devait la placer dans un autre corps, dirions-nous que l’on a affaire à une nouvelle personne ? La réponse semble évidente, il s’agit de la même personne. La personne est bien son âme et inversement, une âme constitue l’essence d’une personne. Le corps n’est que le véhicule de l’âme. Or, nous ne sommes pas propriétaire de notre corps, mais seulement des locataires. Le corps est en quelque sorte un dépôt accordé à l’homme par D.ieu, un peu comme un salarié qui bénéficierait pour une période limitée d’une voiture de fonction. Est-ce à dire que le salarié aurait le droit de dégrader la voiture ?
De même, notre âme a reçu un corps en dépôt. L’âme est-elle en mesure d’attenter au corps alors que ce dernier ne lui appartient pas ? Il devient dès lors impensable de le dégrader par des tatouages ou autres pratiques qui altèreront son intégrité…