Avec sept médailles d'or, dont trois aux récents Jeux Olympiques de Tokyo, la nageuse Penny Oleksiak est l'olympienne canadienne la plus décorée. Mais tout le monde n'a pas toujours cru en elle.
Suite à son récent succès, elle a tweeté : "Je tiens à remercier cet enseignant du secondaire qui m'a dit d'arrêter de nager pour me concentrer sur l'école car la natation ne m'amènerait nulle part. C'est de cela que sont faits les rêves." Elle a poursuivi en partageant : "Également en référence à mon dernier tweet - aucun reproche envers les enseignants en général, ma sœur est enseignante et je vois ses enfants motivés tous les jours. La plupart de mes professeurs ont vu plus loin et m'ont poussé de l’avant (…)."
Un de mes amis m'a récemment confié qu'au lycée, il avait un directeur qui ne croyait pas en lui et le lui faisait régulièrement savoir. Lorsqu'il a dit au directeur qu'il allait apprendre l'hôtellerie, il lui a demandé : "Prévoyez-vous d'être barman pour le reste de votre vie ?" Aujourd'hui, mon ami ne s'occupe pas de bar, il s'occupe du peuple juif et est un professionnel communautaire juif qui réussit et qui, chaque jour, fait la différence. Je frémis en pensant à ce que lui et nous aurions manqué s'il avait écouté cet éducateur au lieu de ceux qui l'ont encouragé.
Beaucoup d'entre nous ont une source de mauvaise influence dans leur vie. Si ce n'est pas un enseignant, un membre de la famille ou un collègue, c'est une voix de négativité et de doute dans notre propre tête qui nous dit : "Tu es pitoyable, tu as des défauts et des lacunes, tu n’es pas le plus intelligent, tu n’es pas le plus beau, le plus créatif, et tu n'auras jamais de succès. Tu as fait des erreurs, tu n'as pas réussi, tu t’es fixé des objectifs que tu n'as pas atteints, et tu n'arriveras jamais à rien."
Cette voix peut nous peser, nous bloquer ou nous faire abandonner nos rêves et nos aspirations. Mais voilà le piège. Cette personne ou cette voix ne nous retient que si nous l'écoutons, lui accordons de l'attention ou de la considération. Comme Penny Oleksiak ou mon ami, nous pouvons remplacer cette "mauvaise voix" par une personne ou une voix intérieure de qualité à écouter à la place, une personne qui croit en nous, nous propulse, nous pousse et nous élève à aspirer à devenir la meilleure version de nous-mêmes.
Dans la Paracha Vayéra, quelques instants avant la destruction de Sodome, l'ange dit à Loth : "Songe à sauver ta vie ; ne regarde pas en arrière et ne t'arrête pas dans toute cette région ; fuis vers la montagne, de crainte de périr." Malgré l'avertissement de l'ange, la femme de Loth ne put s'en empêcher ; elle a regardé et est devenue une statue de sel. En fait, l'historien juif Josèphe a affirmé avoir vu la statue de sel qui était la femme de Loth.
Pourquoi ont-ils été avertis de ne pas regarder en arrière ? La réponse classique est que Loth et sa famille n'étaient pas justes et méritaient en vérité de subir la même punition que Sodome. Ils n'étaient pas méritants pour assister à la destruction et on leur a donc dit de ne pas regarder.
Le Divré Chmouel, Rav Chmouel Weinberg de Slonim, donne une perspective différente. En disant à Loth et à sa famille "Ne regarde pas en arrière", l'ange enseignait une leçon fondamentale de la vie : lorsque vous avez fait des erreurs, lorsque vous avez échoué, ne regardez pas en arrière, regardez toujours vers l'avant. Ne vous concentrez pas sur votre passé et ne vous culpabilisez pas, n'écoutez pas les voix de la négativité et du défaitisme, regardez vers l'avenir et les opportunités qu'il présente. Évidemment, nous devons comprendre ce qui a motivé les erreurs que nous avons commises et avoir des remords, mais nous ne pouvons et ne devons pas les ruminer.
La femme de Loth s'est retournée. Qu'elle soit nostalgique de son passé de péchés ou qu'elle se sente simplement coupable à ce sujet, de toute façon, elle s'est transformée en sel. Le sel n’a pas été choisi au hasard pour cette punition. Le sel, de par sa nature même, préserve et garde intact ce sur quoi il est saupoudré. Il inhibe la capacité de grandir, de changer ou d'aller de l'avant. La femme de Loth s'est littéralement retrouvée coincée dans son passé. Elle ne pouvait pas le dépasser, ne pouvait pas regarder en avant et ne se permettait pas de recommencer.
C'est la méthodologie classique de notre Yétser Hara’ (mauvais penchant), la voix autodestructrice à laquelle nous sommes tous confrontés. Nous avons tendance à répéter nos bêtises et nos erreurs, et nous nous disons que nous sommes incapables, indignes. Nous faisons donc l'expérience du Yéouch (désespoir), nous renonçons à devenir meilleurs dans tout ce que nous voulons améliorer. En effet, nous passons beaucoup de temps à nous attarder sur les échecs de notre passé. La recherche montre qu'au moins 70 % du temps où nous pensons au passé, nous ne revivons que les aspects négatifs de notre vie.
Mais, selon des psychologues de Yale et de l'Université de Californie, être obsédé par une erreur non seulement ne changera pas le passé, mais l'aggravera. Leur étude montre que vivre une erreur encore et encore nuit à nos capacités de résolution de problèmes. Cela conduit à une augmentation des pensées négatives et de la dépression. Cela érode même notre réseau de soutien parce que personne ne veut entendre une personne qui ne peut pas laisser les choses aller. Essentiellement, s'attarder sur les erreurs du passé nous met et nous maintient dans un mauvais état, ce qui est bien sûr la chose même dont nous essayons de sortir.
Mais aller de l'avant et faire taire la mauvaise voix en nous semble plus facile à dire qu’à faire. Beaucoup de ceux qui n'intimident jamais quelqu'un d'autre s'intimident eux-mêmes avec des pensées négatives. Nous avons tendance à nous battre et à insister sur des choses que nous aurions pu ou dû faire différemment. Mais cette pensée sabote notre avenir et nous fait perdre notre présent.
C'est ce que nous disons chaque soir dans ‘Arvit lorsque nous demandons à Hachem "Hassèr Satan Milfanénou Ouméa’horénou", d'enlever le Satan de devant et derrière nous. Pourquoi affronterions-nous un Satan derrière nous ? Il est essentiel de prier pour que non seulement nous trouvions la force et la volonté de surmonter nos pulsions et tentations lorsque nous les affrontons, mais que si nous échouons, nous puissions mettre nos échecs derrière nous et passer à autre chose, sans nous affliger ni rester coincés dans notre passé. Chaque nuit, alors que nous réfléchissons à notre journée passée, y compris nos mauvais choix ou nos erreurs, nous prions pour avoir la force et la conviction d'entendre la bonne voix qui est en nous, et non l’inverse.
Rabbi Ephrem Goldberg