Parmi les multiples contrats établis entre deux individus, il en existe un qui dénote : le contrat Issakhar-Zévouloun. Un engagement étonnant, où une personne accepte de soutenir financièrement un érudit en Torah, mois après mois, afin qu’il puisse se consacrer pleinement à l’étude sans distraction matérielle. En échange ? Le partage d’un trésor immatériel : le mérite de cette étude dans le monde futur. Une idée qui semble presque irréelle, et pourtant, elle s’enracine dans les textes sacrés et le Choul’han ‘Aroukh (Yoré De’a 246, 1).

Ce pacte singulier tire son origine de la Torah elle-même : dans les temps anciens, la tribu de Zévouloun, commerçante et prospère, soutenait financièrement sa tribu-sœur Issakhar, dévouée à la Torah (cf. Rachi, Parachat Vayé’hi 49,13). Un modèle qui a traversé les âges, jusqu’à nos jours, où il continue de prendre vie à travers des contrats soigneusement rédigés, balisant les engagements mutuels.

Certains s’étonneront : qu’offre celui qui étudie ? Rien de matériel, ni de tangible. Seulement un partage de mérite dans un monde que l’on ne peut voir ni toucher. Et pourtant, ce choix implique parfois des sacrifices importants pour le bienfaiteur : renoncer à des vacances luxueuses, repousser l’achat d’une voiture dernier cri ou le renouvellement de son salon, voire accepter un compte bancaire moins rempli. Tout cela pour un "retour sur investissement" invisible ici-bas. Un acte de foi pur et désintéressé !

Ces réflexions mettent en évidence le fait que pour beaucoup d’entre nous, la valeur de l’étude de la Torah reste souvent méconnue. Pourtant, cette étude est le pilier même du judaïsme. Elle permet déjà à celui qui s’y adonne de pouvoir devenir érudit, mais ce n’est pas là l’unique objectif : elle constitue avant tout l’âme de notre peuple, sa sagesse, sa richesse, ce qui lui permet de se relier au spirituel et à l’éternité.

Il est intéressant de relever que le soutien financier en ce qui concerne l’étude de la Torah n’est pas une obligation dans le judaïsme, contrairement à d’autres domaines. C’est ainsi que chaque propriétaire terrien devait expressément reverser un dixième de ses récoltes aux Leviim, afin qu’ils se consacrent au service du Temple. Les Cohanim, pour les mêmes raisons, recevaient 24 dons différents des Bné Israël. Pourquoi en est-il autrement de l’étude ? Parce que, contrairement au service au Temple, chaque Juif a le devoir de s’adonner au Talmud Torah. Cependant, pour ceux qui ne peuvent y consacrer suffisamment de temps, et désirant tout de même acquérir les mérites du Limoud, soutenir ceux qui s’y dévouent continuellement est une alternative d’une portée spirituelle incommensurable.

Le Talmud raconte l’histoire de Hillel, ce sage d’une grandeur inégalée. Bûcheron de métier, il vivait dans une pauvreté extrême, mais n’a jamais cessé de poursuivre l’étude de la Torah, au prix de sacrifices immenses. Son frère, qui était riche, n’a jamais pensé à l’aider… jusqu’au jour où Hillel devint une sommité. Mais alors, il était trop tard, et il n’est pas possible d’acquérir ce mérite rétroactivement. Quelle leçon !

Et que dire de l’ange de ‘Essav, qui ne put que frapper la hanche de Ya’akov lors de leur lutte ? Ce geste symbolise un point faible universel : le soutien matériel. Le Yétser Hara’ sait qu’il ne peut ébranler la foi d’un homme droit, mais il s’attaque souvent à son appui financier. 

Sachons que pour chaque Mitsva, une récompense nous attend dans le Ciel. Mais le plus grand mérite de tous reste celui lié à l’étude de la Torah. Et ce mérite ne s’acquiert que par une prise de conscience véritable et un engagement profond.

Alors, sommes-nous prêts à participer à cet héritage éternel ?