Des élections à nouveau se profilent à l'horizon. Quelle joie…
Outre la lassitude due à la pandémie, les Israéliens doivent gérer leur fatigue des élections, alimentée par un phénomène unique en son genre : quatre élections législatives en l'espace de deux ans. En bons Israéliens disciplinés, nous mobiliserons nos énergies pour nous pencher sur les préoccupations du pays, dans le but de trouver un candidat qui représente nos idéaux.
Avec au moins deux chefs de parti, Yaïr Lapid et Avigdor Liberman, faisant vœu de modifier le statu quo religieux dans leur programme électoral, le sujet des Juifs orthodoxes et leur place dans la société israélienne est à nouveau au centre des débats.
En quoi le sujet des orthodoxes est-il un thème politique qui suscite davantage l'intérêt des Israéliens que mettons, la sécurité ou la crise du logement ? L'exemption du service militaire est sans l'ombre d'un doute, un sujet brûlant. De plus, de nombreuses personnes accusent les orthodoxes de disséminer le Covid-19. Mais si vous analysez la couverture médiatique importante dont bénéficient les orthodoxes, vous remarquerez que le manque de contribution à l'économie israélienne et la manipulation du budget national sont des sources encore plus importantes de discorde pour de nombreux citoyens. Ainsi, dans un post récent de Liberman sur Facebook : « Le jour où Balfour cessera d'alimenter les comptes bancaires de Derhy, Gafni et Litzman, nous pourrons pointer du doigt le début de la relance économique.»
Comme je suis sceptique sur les déclarations populistes, surtout avant les élections, j'ai décidé d'effectuer des recherches sur le sujet. J'étais focalisée sur cette question : à quel point l'accusation de parasitisme économique, lancée contre les orthodoxes, était-elle exacte ?
La majorité des orthodoxes travaille
« Les orthodoxes ne paient pas d'impôts » est un refrain que j'entends souvent. Certains croient à tort que les orthodoxes ont réussi à arranger une exonération fiscale à l'échelle de toute une communauté, mais la majorité des critiques se réfèrent simplement au faible taux d'emploi chez les orthodoxes. Aucun salaire, donc aucun impôt.
« D'après l'institut orthodoxe des affaires publiques, sur la base de données du bureau central des statistiques, le taux d'emploi général en 2019 (avant le Covid-19) des citoyens israéliens âgés de 25 à 64 ans était de 78,44 %. Et pour ceux qui définissent comme orthodoxes ? 64,46 %. Incontestablement plus bas que le taux général, mais pas suffisamment bas pour traiter tous les orthodoxes de fraudeurs fiscaux.
Mais avec leurs familles nombreuses, les orthodoxes devraient peut-être travailler davantage et non moins que la moyenne israélienne, plutôt que de se reposer sur les financements prétendus excessifs du gouvernement qui leur seraient attribués ?
Quel est le montant de la bourse des étudiants de Yéchiva ?
À combien s'élève l'assistance financière du gouvernement dont bénéficient les orthodoxes ? Si l'on en croit le député Yaïr Lapid l'an dernier, un élève de Yéchiva orthodoxe toucherait 8000 shékels par mois du gouvernement. 8000 shékels ?? Vraiment ?!
Non, du moins selon le Dr Guilad Malach, chercheur à l'Institut de la Démocratie israélienne, dans le rapport annuel sur la société orthodoxe (2020). Le nombre de shékels du gouvernement touché par un élève de Yéchiva s'élève à… zéro. La Yéchiva où étudie l'élève, qui lui fournit une chambre en dortoir et la nourriture, reçoit en moyenne 418 shéhels pour lui de la part du gouvernement. Ce chiffre contraste avec celui des étudiants à l'université, pour lesquels le gouvernement verse un budget moyen de 4907 shékels par étudiant et par mois, plus de dix fois le montant reçu par les élèves de Yéchiva.
Les élèves de Yéchiva bénéficient d'un autre avantage financier du gouvernement : ils paient le taux minimum de 128 shékels par mois pour l'assurance nationale, au même titre que tous les étudiants de plus de 18 ans.
Et qu'en est-il des élèves orthodoxes plus jeunes ? Combien de fonds touchent les écoles élémentaires et les écoles secondaires orthodoxes ? D'après des chiffres de 2020 fournis par le Ministère de l'Éducation selon la Loi relative à la liberté de l'information, les écoles élémentaires du secteur général en Israël reçoivent 1262 shékels par enfant et par mois du ministère. Et les écoles primaires orthodoxes ? 404 shékels par élève. Le gouvernement finance 2625 shékels par mois pour l'éducation d'un élève du secondaire du secteur général, à comparer aux 655 shékels pour les élèves des écoles secondaires orthodoxes. Si vous vous étonnez de cet écart de financement, il est dû à la sanction imposée au système éducatif orthodoxe, du fait qu'il ne se conforme pas complètement aux programmes de l'État.
Et les élèves plus âgés ?
Donc, les élèves orthodoxes ne grèvent pas le budget national, mais qu'en est-il de leurs parents ? Combien de financements gouvernementaux alimentent-ils les comptes bancaires d'un orthodoxe qui étudie au Kollel, une Yéchiva pour les élèves mariés ?
Les plaintes sur l'aide financière aux membres des Kollélim et autres adultes orthodoxes tournent généralement autour des avantages suivants : les bourses du Kollel, les allocations familiales, les réductions sur les impôts fonciers, les réductions de l'assurance nationale, les réductions des garderies et les aides sociales. Bien entendu, les cinq derniers avantages cités ici sont disponibles pour tous les citoyens, mais les orthodoxes avec de faibles revenus et de nombreux enfants ont plus de facilité à répondre aux critères et à obtenir de plus grandes sommes que les familles laïques typiques.
Faisons un calcul. Le gouvernement offre une bourse moyenne de 752 shékels par mois aux élèves de Kollel. Une famille orthodoxe de huit enfants de moins de 18 ans reçoit un total de 1336 shékels d'allocations familiales par mois. Les taux d'impôts fonciers dépendent de la municipalité, du type et de la taille de l'appartement, mais incluons dans notre calcul la réduction maximale disponible pour un appartement de taille moyenne d'une famille orthodoxe : 100 mètres carré. À Jérusalem par exemple, une telle réduction s'élève à 564 shékels par mois (sur la base du taux de la zone B, qui inclut de nombreux quartiers orthodoxes). Les élèves de Kollel paient également le taux minimum de l'assurance nationale, s'élevant à 128 shékels. Comparez ce taux minimum à celui d'un employé gagnant le salaire moyen de 10 551 shékels et qui paie environ 728 shékels d'assurance nationale et d'impôt santé, et nous pouvons ajouter une économie de 600 shékels sur notre compte.
On peut raisonnablement supposer que les familles des Kollélim bénéficient de réductions significatives sur les garderies financées par l'État, puisque ces réductions s'appuient sur les revenus et le nombre de membres de la famille, et les orthodoxes ont généralement de nombreux enfants. Mais la réduction maximale n'est disponible que pour les mères travaillant à plein temps. Moins d'heures de travail induit une réduction moins importante, et payer des frais élevés sur un salaire partiel est souvent dénué de sens. Seules 57 pourcent des femmes orthodoxes travaillent à plein temps, et certaines de ces femmes n'ont certainement pas des enfants en bas âge. Certaines familles de Kollel bénéficient certes de ces avantages, mais non la majorité. En effet, il existe un grand nombre de garderies privées dans les communautés orthodoxes.
Une famille dont le père étudie au Kollel n'a pas droit à l'aide accordée par l'assurance nationale (l'aide au revenu). Il existe une bourse mensuelle d'une valeur de 1040 shékels de la part du ministère de l'Éducation disponible pour les hommes qui étudient au Kollel et dont on peut bénéficier pendant cinq ans, mais pour y avoir droit, il faut avoir au moins trois enfants, le revenu brut de la famille inférieur à 1200 shékels, ne pas posséder de voiture, et sauter à travers des anneaux de feu (ok, pas le dernier critère…). Je ne connais personnellement personne qui réunisse tous ces critères.
Donc, notre calcul final par famille de Kollel est d'environ 3250 shékels par mois, plus les réductions de garderies pour certains. Eh bien, c'est tout. Bien entendu, de nombreux citoyens non-orthodoxes bénéficient de certains de ces avantages sociaux. Autre point intéressant à relever : la majorité des orthodoxes ne bénéficient pas de certains domaines de financements gouvernementaux, comme les budgets nationaux pour le sport, la culture et les loisirs.
Donc, si par notre calcul, nous aboutissons à la modique somme de 3250 shékels, comment se fait-il que de nombreuses personnes avalent ces arguments fallacieux sur les orthodoxes et les financements gouvernementaux, comme l'argument des 8000 shékels de Lapid ?
Une partie de cette conception erronée tient au fait d'une simple déduction : les familles nombreuses ne peuvent pourvoir à leurs besoins avec si peu. La seule conclusion logique : le gouvernement doit forcément les soutenir. C'est une hypothèse raisonnable qui mérite d'être investiguée.
Comment les familles orthodoxes bouclent-elles le mois ?
Plusieurs facteurs contribuent à la faculté de la communauté orthodoxe à survivre sur le plan économique. Tout d'abord, le travail. Comme nous l'avons dit au préalable, contrairement à l'opinion populaire, la majorité des orthodoxes travaille. Autre facteur : le mode de vie modeste de la famille orthodoxe. Des besoins essentiels pour de nombreux membres de la société laïque, comme les voyages à l'étranger, le cinéma, le théâtre, les événements sportifs, les sorties en discothèque et les appareils électroniques comme les Smartphones et les télévisions, sont considérés comme tabous ou inutiles pour la majorité des orthodoxes. Ils ont souvent recours à des vêtements de seconde-main ; moins de la moitié des orthodoxes possèdent une voiture ; et la vaste majorité vit dans des appartements relativement petits.
La nature cohésive et collective des communautés orthodoxes a également un impact sur la vie économique. Les multiples associations de prêts (les Gma'him) qui offrent toute une gamme de produits, depuis la robe de mariée, jusqu'aux visseuses électriques et aux berceaux, constituent une solution. Des prêts sans intérêt sont également facilement disponibles.
Enfin, l'assistance financière en provenance de l'étranger. La majorité des directeurs de Kollel collectent des fonds à l'étranger (avant le Covid-19), augmentant la bourse minimale procurée par le gouvernement, avec de l'argent de dons privés. De nombreux fonds de charité offrent aux familles orthodoxes de la nourriture pour les fêtes, organisent des ventes de vêtements et de chaussures à prix coûtant, des draps à moitié prix, etc. Ils reçoivent la majorité de leurs dons de Juifs au bon cœur résidant à l'étranger. N'oublions pas l'assistance financière individuelle obtenue par de nombreux orthodoxes par leur famille et amis, allouée dans le contexte du soutien à l'étude de la Torah en Israël, considérée d'un point de vue halakhique comme une priorité. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que les orthodoxes injectent des centaines de millions de dollars, de livres sterling et d'euros dans l'économie israélienne chaque année.
Il est difficile de croire que la vérité est si éloignée de la description des média et de la perception commune des orthodoxes. Il est commode de bâtir une campagne politique sur la tendance humaine à chercher un bouc-émissaire, en particulier suite à une année des plus mouvementées. Mais nous devons peut-être songer à voter pour un candidat doté de buts et de projets positifs, un leader qui souhaite construire, progresser et unifier, plutôt que de tourner une partie déjà fragmentée de la nation contre un segment de la population. Dans cette optique, ces élections auront vraiment un intérêt.
Note de l'éditeur : Le bureau de vérification des faits du Globes, Hamachrokit (le sifflet) a récemment examiné une allégation du chef du parti Israël Béténou, Avigdor Liberman sur la radio Kan Bet, stipulant que l'État transfère aux familles orthodoxes la somme de 7 milliards de dollars par an. Hamachrokit conclut que le chiffre réel est d'environ 2,5 milliards, dont 1,3, milliards est octroyé sous forme d'allocations familiales, auxquelles les parents de toutes les communautés ont droit en Israël.
Shulamit Rosen/Globes, traduit par Torah-Box