La Torah est vraie.
Elle est écrite de la main d’Hachem et nous fut donnée sur le Mont Sinaï.
À nous tous, physiquement présents ou sous forme des Néchamot (âmes) à venir.
Ainsi, chacun de nous, aujourd’hui, peut se prévaloir d’avoir personnellement reçu la Torah.
Un des cadeaux d’Hachem est une Torah facile à lire (au premier degré, le « Pchat »).
Les Tsadikim, quant à eux, dans l’épaisseur du parchemin et de l’encre, dans les couronnes surplombant certaines lettres et dans les innombrables commentaires de nos Sages, découvrent une partie de l’infinitude de la parole Divine.
Quant à moi, modestement, je n’ai de cesse de tenter de comprendre la motivation et surtout le bénéfice escompté des Méraglim (les explorateurs) et de Kora’h.
Quelques mois après la sortie miraculeuse d’Égypte, le don de la Torah, la nourriture céleste « la manne » et à quelques jours d’entrer en terre promise, le peuple Hébreu insiste pour qu’une mission d’explorateurs confirme la promesse d’Hachem d’une terre de lait et de miel.
Bien que cela ressemble fort à une remise en question de la parole d’Hachem, D.ieu et Moché Rabbenou acceptent la mission et nomment des personnalités prestigieuses au sein de chacune des tribus pour « aller voir ».
Moché Rabbénou leur a même remis une « feuille de route ».
Le malheur est, qu’à leur retour, après 40 jours d’exploration, les Méraglim ont fait un rapport, à ce point négatif, que les enfants d’Israël n’avaient plus qu’une hâte : retourner en Égypte !
Hachem dans Sa « colère », face au manque de foi, a condamné les Hébreux à pérégriner 40 ans dans le désert et à y mourir pour que seuls leurs descendants découvrent la réalité des promesses de D.ieu.
La Paracha suivante « Kora’h » est un véritable coup d’état fomenté par un personnage considérable de la tribu de Lévi. Il dénonce l’autorité de Moché Rabbénou en l’accusant de népotisme pour avoir choisi son propre frère Aharon Hakohen comme le Kohen Gadol.
Là encore, c’est la parole d’Hachem qui est niée et la légitimité de Moché Rabbénou qui est remise en cause.
La punition sera terrible, Kora’h et sa famille seront engloutis dans la terre, les « complices » de Kora’h seront consumés par un feu de D.ieu et quelques 14.000 hébreux périront.
La motivation de Kora’h – au premier degré – semble évidente. Il voulait prendre la place du chef.
Quant aux « explorateurs », nos Sages nous expliquent qu’ils craignaient de perdre leur statut de chefs lorsqu’ils pénètreraient en Erets Israël. Si les Sages le disent, c’est que c’est vrai. Mais rien n’interdit de dire que c’est incompréhensible. Ils sont chefs, ils pourraient le rester !
Une autre question :
« L’aventure » de Kora’h intervient après que les enfants d’Israël aient été condamnés à rester 40 ans dans le désert et à y mourir.
Et donc, Kora’h allait mourir dans le désert. Pourquoi voulait-il tant prendre le pouvoir ?
Sauf à admettre qu’il remettait en cause toute la parole d’Hachem !
Et même dans cette hypothèse, qu’aurait-il fait du pouvoir ?
Aurait-il poursuivi la route vers Israël ? S’en serait-il retourné vers l’Égypte ?
Et si les Méraglim avaient eu gain de cause, convaincus que la Terre d’Israël était inaccessible ?!
Ils s’en seraient retournés en Égypte subitement devenue un nouvel eldorado ?
Datan et Aviram, de la tribu de Réouven – et qui périrent avec Kora’h – sont allés jusqu’à qualifier l’Égypte d’être une « terre ruisselante de lait et miel » ! Un détournement complet de la parole d’Hachem ou la manifestation du syndrome qui conduit la victime à se prendre à aimer son bourreau ?
Cette Égypte, pays de servitude, de cruauté et de turpitude aurait retrouvé « ses » Juifs avec un retour tête basse et prêts à subir, en pire, toutes les ignominies d’un peuple pervers et sadique !
Donc, quelque chose nous échappe.
Certes les Méraglim et Kora’h ont été saisis d’un orgueil irrépressible qui, comme le disent nos Sages, aveugle et annihile toute intelligence et tout bon sens.
Les Méraglim, tout comme Kora’h ont été anesthésiés au point d’ignorer les souffrances dont ils furent victimes en Égypte et de feindre d’ignorer les miracles dont ils ont été les témoins.
Alors, tentons d’aller plus loin :
Posons comme principe que le désert, d’une part, et Erets Israël, d’autre part, définissent deux références de temps et d’espace.
Dans le désert tout est « surnaturel » :
Le temps ne relève d’aucune référence au-delà du seul cycle solaire.
Les saisons, les pluies, les rivières qui irriguent les champs… rien de tout cela n’existe.
Le « temps », si l’on peut dire est rythmé par la nuée marquant le départ et l’arrivée des étapes et par la « manne » servie sur un plateau repas qui prend le goût que l’on désire.
Les vêtements ni ne se froissent ni ne s’usent…
Quant à l’espace, comme disent les mathématiciens, il est « ouvert ». Il n’a – apparemment – ni limites, ni frontières. Il est simplement, et si l’on peut dire l’expression du « rien ».
Donc, les 600.000 Juifs adultes n’ont ni référence de temps, ni référence d’espace.
De quoi en rendre plus d’un angoissé !
Seule la foi absolue en une transcendance essentielle permet de survivre.
Hachem n’a de cesse que de rendre cette transcendance visible, palpable… à portée de main. Le porteur de cette transcendance, le lien de cette transcendance entre l’Homme et D.ieu, est Moché Rabbénou.
C’est Moché Rabbénou qui permet aux Juifs d’assumer ce « non-espace » et ce « non-temps » en donnant, si l’on peut dire, à cette transcendance une apparence « vivable », une dimension humaine.
Rappelons-nous, les enfants d’Israël étaient incapables d’écouter la voix d’Hachem au Mont Sinaï, c’est Moché Rabbénou qui fut « l’interprète ».
C’est, précisément, cette dualité de Moché Rabbénou – homme de terre et homme de D.ieu – qui a trompé les explorateurs et Kora'h.
À leur décharge, même Aharon Hakohen et Myriam la Prophétesse s’y sont trompés… lorsqu’ils ont reproché à Moché Rabbénou de négliger sa femme…
L’intelligence ordinaire, le discernement étaient mis à l’épreuve.
La foi en la parole d’Hachem se trouvait, à tout instant, confrontée à des réalités semblant insurmontables. Se rappelle-t-on des Hébreux face à la mer et poursuivis par les cavaliers de Pharaon ? Ils se mirent à crier leur défaite quand Hachem, contre toute « logique » leur enjoint de se jeter à l’eau…
Bref, pour les Méraglim comme pour Kora'h, c’était trop. Et ils se sont révoltés.
En terre d’Israël, la transcendance allait prendre une nouvelle dimension.
L’Espace-Temps retrouvait « la normale ».
En donnant aux enfants d’Israël des saisons évidentes, une terre riche et grasse, abreuvée d’eau et portant cultures, arbres fruitiers et animaux de toutes sortes, l’Homme s’est retrouvé « propriétaire » et « responsable ».
Hachem, quant à Lui, « a pris de la hauteur », Ses miracles – bien qu’évidents – ne semblent pas « surnaturels », la vie et la mort retrouvent leur apparente banalité.
Le travail de la terre est imposé par la nécessité de « s’attacher à la Torah et de produire sa farine ».
La prière devient le lien spirituel, les bénédictions sont notre espoir et notre avenir.
Les Méraglim et Kora'h avaient une conscience objective de cette dualité entre la transcendance présente dans le désert et la matérialité d’Erets Israël.
Pour les Méraglim et Kora'h, cette opposition représentait une équation insoluble et ils ont – chacun à leur manière – « refusé l’obstacle ». Les premiers en dénigrant la terre d’Israël et Kora'h en rejetant Moché Rabbénou.
Les Méraglim sont morts de leur médisance. Kora'h et les siens ont péri de leur manifestation de révolte.
La Émouna qui fait de nous les enfants d’Hachem et la raison qui place l’homme au premier plan ne font pas bon ménage.
La foi nous guide, la raison nous fait sombrer dans une logique de confort.
Hachem n’a de cesse que de nous aider à rendre compatibles foi et raison.
Le monde d’ici-bas et le monde d’en Haut.
La Torah et la farine dont nous faisons notre pain.