Il y a déjà 27 ans que nous quittait le Rav Chlomo Zalman Auerbach qui alliait à la fois les fonctions de Roch Yechiva (de la prestigieuse institution “Kol Torah” à Jérusalem) et de décisionnaire en Halakha. Il fut l’une des principales personnalités à traiter sous l'angle de la Halakha des nouveautés en technologie de l’époque moderne telles que l'électricité, et des lois liées à la terre d’Israël, avec le retour en masse des Juifs en terre sainte. Il sera une référence dans le domaine médical, où de grands professeurs et des directeurs d’hôpitaux lui soumettront des cas complexes, trouvant en ce grand Possek compétence et humanité. Mais il marquera aussi sa génération par ses Midot (traits de caractère) exemplaires, son visage toujours souriant et son regard apaisant.
On raconte cette anecdote le concernant : lorsqu’il perdit sa femme après plus de 50 ans de vie commune, le responsable de la ‘Hévra Kadicha chargé de l’enterrement se tourna vers lui pour lui demander s’il désirait demander pardon à la défunte, comme la coutume le veut. Le Rav lui répondit qu’il n’en avait pas besoin puisqu’il ne lui avait jamais causé la moindre peine ! Il est évident que dans tout couple, il y a des désaccords et des malentendus ; pourtant pendant des dizaines années, le Rav était parvenu à ne jamais froisser son épouse, fait incroyable qui ne peut que nous laisser pensif et admiratif.
Personnellement, en écoutant cette anecdote, il m’a été possible de saisir ce que nos Sages rapportent dans le Talmud (Baba Batra 17a) : il a existé dans l’histoire 4 personnes qui n’ont jamais fauté durant toute leur existence : Binyamin le fils de Ya’akov, ‘Amram père de Moché, Ichay et Kalev respectivement père et fils de David. On doit donc bien admettre qu’il existe des Tsadikim dont le niveau d'élévation se trouve à des milliers de lieues du nôtre et avec lesquels on ne peut se comparer.
Mais j’ai choisi de rapporter un précepte de ce grand Rav qui lui, nous concerne tous. Un enseignant de Kodech vint une fois épancher son cœur auprès du Rav car le directeur de l’établissement dans lequel il travaillait ne l’avait pas payé intégralement depuis plusieurs mois suite à des difficultés financières. Le Rav Auerbach lui dit alors : “Sache qu'à mes yeux, enseigner la Torah constitue un immense mérite et tu dois remercier ce directeur de t’avoir permis de participer à la diffusion de la Torah”. Rabbi Chlomo Zalman, Roch Yéchiva, se donnait lui-même énormément, dépensant sans compter son temps et ses forces afin que ses élèves comprennent les finesses du traité étudié, ne voyant dans son rôle rien d’autre qu’un mérite que les responsables de cette institution lui avaient accordé.
Précisons qu’il est tout à fait légitime de refuser un poste ou de le quitter à la fin de l’année, quand on pense pouvoir gagner mieux ailleurs. Mais lorsque finalement, on a choisi d’enseigner la Torah, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'un quelconque métier, mais véritablement d'un idéal.
On peut élargir les paroles du Rav à bien d’autres Mitsvot pour lesquelles il faut investir de l’argent, comme le fait de donner à la Tsédaka, de consommer de la nourriture Cachère, de payer sa cotisation à la synagogue ou la scolarité de nos enfants. Certains se plaignent du coût élevé de ces dépenses, en faisant abstraction du mérite que ces actes, à la portée cosmique et infinie, apportent. Que ferions-nous si nous nous trouvions dans un lieu sans synagogue, sans rabbin, sans boucher Cachère, sans école juive et autres ?
Prenons l’enseignement du Rav Auerbach pour changer notre optique, et que son souvenir soit une source de bénédiction.