Voilà près de 2000 ans que notre Temple a été détruit et chaque année, nous marquons cet évènement tragique par un jeûne et des prières afin de mériter sa reconstruction. Un regard extérieur pourrait s’étonner : “Mais vous êtes enfin chez vous, à Jérusalem, commencez les travaux au lieu de vous lamenter ! Et si vous tenez au lieu précis où se tenait l’ancien Temple, arrangez-vous donc avec les Musulmans pour qu’ils déplacent leur mosquée, ou bien vous-même décalez votre Temple un peu sur la droite, et l’affaire est réglée !” Ce genre de propos met en relief un point fondamental qui échappe à cet étranger : reconstruire techniquement le Temple tel qu’il était conçu ne constitue pas un véritable problème, car effectivement dans l’absolu cela est réalisable. Notre véritable souci, c’est davantage de savoir comment ramener la Chékhina (Présence divine) dans cette demeure, là où Elle résida pendant des centaines d’années.
Pour cela, il ne suffit pas de matériel et de main d’œuvre, mais il importe que notre cœur soit assez pur pour mériter une telle réalisation. En effet, la Chékhina ne repose parmi le peuple d’Israël que lorsqu’il n’existe pas d’obstacles qui L’en empêcheraient. Ces obstacles, ce sont nos fautes, nos égarements, nos désirs étrangers à la Torah qui causent l’éloignement de D.ieu de la terre. C’est pourquoi nos Sages se sont interrogés sur les causes spirituelles qui ont mené à la dévastation du Beth Hamikdach, afin de savoir sur quel domaine il est important de se parfaire. Lorsque cette réparation se réalisera, le Temple sera immédiatement reconstruit, et d’après certains de nos Maîtres, il descendra tout droit du ciel.
Dans ce dessein, sont organisés chaque année de grands rassemblements, particulièrement à Jérusalem, durant lesquels interviennent de grands Rabbanim pour se renforcer dans la Chémirat Halachon, “la surveillance de la parole”. En effet, nos Sages nous ont enseigné que l’une des raisons principales qui causèrent la destruction du second Temple était la haine gratuite. C’est pourquoi il y a plus d’un siècle, le Rav Israël Méïr Kagan rédigea un livre traitant de l’interdiction de la médisance intitulé “‘Hafets ‘Haïm” (qui deviendra plus tard le surnom de son auteur), afin de prendre conscience de la gravité de cette faute et de connaître les lois la régissant. Depuis, ce livre se trouve pratiquement dans chaque foyer juif, traduit dans d’innombrables langues, et il est étudié dans de nombreux cercles d’étude.
On pourrait s’étonner du fait que l’abstention de proférer du Lachon Hara’ aurait, à elle seule, le pouvoir de nous sortir d’un si long exil. Le Rav Yé’hezkel Levinstein, dirigeant spirituel de la Yéchiva de Poniewicz, expliquait que l’étude des lois de la médisance n’est pas suffisante pour s’assurer de ne pas prononcer de paroles malfaisantes, car si on ne raffine pas parallèlement ses traits de caractère, le venin sortira forcément de notre bouche. De plus, il faut acquérir la Émouna parfaite que tout provient de D.ieu et que nulle créature ne peut nous causer de tort si cela n’est pas décrété par le Ciel, pour surmonter notre désir de nous venger en parlant mal d’une personne qui nous a lésés. Il s’agit donc d’un travail intérieur qui prend toute une vie, autant au niveau des Middot que de la foi, qui nous permettra de ne pas proférer du Lachon Hara’. Après ces explications, on comprend pourquoi ces efforts peuvent nous amener à la Délivrance tant attendue.
À l’approche du 9 Av qui nous rappelle chaque année notre passé glorieux, nous devons nous pencher vers notre propre ‘Horban (destruction) intérieur, et réfléchir sur la source de notre situation. Souhaitons que grâce à cette introspection, nous puissions mériter très bientôt de voir ce jour se transformer en jour de fête, Amen !