Il y a quelques jours nous a quittés le Rav Moché Grilak. Il fut l’un des pionniers des séminaires de judaïsme en Israël et l’un des chroniqueurs les plus importants de la société israélienne orthodoxe, exprimant avec sa plume talentueuse la position du Juif pratiquant face aux défis de l’époque. Il sera l’un des fondateurs du journal orthodoxe Yated Nééman et écrira l’éditorial de l’hebdomadaire Michpa’ha. Sans se donner de répit, il va participer à des forums sur l’identité juive en Israël et donner des conférences dans tout le pays - et même à l’étranger -, oubliant que son corps prenait de l’âge et avait du mal à suivre sa flamme intérieure. Visionnaire et bâtisseur du développement phénoménal du mouvement de la Téchouva, les Rabbanim qui l’ont côtoyé dans son travail relèveront son professionnalisme, sa chaleur humaine et sa recherche de vérité.
Nous souhaitons particulièrement nous attarder sur cette dernière qualité, car il n'est pas évident d'être honnête et fidèle dans les deux rôles qu'il assumait - celui de conférencier et de journaliste. Il est notoire que la plupart des journalistes ont en général déjà des idées fixées avant même d’aborder un sujet à traiter, et ne font que rechercher ce qui va justifier leurs conceptions personnelles, faisant fi des données qui les contredisent. Un conférencier lui aussi est sujet - afin de capter son public - à gonfler ou déformer les faits réels, le souci de vérité ne représentant pas sa préoccupation première.
Lorsqu’on s’occupe de judaïsme, comme ce fut le cas du Rav Grilak, il peut être aussi tentant “d’arrondir les angles” et de changer le message initial de la Torah. En effet, on a affaire à un public éloigné de ses sources et qui baigne dans des conceptions modernes, très souvent bien éloignées du judaïsme authentique. Certains vont argumenter que pour intéresser et rapprocher ces égarés, “il faut proposer une Torah attrayante, moderne, ouverte, tolérante, sympathique, intelligente, universitaire, humaine ; démontrer combien notre Tradition est éloignée de l’obscurantisme moyenâgeux, ou du fondamentalisme radical et barbare”.
Ces arguments ne sont pas dénués de raison, mais il est tout aussi important de savoir rester fidèle à notre patrimoine, même s’il n’est pas toujours “à la mode”. Lorsqu’un écrivain est conditionné par le qu’en dira-t-on, qu’il recherche la popularité ou est animé d’un complexe d’infériorité face aux idées dans le vent, il est certain qu’il en arrivera à dévier du Emet absolu. Il est toutefois nécessaire qu’un Rav s’occupant de Kirouv (diffusion du Judaïsme) sache comment aborder et présenter un sujet, que son discours soit clair et agréable à entendre, qu’il soit prêt à utiliser l’humour et ses dons théâtraux afin de captiver son public. Mais il faut parallèlement se soucier de vérité, sans chercher à “arranger” la Torah afin de la rendre attrayante.
C’est exactement ce sujet qui est abordé dans la Torah, au début de la Parachat Béha’alotekha, lorsqu’Hachem ordonne à Aharon d’allumer la Ménora dans l’enceinte du Temple, afin que “les 7 bougies diffusent leur lumière”. Il est écrit ainsi qu’”Aharon agit comme le lui avait dicté D.ieu”, sans changer le moindre détail (cf. Rachi sur place).
Aharon est conscient de l’impact de la lumière de la Ménora, grâce à laquelle le cœur des Bné Israël va s’illuminer, et pourrait être tenté d’y apporter des modifications afin de renouveler l’intérêt du peuple juif ou encore pour l’adapter aux bouleversements dus à la dynamique de la vie. La Torah témoigne sur le frère de Moché Rabbénou qu’il n’a pas opéré le moindre changement, car c’est justement par une transmission fidèle et parfaite que l’on parvient à diffuser la lumière du judaïsme, expression la plus pure du divin.