Le mois d’Adar est arrivé, un mois de bon Mazal, propice à la réussite dans tous les domaines - comme cela est rapporté dans le Choul’han ‘Aroukh - à l’image du miracle de Pourim. Pour de nombreuses personnes, c’est le moment de tenter leur chance en jouant au loto.
A ce propos, permettez-moi de vous rapporter une rencontre que j’ai faite avec un voisin sans grands moyens, qui m’a un jour affirmé que durant deux mois de l’année, il est millionnaire. Devant mon étonnement, il s’est expliqué : “Lorsqu’arrive le mois d’Adar, j’achète un billet de loto, mais je ne vérifie pas immédiatement les numéros gagnants. Je m’imagine que j’ai gagné, ce qui en théorie est possible, car D.ieu dans Sa grande bonté peut très bien en décider ainsi. Comme “je suis” millionnaire, je commence donc à réfléchir à mes futurs achats :
Peut-être un appartement au bord de la plage à Netanya, ou en face du Kotel à Jérusalem ou bien… les deux ? Quelle voiture vais-je choisir : une robuste mais discrète ou bien une qui va “en mettre plein les yeux” à mon entourage ? Je me mets à rire rien qu’en pensant à la tête de mon beau-père qui me considérait jusqu'à maintenant comme un bon à rien... Je ressens la satisfaction de celui dont la femme va commencer à le respecter comme il se doit, ainsi que ses enfants. Le gabay de la synagogue va me trouver une place honorable et m’inviter souvent à lire la Torah. Quelle revanche ! Et les voyages, les dépenses, les beaux vêtements, les nouveaux meubles, ma femme heureuse et toute souriante…
Mais je pense aussi au revers de la richesse : très vite, la nouvelle va se savoir et on va me demander tout le temps de la Tsédaka ; peut-être devrais-je aider ma sœur qui est dans le besoin ; ne faudrait-il pas que j’offre un Séfer Torah à la mémoire de mon grand-père ? ; dois-je ouvrir un compte à chacun de mes enfants en vue de leurs mariages ou bien attendre de voir s’ils seront respectueux envers moi ? Il est primordial d’installer des caméras autour de la maison pour nous protéger, peut-être même prévoir un gardien pour accompagner mes enfants quand ils sortent…
Et ainsi les pensées se succèdent jour après jour jusqu’au moment où je réalise qu’il faudrait quand même récupérer l’argent de la cagnotte avant qu’il ne soit trop tard. Et là, il s’avère que mes numéros n’ont pas été choisis ! Mais cela m’importe peu. En effet, je suis rassasié de mon “expérience” de nouveau riche, et quelque part, je suis bien content d’être revenu à mon sort présent.”
Je lui ai alors posé la question qui s’imposait : ”Ton truc a certes bien marché la première année, mais comment peux-tu recommencer le même processus les années suivantes, alors que tu sais dorénavant que tout n’est que fantasme !” Il m’a lancé un regard perçant en me répondant : ”Je ne te comprends pas, tu es bien Rav, et tu connais l’enseignement de nos Sages selon lequel chaque année à Roch Hachana l’Eternel redistribue les cartes pour chacun. Hier mon Mazal c’était d’être pauvre, cette année c’est d’être riche !”
Je dois avouer que cette personne m’a laissé pensif. Peut-on vraiment à force d’imagination vivre l’expérience d’un riche, en s’appuyant sur une chance dont la probabilité de le devenir est pratiquement nulle ? En tous les cas, cet homme reconnaissait les avantages comme les inconvénients du statut de riche et était conscient que celui-ci n’est pas la source du bonheur. Malgré tout, chaque année le désir de le devenir le chatouillait, et il tentait de nouveau sa chance.
Le mois d’Adar est celui de la reconnaissance que c’est l’Eternel qui contrôle le destin des hommes, comme on le voit dans la Méguila, et que tout ce qu’Il fait est pour le bien le plus absolu. Sachons voir la Main rassurante de D.ieu qui nous guide dans notre existence, car c’est là que se trouve la source véritable du bonheur.
Peut-être allez-vous, vous aussi, tenter votre chance au loto. Permettez-moi de vous donner un conseil : concertez-vous et ne jouez pas tous le même jour, il serait dommage de se partager la cagnotte. 😀