Le développement de la technologie a toujours provoqué de grands bouleversements dans la société. Imaginons un monde sans électricité, sans voiture, sans téléphone, sans internet… Les occupations de l’homme et de la femme ont, par conséquent, considérablement changé ; des métiers ont disparu pour être remplacés par d’autres, et chaque découverte – aussi extraordinaire soit-elle – a suscité de la réserve, voire même de l’inquiétude. Mais voilà que le monde a su s’adapter aux changements, qui aujourd’hui se font de plus en plus fréquents.
Dernièrement, c’est au tour de l’IA (Intelligence Artificielle) d’éclore et de se développer à une vitesse vertigineuse. Certains ont vite saisi l’opportunité qu’elle représentait et l’exploitent, tandis que d’autres ne savent même pas ce qu’elle représente. Apparemment, cet outil risque de surpasser par son ingéniosité tout ce que l’on pouvait imaginer jusqu’à présent, avec toutes les possibilités qu’il offre, mais aussi avec ses conséquences potentiellement désastreuses. Ainsi, de nombreuses fonctions actuelles risquent d’être supprimées, à l’image du transporteur d’eau ou de l’ânier d’autrefois qui n’existent plus.
En tout cas, rassurons-nous : s’il y a un rôle qui ne risque pas d’être inquiété par l’IA, c’est bien celui de Rav et ce, pour plusieurs raisons !
Tout d’abord, un Rav n’est pas uniquement une personne ayant accumulé beaucoup de connaissances – et que l’on pourrait, en théorie, substituer – mais il représente un maillon indispensable à la transmission du judaïsme. Lorsque l’on étudie auprès d’un Rav, qui a lui-même puisé son enseignement auprès d’un maître, on s’imprègne, à son contact, de l’élévation spirituelle ressentie lors de la révélation au mont Sinaï. Cette expérience ne peut être remplacée ni par un programme informatisé, ni même par des cours audio ou des livres. C’est pourquoi nos Sages insistaient sur le Chimouch Talmidé ‘Hakhamim (la fréquentation des Sages), davantage que sur leurs enseignements.
De plus, un Rav est à même de saisir intuitivement la personne qui le sollicite et de comprendre que derrière sa question, se cache parfois une problématique bien plus importante. Il cherchera à établir un contact avec celui qui l’aborde, s’intéressant à sa situation et à ses besoins, et pourra ainsi l’aider à s’accomplir. Comment voulez-vous qu’un robot puisse réaliser ce que seul l’être humain, de par sa nature, est capable de faire ?
Un grand maître en Torah est aussi un visionnaire, capable de percevoir les défis de son époque et d’y apporter des solutions. Pour cela, il ne peut se contenter des expériences passées, car le monde a sa propre dynamique, et il faut parfois innover dans le service divin. Ainsi, Rabbi Yéhouda Hanassi avait réalisé que la Torah orale risquait d’être oubliée suite aux décrets romains, et décida de la mettre par écrit, ce qui donna la Michna et plus tard le Talmud. Maïmonide, par son œuvre monumentale – le Yad Ha’hazaka – ouvrit à tous la porte de la connaissance de la Loi, et Rachi, par ses commentaires, facilita la compréhension du Talmud. Le Arizal, le Ba’al Chem Tov, et le Ram’hal donnèrent un nouvel élan au judaïsme avec leurs enseignements basés sur la Kabbale, jusque-là réservée à une élite. Les séminaires pour jeunes filles et les Yéchivot actuelles représentent également des innovations contemporaines qui ont sauvé le judaïsme.
L’IA, comme son nom l’indique, reste artificielle, “paralysée” par des données passées et donc limitée dans sa créativité. La véritable intelligence est celle qui s’abreuve continuellement aux sources infinies de la Science divine, qui s’avère finalement irremplaçable.