Qu'est-ce qui a poussé le Tzar russe à tracer un chemin de fer, sur 8500 km, qui ne conduit nulle part ? Découvrez une histoire de Hachga’ha pratit (providence… divine ?)
Un beau jour, en 1905, le Tzar de toutes les Russies s'est réveillé avec en son cœur un rêve que seuls des dictateurs égoïstes qui souffrent de la folie des grandeurs sont capables de prendre au sérieux : il prit la décision de tracer une ligne de chemin de fer qui traverserait toute la Russie, d'Est en Ouest, sur une distance de plus de 8500 km. Où devait-elle conduire ? Nulle part !
A cette époque, la partie orientale de la Russie était abandonnée et déserte, presque dans sa totalité. Cette région du globe était en grande partie recouverte de neiges éternelles, et les seuls êtres humains qui y circulaient étaient une poignée d'éleveurs de gros bétail et des tribus qui vivaient au fond des forêts. Le traçage de la ligne de chemin de fer était considéré concrètement comme un acte totalement insensé. Des sommes fabuleuses furent investies et des myriades d'ouvriers furent employés dans des conditions extrêmement pénibles, et tout ça pour faire aboutir une ligne dans une région désolée où elle ne serait d'aucune utilité.
Absolument ! L'extravagance dans toute sa matérialisation.
Trente-cinq ans passèrent, et la seconde guerre mondiale frappait de toutes ses forces. L'Allemagne nazie se mit à faire la conquête de pays, les uns après les autres. Et un groupe de plusieurs milliers de Juifs se retrouvèrent en Lituanie, cherchant désespérément une sortie de secours du contient européen.
Deux étudiants de la célèbre yéchiva de Mir, qui séjournaient au même moment à Vilnius (la capitale de la Lituanie), essayèrent de tenter leur chance auprès de Chiune Sugihara, le consul du Japon de la ville. Ils s'adressèrent à lui pour lui demander un laissez-passer pour son lointain pays. Sugihara envoya leur demande par télégramme à Tokyo. Mais quelques heures plus tard, il obtint une réponse négative. Il convoqua les jeunes étudiants dans son bureau, et leur montra le télégramme. Cependant, il ajouta, à voix basse, qu'il leur donnerait des papiers malgré le refus essuyé.
« Combien est-ce qu'il vous en faut ? », demanda-t-il.
Il pensait qu'ils allaient lui donner une réponse entre une et deux dizaines. A sa grande surprise, les étudiants lui répondirent qu'ils auraient besoin d'au moins quatre cents laissez-passer, l'équivalent du nombre des étudiants de la yéchiva…
Ainsi, le consul Sugihara, pendant trois jours, et les deux jeunes gens devenus ses auxiliaires, travaillèrent sans relâche pour tamponner des centaines de passeports japonais et y inscrire les noms des étudiants. Le travail terminé, et les passeports attribués à leurs destinataires, il restait un petit problème: comment faire pour passer de la Lituanie, qui se trouve à l'extrême sud du continent asiatique, à l'archipel du Japon, situé au-delà du point le plus à l'est du même continent ?
Entre ces deux points, la distance est d'environ 9000 kilomètres, toute la largeur de la Russie.
De quelle manière est-il possible de traverser cette immensité en partie couverte d'épaisses forêts des plus éloignées de la civilisation?
La réponse évidente est qu'il existe pour ce faire un certain chemin de fer, la ligne transsibérienne, qui traverse toute la Russie d'Ouest en Est.
De la sorte, les étudiants de la yéchiva prirent le train, en empruntant cette voie construite « inutilement » des dizaines d'années auparavant, sous l'ordre d'un tzar russe mégalomane, et ils atteignirent la liberté…
Yossi It'shak
traduit par l'équipe Torah-Box