La vie est loin d’être un fleuve tranquille. D’un bus manqué à un bras cassé, en passant par une dispute avec sa belle-mère, l’existence est jonchée de difficultés et d’épreuves qui nous contrarient. On se demande parfois : pourquoi toutes ses épreuves ? Pourquoi moi ? 

La Torah nous raconte les pérégrinations d’Avraham Avinou. Nos Sages nous enseignent qu’il fut soumis à dix grandes épreuves. D.ieu lui ordonna de quitter sa terre natale pour la terre de Canaan. À son arrivée, il subit la famine et fut obligé de se rendre en Égypte. En Égypte, Sarah fut capturée et présentée à Pharaon afin de devenir son épouse. De retour à Canaan, il dut combattre quatre rois impitoyables. Il dut s’unir à Hagar pour obtenir une descendance. À l’âge de 99 ans, il se circoncit comme D.ieu le lui avait ordonné. Sarah fut enlevée par Avimélekh le roi de Guérar. Avraham dut répudier Hagar après qu’elle lui eut donné un fils. Il renvoya Ismaël de sa demeure. Et pour terminer, D.ieu commanda à Avraham de Lui offrir en sacrifice son fils bien-aimé Its’hak. 

Avraham Avinou fut soumis à des épreuves plus terribles les unes que les autres. Une question se pose de savoir pourquoi D.ieu éprouva-t-Il Avraham de la sorte ? Il est écrit (Béréchit 22; 12) : « Désormais, J’ai constaté que tu honores D.ieu, toi qui ne M’as pas refusé ton fils, ton fils unique ! » Qu’est-ce que cela signifie ? Y a-t-il des choses que D.ieu ignore ? N’est-Il pas omniscient ? Nos Sages nous disent quant à eux (Avot 5, 3) : « C’est à dix épreuves qu’Avraham Avinou fut soumis et il les surmonta toutes. C’est pour montrer combien était grand l’amour d’Avraham Avinou. » Qu’est-ce que cela veut bien dire ? 

Na'hmanide pose à plusieurs reprises la question des épreuves. Sont-elles là pour « éclairer » D.ieu ? Ou pour éclairer les hommes ? Il écrit dans son commentaire sur la section de Vayéra (22, 1) qu’en aucun cas les épreuves ne servent à D.ieu. Il est omniscient et n’a pas besoin d’elles pour connaître le niveau spirituel d’une personne. L’examen ne sert pas l’examinateur, mais l’examiné. Na'hmanide pose alors un principe fondamental pour la compréhension des épreuves en général, et celles d’Avraham en particulier. Il écrit : « L’examinateur, béni soit-Il, ordonne à l’examiné de passer du potentiel au réel afin de lui octroyer le salaire de l’action plutôt que celui de la bonne volonté. » Nous sommes tous venus au monde avec une somme de potentialités. Nous possédons des qualités grâce auxquelles nous pouvons sanctifier le Nom de D.ieu. Malheureusement, le train-train quotidien nous endort et nous fait oublier notre mission dans ce monde. Les soubresauts de l’existence nous poussent à révéler le meilleur de nous-mêmes et à crier notre amour pour D.ieu. C’est pour cette raison qu’Avraham est appelé « bien-aimé ». Il a su prouver par ses actes son amour indéfectible pour son Créateur. Nous ne devons pas comprendre les épreuves comme des coups de bâton céleste, mais comme des défis. De ces défis, naît la grandeur. Rabbi Haïm de Wolozhin va plus loin. Il explique dans son commentaire des Maximes de nos Pères que l’épreuve donne une réalité intemporelle au potentiel. Lorsqu’Avraham a quitté son pays natal pour la terre de Canaan, il a non seulement grandi de cela, mais il a également insufflé à toute sa descendance l’amour d’Erets Israël. Il nous est aujourd’hui plus facile d’offrir l’hospitalité ou de braver des décrets antireligieux, car Avraham s’est réalisé dans ces domaines. Il a relevé tous les défis que D.ieu lui a envoyés. Ces victoires ont imprégné sa chair. Il est appelé Avinou ou « notre père » non seulement en tant que géniteur, mais surtout pour sa Torah qui vit à travers les générations. Il est le père de ses actions. Elles sont notre véritable héritage. D.ieu nous éprouve parce qu’Il nous aime et veut que l’on révèle le meilleur de nous-mêmes. Alors, pourquoi nous ? Parce qu’Il veut notre véritable « moi ».