C’est bon l’intelligence. Et Éric-Emmanuel Schmitt est intelligent.
Pas seulement à cause de son parcours de Normalien, qui l’a fait passer par Khâgne et Hypokhâgne, avant l'agrégation de philosophie, mais parce qu’on sent que les choses sont chez lui réfléchies, intégrées, avant d’être merveilleusement bien formulées.
Il conçoit si bien, qu’il énonce on ne peut plus clairement.
Il est l’écrivain français contemporain le plus lu à l’étranger, donc le plus traduit (48 langues) ; dramaturge, ses pièces sont jouées dans plus de 50 pays et ses ventes à travers le monde atteignent 24 millions d’exemplaires !!! C’est dire que l’homme est un sacré influenceur.
Il réalise “Odette Toulemonde” en 2006, et alors qu’il n’a encore jamais touché au cinéma, le film devient un succès international, faisant en France presqu’un million d’entrées, et est applaudi jusqu’au Japon. Il décrit une fable sur le bonheur, tout en délicatesse et en humour, avec en toile de fond une critique mordante sur le monde des prix littéraires, des écrivains en vogue et du “snobisme” de ce milieu.
Né près de Lyon en 1960, Schmitt ne vient pas d’une famille d’intellectuels : ses parents étaient férus de sport, et l'ont laissé faire ses choix (en général, la meilleure recette pour réussir avec ses enfants…).
Son physique en effet, est plutôt celui d’un prof de gym que d’un lettré, et surtout se dégage de sa personne une …, on aurait presque dit une bonhomie, rarissime chez ceux qui sont montés si haut dans les sphères de l’académie.
La simplicité est une valeur, et Eric-Emmanuel y tient. Pour lui, le travail intellectuel ne doit pas déboucher sur une pensée abstraite et stérile, mais au contraire, le savoir est une matière vivante qui sert à se parfaire, à confronter les idées pour arriver à des conclusions engageantes dans sa vie.
Il n’y a en lui pas une once de cynisme, et malgré sa profondeur, il tient à rester au premier degré. C’est une prouesse lorsqu’on a écrit sur Freud, et que l’on connaît si bien l’art de la psychanalyse.
À contre-courant
Comment lui, fils d’athées, a-t-il un jour adopté la foi, après une expérience mystique dans le désert ?
Comme un saumon qui nage à contre-courant, mais sans les soubresauts désespérés, Schmitt calmement, sereinement, bien dans ses “baskets”, avoue l’inavouable : il est croyant !! Et il le fait savoir.
Il en faut du courage pour oser un tel credo dans le monde littéraire parisien où le bon ton est à l’intouchable laïcité.
Jusqu'à aujourd'hui, trente-cinq ans après, il cultive le moment intense de cette ”révélation”, l’entretient et le chérit. À 28 ans, lors d’un trek au Sahara avec des amis, il se perd dans la nuit et va rencontrer dans la solitude du désert une Présence, Quelque Chose qui le dépasse, un foyer de chaleur, qui soudain “donne un sens à tout” comme il dit, et qu’il sera trop honnête pour ignorer.
À ce moment-là, sa vie va changer. Il aurait été si facile de balayer cette expérience sous le tapis, de passer son chemin, de l’oublier puisque fondamentalement elle dérange et soulève toutes les grandes questions existentielles. Car si D.ieu existe, si je ne me suis pas engendré moi-même, il va falloir courageusement en tirer des conclusions.
Schmitt, le cartésien, l’intellectuel, qui croyait tout maîtriser, ne fait pas marche arrière devant cette révélation de l’Absolu, l’accepte et comprend qu’il va devoir lâcher du contrôle.
Les desseins de D.ieu restent bien sûr toujours un mystère, mais : “J’habite différemment mon ignorance, car elle renferme désormais une promesse de sens”, dit-il si joliment.
“Cette posture d’acceptation d’un Plus haut que moi me fait baigner dans la confiance, et c’est tellement bon”, conclut-il.
Schmitt n’a alors aucun cadre religieux, mais cette expérience avec l’Absolu, est indéniablement pour lui une rencontre avec le D.ieu des monothéismes.
Révélation depuis l’espace
Dans la même veine, mais cette fois en décollant dans l’immensément grand, à travers l’expérience cosmique, l’astronaute Jean-François Clervoy raconte, alors que lui non plus ne vient pas du monde de la croyance, loin de là, que lorsqu’il a vu pour la première fois la planète Terre de son engin spatial, il a été pris devant cette merveille d’agencement, de couleur et d’organisation, d’un ravissement et d’une émotion telle, qu’il s’est mis à réfuter que la création pouvait être le fruit du hasard. Comme Schmitt, il n’a pas essayé de résister, et a laissé cette enveloppante sensation d’un Haut-Dessus de soi l’habiter.
À son retour sur terre, il a senti qu’il devait entreprendre une quête spirituelle et s’est alors rapproché d’hommes de religion pour engager avec eux un échange et un dialogue. “C'était devenu un besoin vital”, dit-il.
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Notre siècle qui subit la dictature du ”consomme et tais-toi”, et du numérique, invite peut-être plus que tout autre, l’homme à questionner son univers et à ne pas le laisser devenir un carcan opaque et muet, que l'on utilisera à des seules fins de plaisir et de confort.
Venus de rien en spiritualité, d’une page blanche où n'étaient inscrites en filigrane que des valeurs terrestres et n’ayant que l’angoisse pour réponse devant le mystère de l’univers, la recherche de ces hommes va aboutir finalement à la confiance en Celui qui donne la vie.
Pour qui est à l’écoute, chaque phénomène terrestre ou céleste est une fenêtre ouverte par laquelle Le Créateur nous parle. Il n’y a pas d’exclu, de trop petit, de trop sourd, de trop intellectuel ou de trop manuel pour entendre l’appel du Divin.
Il suffit juste de prêter l’oreille… et de reconnaître.