Dans son commentaire sur le livre de Yona (l’un des douze Petits Prophètes, inclus dans la Bible), le Gaon de Vilna assimile, en une lecture qui dépasse le Pchat (sens simple), le prophète Yona à l’âme, c’est-à-dire à la partie spirituelle de l’homme.
Elle trouve son origine dans le Char Divin, et vient habiter le corps matériel, pour lui MONTRER la voie à suivre. Mais il peut arriver qu’elle se détourne de son objectif, et se laisse attirer par les pulsions du corps. C’est ainsi que le Gaon de Vilna explique que Yona refuse de faire sa mission, d’inviter les habitants de Ninive à se détourner de leurs mauvaises actions pour se rapprocher de l’Éternel. « Les habitants de Ninive vont améliorer leurs actes, grâce à mes sermons, et cela sera un affront pour le peuple juif, qui n’accepte pas d’améliorer sa voie ! ». Tel est, selon Rachi, le raisonnement du prophète qui veut empêcher une appréciation négative de la conduite négative. Selon le Gaon de Vilna, l’âme, attirée par les satisfactions matérielles, refuse de remplir sa mission salvatrice, et Yona va se réfugier, « descendre », dans le bateau qui l’éloigne – feint-il de croire – de la source divine, et va même s’endormir au fond du bateau. Le terme « descendre », le concernant, est répété par trois fois : « descente » à Yaffo, descente dans le bateau, et à l’intérieur même du bateau, descente au fond. Quand la tempête menace, les matelots le réveillent, et lui demandent D’OÙ il vient, quelle est son origine. Ici, le Gaon de Vilna apporte cette explication lumineuse, au moment où Yona a voulu FUIR « devant l’Éternel » : (Comme chacun a sa source dans la spiritualité), ne pas faire Sa volonté, c’est FUIR, et REVENIR À LUI s’appelle BAAL TÉCHOUVA » - acteur du RETOUR - (commentaire sur Yona 1,3). Le « repentir » – c’est-à-dire revenir à la Torah – est un retour à une normalité, mais ainsi également à la Source originelle, un retour vers le Tout-Puissant. Dans cette perspective, la Téchouva est un acte spirituel qui nous permet de retourner à D.ieu, pas seulement un repentir, ni une réponse à une question, mais une voie qui nous ramène à notre Créateur.
C’est ainsi qu’il faut comprendre pourquoi Roch Hachana – Yom Hadin (Jour du Jugement) – précède Yom Hakippourim (Jour de Miséricorde). À Roch Hachana, on n’ose pas évoquer les fautes, car c’est faire preuve d’insolence que de se trouver chez le Roi, chez le Juge, et d’étaler les fautes commises. Ce qui est important, c’est le Retour à D.ieu, la Source originelle, la proximité avec le Tout-Puissant. Yom Kippour est différent : le jour du Pardon, il est souhaitable de se repentir, et de reconnaître ses fautes, car on a déjà ressenti la proximité avec le Juge à Roch Hachana. Il est donc loisible de demander le pardon, et de reconnaître ses fautes.
On perçoit ici, à partir de la lecture du Commentaire du Gaon de Vilna sur le livre de Yona, la profondeur de l’approche, aux yeux de la Torah, de l’analyse psychologique des Sages, avec laquelle une lecture de Freud ou Lacan ne saurait rivaliser. Connaissons d’abord d'où vient notre comportement, essayons de lire notre inconscient pour comprendre notre activité. Retournons à nos sources : revenons vers l’Éternel, premier stade dans une analyse du MOI, il sera, alors, plus aisé de nous vider de nos fautes, d’évacuer nos déficiences. Le repentir est alors à notre portée, et l’inconscient, alors, se découvre. Il ne nous appartient, en aucun cas, de tenter une lecture psychologique de la démarche de la Torah : ceci n’est ni notre spécialité, ni notre désir de souligner la convergence d’approches provenant assurément de sources étrangères à la Torah. Cependant, la lecture remarquable et profonde du Gaon de Vilna sur le terme « Retour » (Téchouva) invite à réfléchir. L’être humain est composé : les séductions l’attirent, et s’y soumettre est facile, mais dangereux. Si nous reconnaissons Qui dirige le monde, recherchons la proximité avec Lui, nos pulsions seront contrôlées. Proches du Roi, de notre source, nous réussirons à mieux nous surveiller. L’objectif d’Eloul, l’élan vers la Téchouva nous accompagnent, et peuvent nous permettre d’éviter les fautes. Tel doit être notre programme : rapprochons-nous de l’Éternel, et le négatif s’éloignera. De Roch Hachana à Yom Kippour, la route est tracée, à nous de la suivre, et, ainsi, d’agir en harmonie avec la volonté du Créateur.