Rabbi Its'hak Louria, plus connu sous le nom du Ari Zal Hakadoch, était accompagné de ses disciples, lorsqu'il croisa en chemin Yossele le puiseur d'eau. Il faisait ce métier depuis plus d'un demi-siècle, son dos était courbé sous la charge de ses deux seaux remplis suspendus de part et d'autre d'un gros bâton en bois. Notre Yossele ne respirait pas le bonheur, son air pensif amena le Rav à lui demander de ses nouvelles.
- Comment vas-tu Yossele ?, lui demanda le Rav.
- Je voudrais bien te répondre que tout va bien Rabbi, seulement, la situation est critique en ce moment, mais je ne voudrais pas embêter le Rav avec mes problèmes.
- Pourquoi m'embêter, 'Hass Véchalom, si je peux t'aider, je le ferais avec plaisir, lui retourna le Rav avec un merveilleux sourire.
- Pour tout te dire, Rabbi, j'ai 78 ans et je croule encore sous la charge. Mon corps me fait mal et mon métier est extrêmement physique. Alors que j'aspirais à être tranquille avec mon épouse, à l'âge avancé auquel nous sommes arrivés, ma fille qui était mariée avec un véritable tyran, qui l'humiliait et la maltraitait pendant plus de dix ans, vient de divorcer. La voilà revenue sous le toit parental, avec tous ses enfants. Je craque, Rabbi, je n'en peux plus, me comprends-tu ?
Le Ari zal, attentif et compatissant, leva ses mains pour les poser sur la tête de Yossele :
- Que l'Eternel t'ouvre les portes de la réussite et que tu connaisses la tranquillité et la joie tout au long de ta vie, adressa le Rav au vieil homme.
Yossele remercia le Rav et les deux hommes se quittèrent. Les élèves qui avaient assisté à l'entretien demandèrent à leur maître :
- Rabbi, crois-tu vraiment à un changement radical pour ce pauvre homme ? Trop de paramètres à bouleverser pour entrevoir un peu de lumière.
- Vous verrez, vous verrez... gardez confiance.
Quelques semaines plus tard, les deux hommes se rencontrèrent à nouveau, et là, c'est un Yossele radieux que l'on aperçoit, le sourire indécrochable de son visage.
- Comment vas-tu Yossele ? Tu as l'air radieux comparé à notre dernière rencontre.
- Rabbi, je suis le plus heureux des hommes, je ne taris d'éloges et de remerciements envers Hakadoch Baroukh Hou depuis ta bénédiction. Te rends-tu compte ? A l'âge que j'ai, je ne connais pratiquement personne capable de faire le métier que je fais. La plupart d'entre eux sont invalides, incapables de s'assumer, dépendants les uns des autres, ou de leurs enfants lorsque ces derniers se montrent reconnaissants. Quant à moi, Rabbi, je fais le plus beau des métiers, j'accomplis une Mitsva chaque seconde en distribuant, par l'eau que je transporte, de la vie à tout un village, des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants s'étanchent grâce à moi ! Et je n'ai pas besoin de tendre la main ! En plus, ma fille et ses enfants souffraient le martyre depuis des années, cet homme insensible avec lequel elle était mariée, les terrorisait ! La voilà maintenant divorcée depuis plusieurs semaines, elle réapprend, depuis peu, à sourire, et les enfants remplissent de joie et de rires notre maison. Que pouvons-nous demander de mieux avec mon épouse que de voir nos petits-enfants grandir sous nos yeux, nous qui n'avions plus le droit de les approcher lorsqu'ils étaient chez eux.
Cette histoire se passe de commentaire. L'enseignement qui en découle est, en fait, la source du bonheur. Nous ne cessons de le demander dans toutes nos prières, et, insatisfaits de ne le voir surgir, nous oublions souvent que s'il n'arrive pas c'est parce qu'il est déjà chez nous. Il est dans notre regard, dans la vision que nous avons de la vie, il est en nous. Si nous cessions de voir la vie comme un dû, mais comme un cadeau de chaque seconde, nous serions sûrement plus heureux. Si tu veux te rapprocher du bonheur, arrêtes de pleurer pour les épreuves du passé et commences à remercier D.ieu pour les épreuves que tu n'as pas connues.
Rav Chalom Zaoui