Cette histoire se déroule à une époque où le judaïsme européen commençait à perdre ses valeurs, et une grande partie de ses membres étaient attirés par divers mouvements qui les encourageaient à embrasser leurs idées et à se délester du joug de la Torah et des Mitsvot.
Rabbi Israël Méir Hacohen, surnommé le ‘Hafets ‘Haïm, sillonnait régulièrement les villes villages, tentant de renforcer les fondements du judaïsme, il tenait des discours et rendait visite à des commerçants qui avaient cessé de respecter le Chabbath.
Très souvent, le Rav subissait des échecs cuisants, ses efforts s’avéraient vains et il ne parvenait pas à faire revenir tout le monde dans le droit chemin. Mais dans de nombreux cas, ses efforts portaient leurs fruits, et sa personnalité raffinée et sublime, ainsi que les propos émanant de son cœur chaleureux et aimant, produisaient leur effet et influaient sur les descendants d’Avraham, d’Its’hak et de Ya’acov, qui se repentaient et revenaient dans le droit chemin.
Un jour, le Rav arriva dans une petite localité, et il s’enquit où il pouvait effectuer une visite pour renforcer les Juifs et les encourager à la pratique des Mitsvot.
Les résidents du lieu l’adressèrent à une usine située à l’extrémité de la localité, où travaillaient durement de nombreux ouvriers à la fabrication de briques pour la construction. Ils fabriquaient les briques à partir d’argile, et les faisaient ensuite sécher dans une fournaise immense qui transformait ces morceaux de boue en briques solides, utilisées pour la construction de maisons.
Le propriétaire de l’usine était juif, et chose honteuse : la fabrique fonctionnait le Chabbath.
Le ‘Hafets ‘Haïm s’approcha de l’usine, et voici que le propriétaire de l’usine sortit à sa rencontre. Il s’avéra qu’ils se connaissaient. Le père du propriétaire de l’usine avait été un ami proche du ‘Hafets ‘Haïm des dizaines d’années plus tôt, et le Rav avait même participé à la Brit Mila du propriétaire de l’usine.
Le Hafets ‘Haïm tenta de toucher le cœur de son interlocuteur, en lui expliquant la valeur et l’importance du Chabbath, et la grandeur du salaire de celui qui le respecte selon la Halakha, mais le propriétaire ne se laissa pas persuader.
« Écoutez, Kvod Harav, dit-il en s’excusant. Je ne suis pas un homme qui profane joyeusement le Chabbath. J’aurais voulu respecter le Chabbath comme tous les Juifs. Mais je n’ai pas le choix… La grande fournaise de mon usine doit obligatoirement travailler en continu. Je ne peux pas me permettre d’interrompre son action une journée entière pendant la semaine. Si je ne lui fournis pas de produits de combustion, elle se refroidira et ensuite, il me faudra patienter jusqu’à lundi ou mardi pour qu’elle soit suffisamment chaude. Si je devais garder le Chabbath, je ne pourrais travailler que trois ou quatre jours par semaine…
Écoutez, je pourrais laisser la fournaise allumée pendant le Chabbath sans y faire entrer de briques, mais les produits de combustion me coûtent de l’argent, et si chaque semaine j’introduis dans mon four des produits de combustion une journée entière sans faire aucun bénéfice - mes revenus seraient très minces au final… »
Le ‘Hafets Haïm écouta attentivement les propos de son interlocuteur.
Et soudain, il éclata en sanglots.
Le propriétaire paniqua. « Kvod Harav, que s’est-il passé ? Pourquoi pleurez-vous ? N’avez-vous jamais rencontré de Juif profanant le Chabbath ? »
« J’ai malheureusement entendu des cas de Juifs qui le transgressent, et j’en ai rencontré plusieurs personnellement », relata le ‘Hafets ‘Haïm dont les larmes continuaient à inonder ses joues, « mais ton cas est plus complexe. Comprends-moi, j’ai été un bon ami de ton père, que son souvenir soit béni, et j’ai même participé à ta Brit-Mila. Je suis déjà âgé, il ne me reste plus beaucoup d’années à vivre dans ce monde-ci. Le jour s’approche où je rendrai l’âme à mon Créateur. J’arriverai au Ciel, et rencontrerai certainement ton père. Il me demandera : "Que se passe-t-il dans le monde ici-bas ? Comment va mon fils ?" Que pourrais-je lui répondre ? Je raconterais à mon ami proche que son fils profane le Chabbath ? Comment pourrais-je… C’est la raison de mes pleurs. »
Les propos pénétrants du ‘Hafets Haïm et ses larmes brûlantes qui mouillaient sa barbe blanche entrèrent tout droit dans le cœur du propriétaire, qui décida au même moment de respecter le Chabbath.
« Rabbi, je vous promets de respecter le Chabbath. Mais je ne peux pas interrompre le fonctionnement de l’usine chaque semaine pendant une journée, en conséquence, j’ai une solution : je vais vendre l’usine à un non-Juif et rechercher une autre source de revenus. »
Le ‘Hafets ‘Haïm fut très ému par le sacrifice du Juif qu’il bénit chaleureusement. Mais il n’était pas encore rassuré : « Je suis très heureux d’entendre tes propos, dit-il sur un ton encourageant, mais je crains qu’après mon départ, ta décision s’effrite, et si tu reportes la vente de quelques jours seulement, tu transgresseras un autre Chabbath, et ensuite, tu oublieras totalement ta décision de cesser de profaner le Chabbath. Donc je te demande de vendre rapidement l’usine, même dans les heures qui viennent si possible, pour que je puisse avec certitude relater à ton père que son fils respecte le Chabbath… »