Il y a 26 ans disparaissait l’Admour de Loubavitch, le Rav Ména’hem Mendel Schneerson, à qui des dizaines de milliers de Juifs partout dans le monde doivent leur retour au judaïsme. Il a combattu sans relâche pour faire connaître la vérité de la Torah dans un vingtième siècle de défis sans précédent pour le judaïsme. Nous sommes au lendemain de la Shoa où les rescapés, a peine sortis de l’épouvante, questionnent les évènements qu’ils ont vécus dans leur chair ; le retour en Erets Israël soulève des questions brûlantes d’identité juive ; en Union soviétique, des millions de Juifs ont été déconnectés de leur patrimoine. Les révolutions culturelles naissent aux USA avec Woodstock et le mouvement hippie, en France mai 68 repense toutes les relations humaines, sociales et politiques, sans oublier l’émigration de communautés juives orientales entières vers les rivages de l’Occident, avec tout ce que ce déracinement entraîne pour eux, surtout au niveau religieux.
« Le Rabbi » sera présent sur tous les fronts et dans tous les combats. Il proposera des solutions à tous ces problèmes en exigeant de son entourage la même Messirout Néfech (dévouement total) qu’il l’exigeait de lui-même. Sous son impulsion, partout dans le monde vont s’ouvrir écoles, Mikvaot et les incontournables Beth ‘Habad, que nous rencontrerons aux quatre coins du globe.
Je voudrais personnellement rajouter à cette liste un point personnel qui m’a profondément touché lors d’une visite au « Seven Seventy » :
En 1988, je me suis associé à un voyage organisé à New York afin de passer les fêtes de Chavou’ot auprès de l’Admour. Je n’étais pas ‘Habad mais je cherchais une occasion de connaître le monde orthodoxe américain avec ses grandes ‘Hassidout et ses grandes Yéchivot. Je vais effectivement profiter de ce voyage pour découvrir Boro Park, Williamsburg, Crown Heights, visiter les Yéchivot de Mir et de Lakewood et bien sûr, passer Chabbath et Yom Tov au fameux 770, le grand Beth Hamidrach ‘Habad, au côté des milliers de ‘Hassidim et du « Rabbi ». L’ambiance de joie et de fête, la convivialité du lieu et des gens étaient palpables dans tout le quartier, mais quelque chose va me marquer pour toujours dans ce grand local du Seven Seventy : l’impression que je suis chez moi. Jamais auparavant dans ma vie, alors que je me suis trouvé dans beaucoup de lieux d’étude ou de prière sur les quatre continents, je n’ai ressenti cela.
Comprenez bien, dans chaque communauté que vous visiterez, on vous accueillera bien, on vous fera une place, on vous proposera parfois de monter à la Torah et on vous demandera si vous ne manquez de rien. Mais vous restez un invité. Vous serez certes reçu de façon chaleureuse mais vous êtes chez quelqu’un d’autre, dans un lieu qui n’est pas le vôtre. Par contre au 770, j’étais chez moi, sans être ‘Habad et sans que personne autour de moi ne cherche ostensiblement à créer ce sentiment. Il est certain que ce ressenti est à mettre au crédit du Rabbi, qui a voulu créer un « chez soi » pour tous les visiteurs du monde.
Je me souviens d’avoir eu alors cette réflexion : c’est à cela qu’un Beth Hamidrach (maison d’étude) doit ressembler.
Tout le monde ne peut pas s’inventer Admour, ni même rabbin et créer des infrastructures communautaires tout en parvenant à leur garder un cachet familial. Par contre nous avons, pour la plupart d’entre nous, construit des foyers et des familles. Et la question qui devrait nous préoccuper est celle-ci : avons-nous créé un cocon dans lequel nos enfants se sentent vraiment chez eux, ou bien sont-ils comme des invités chez des étrangers qui s’avèrent être, presque accidentellement, leurs propres parents ? Si l’enfant ne trouve pas dans sa famille un lieu où il fait bon de vivre, il va non seulement souffrir mais il risque de quitter la maison et ses valeurs. Sachons que rien n’est fortuit et que notre foyer dégage exactement l'atmosphère qu’on y fait régner. Prenons-en conscience et efforçons-nous de mettre dans nos demeures une ambiance de « chez soi » irremplaçable, que nos enfants chercheront à retrouver, à tout âge.