La fille du Gaon Rav Kanievsky, la Rabbanite Ruth Tsivion, relate dans un nouvel ouvrage passionnant, « Beth Imi », ses souvenirs d’enfance au foyer de ses remarquables parents.
« Le troisième appartement de papa et maman, au 23 rue Rachbam dans le quartier ‘Hazon Ich, où habite papa jusqu’à aujourd’hui, est l’appartement où nous avons vécu nos années d’enfance, et j’en ai de nombreux souvenirs », relate la Rabbanite Tsivion.
« Jusqu’à ces dernières années, ce logement ne contenait que deux pièces : l’une était la chambre des parents, et la deuxième, était à "usage multiple", c’était le salon, la pièce où étudiait papa ; la chambre d’enfants, en fait c’était toute la maison… dans cette petite pièce dormaient six enfants, et avec la table et le Stender, il ne restait pas un brin de place. En-dehors de ces deux pièces, il n’y avait qu’une toute petite cuisine et une toute petite entrée. Cet espace était totalement exploité : il y avait une petite table, mise à notre disposition lorsque papa étudiait dans la pièce attenante, la bibliothèque, et la nuit, deux enfants y dormaient.
Dans cette maison, nous avons tous grandi : ‘Hanna, Léa, Avraham Yéchayahou, moi, Chlomo, Brakha, Dina et Its’hak Chaoul - et nous ne nous sommes jamais sentis à l’étroit chez nous », poursuit la Rabbanite.
« Cette promiscuité n’a pas remis en cause la grande joie de vivre qui régnait dans notre foyer. Au contraire, elle incarne une place centrale dans les souvenirs d’enfance agréables qui m’accompagnent jusqu’à aujourd’hui. J’entends encore le son agréable de l’étude de papa, assis à côté du Stender à côté de mon lit, révisant les pages de Guémara, que ce soit le soir en rentrant du Kollel ou tôt le matin, lorsque seule sa voix rompait le silence. »
Papa réussissait à nous endormir chaque soir
La Rabbanite relate la manière dont son père, Rav Kanievsky, les endormait : « Papa réussissait à nous endormir chaque soir, écrit-elle, en rentrant du Kollel, il nous trouvait dans sa chambre - la nôtre, nous sautions sur les lits et les matelas… Il vérifiait que nous avions prié Ma’ariv, lu le Kriat Chéma’ du coucher, et préparé le récipient pour la Nétilat Yadayim du lendemain matin. Il organisait ensuite un tirage au sort pour déterminer qui aurait le privilège de réciter la Brakha de Hamapil. Il organisait le tirage au sort à sa façon - en employant les noms de traités : il choisissait l’un des enfants et commençait à énumérer les noms des traités à partir de lui : Brakhot, Péa, Dmaï, Klaïm, Chevi’it, Teroumot, Ma’asserot, Ma’asser Chéni, ‘Hala, ‘Orla, Bikourim. Celui qui tombait sur "Bikourim" gagnait le tirage (avec le temps, nous avons appris à deviner qui serait le gagnant…). L’heureux gagnant avait le privilège de réciter la Brakha en premier, à laquelle nous répondions tous "Amen", puis un nouveau tirage au sort était organisé pour le prochain, jusqu’à ce que le dernier des enfants soit au lit…
Après avoir lu la Brakha de Hamapil, il est interdit de parler, mais on communiquait avec les mains et les sons « Nou, Nou », nous en profitions bien, se souvient la Rabbanite avec nostalgie. Papa éteignait la lumière et entrait dans la cuisine pour prendre le repas du soir avec maman, et une fois que nous nous étions endormis, il revenait dans la chambre, allumait la lumière et s’asseyait pour étudier.
Papa était pointilleux sur notre préparation du Nagel Wasser (l’eau pour l’ablution matinale) près du lit, pour se laver les mains au moment du lever, et, de ce fait, en-dehors des lits et des matelas, la pièce était remplie de récipients d’eau à côté de chaque enfant. Il avait même organisé une fois un concours : l’enfant qui se rappellerait de préparer le Neguel Wasser pendant un mois entier, recevrait une récompense. J’ai réussi et j’ai gagné le premier tome de « Péer Hador » sur le ‘Hazon Ich, qui venait d’être édité », revient la Rabbanite sur ses souvenirs d’enfance.
Chaque soir, mon père allait se coucher à 22 heures
« Chaque soir, à 22 heures, mon père lisait le Kriat Chéma’ et se couchait, relate la fille du Rav Kanievsky. A deux heures et demie du matin, il retournait dans la bibliothèque (la chambre des enfants…). Il transférait une partie des enfants dans son lit pour faire de la place à sa ‘Havrouta qui venait étudier avec lui. Au fil des ans, mon père étudia avec différentes ‘Havroutot, et il était pointilleux sur leur heure d’arrivée.
A propos de la rigueur de papa sur le respect des Sédarim (sessions d’étude), mon père prescrivit un jour à l’un de ses élèves qui écoutait ses cours sur le Talmud Yérouchalmi, de ne pas manquer un seul de ses cours. Papa lui expliqua que, parfois, l’homme mérite une punition et tombe malade, mais s’il tient à ne pas manquer son cours, quelles que soient les circonstances, il est fixé du Ciel qu’il ne tombera pas malade. Ce même élève raconta qu’il avait pris soin de ne pas manquer un seul cours. Et, en effet, pendant ces années-là où il assista au cours, il ne tomba pas une seule fois malade, si ce n’est le vendredi et le Chabbath lorsque le cours n’avait pas lieu. »
On se réveillait au son de la voix de papa, orné de son Talit et de ses Téfilines, lisant les Prophètes avec les cantillations
« Tôt le matin, proche de l’heure du lever du soleil, papa descendait à la synagogue pour la prière de Cha’harit », relate la Rabbanite, et précise que son père est pointilleux d’accomplir toutes les Mitsvot dès le moment où il est possible de le faire, dans l’esprit de l’adage : « Les zélés accomplissent les Mitsvot le plus tôt possible. » C’est la raison pour laquelle il prie chacune des Téfilot dès l’heure où il est possible de les réciter. « A son retour, il s’asseyait à côté de nos lits dans la bibliothèque, portant le Talit et les Téfilines, et lisait les Prophètes avec les cantillations », poursuit-elle.
« L’agréable mélodie des versets des Prophètes chantée chaque jour alors que nous étions encore endormis était une sorte de doux rêve pour nous. Jusqu’à aujourd’hui elle résonne à nos oreilles, et nous en avons la nostalgie ! A cette heure-là (qui en été était très tôt), la journée commençait dans notre foyer. Nous nous levions, faisions Nétilat Yadayim, et puisque papa veillait à ne pas étudier la Torah tant qu’il restait dans la pièce de l’eau de la Nétila, nous nous hâtions de l’évacuer. Nous arrangions les lits rapidement pour que papa puisse continuer à étudier dans une chambre rangée. »
Ces propos sont extraits d’un nouveau livre dont la lecture est recommandée, « Beth Imi ».