En ce mois d'Elloul, les Séli'hot et le Chofar nous rappellent jour après jour : Roch Hachana approche, le temps des comptes est arrivé. Le temps des commémorations aussi, car nous voici presque au terme d'une année lourdement chargée d’épreuves et de douleur. Beaucoup d'entre nous ressentent pourtant qu'au fil du temps, après le terrible choc traumatique des premiers mois, la tension et la ferveur ne sont plus ce qu'elles étaient dans nos cœurs, comme enfouies dans la pesanteur des jours. De ce point de vue aussi, c'est bien une guerre d'usure qui est menée contre nous !

Ce sentiment paradoxal en période de guerre nous invite évidemment à la réflexion. Une figure éminente et lumineuse du temps de la Shoah, Rabbi Kalonymos Kalman Shapira, le Rabbi de Piaseczno, peut sans doute nous y aider. Personnalité réputée dans le monde ‘Hassidique d’avant-guerre, il avait trouvé refuge dans le ghetto de Varsovie. Il continuait à y dispenser ses enseignements, qu'il mettait autant que possible par écrit. Il fut assassiné au camp de Travniki le 4 Mar’hechwan 1942, mais il avait pris soin de déposer ses écrits dans des bidons d'aluminium, enfouis dans le ghetto et retrouvés après-guerre. Ces écrits furent ensuite publiés sous le titre « Ech Kodech ».

À l'approche de Roch Hachana 1942, le Rabbi constate que, de manière étonnante, malgré les terribles menaces qui planent sur chaque membre du peuple juif, il ne voit plus la même ferveur intense qui animait auparavant les prières publiques. D'autres partagent ce sentiment et l'interrogent à ce sujet. Rabbi Kalonymos leur offre alors deux explications, qui peuvent également nous concerner aujourd'hui.

Premièrement, dit-il, lorsqu'un Juif voit ses prières exaucées d'une manière ou d'une autre, cela l'encourage et le stimule à redoubler d'ardeur dans les supplications qu'il adresse au Ciel. À l'inverse, il se sent de plus en plus abattu lorsqu'il constate que, malgré ses efforts, les malheurs qui l'assaillent ne cessent de s'aggraver. Il lui devient alors bien difficile de prier avec la ferveur attendue.

Ensuite, poursuit Rabbi Kalonymos, une foi fervente et joyeuse ne peut s'exprimer que chez quelqu'un qui vit lui-même dans la joie de ce en quoi il croit. Or, comment se réjouir lorsqu'on est accablé de coups et piétiné par les oppresseurs ?

C'est alors qu'il nous faut prendre exemple sur le roi David. Lorsque ce dernier s'adresse à D.ieu au milieu des épreuves qui l’assaillent, il s’écrie : “Des profondeurs, je T’ai invoqué…” Pas d’une profondeur, mais des profondeurs, c’est-à-dire une profondeur au sein d’une autre profondeur, un malheur suivant un autre, sans que j'en voie la fin. Et pourtant, je me redresse et je me tourne vers Toi, sans même voir la fin des épreuves auxquelles Tu me soumets. Mieux encore que nous offrir un exemple, conclut le Rabbi ailleurs, c’est une main que le roi David nous tend à travers ce Psaume, une main qui nous soutient fermement. Sachons la saisir ! Plutôt que de scruter l’obscurité qui nous entoure, nous serons alors plus attentifs aux prodiges extraordinaires dont nous avons été témoins, et plus réceptifs aux trésors d’héroïsme généreux et d'Ahavat Israël, qui ne cessent de se manifester et de nous encourager depuis près d’un an au sein du peuple d’Israël.