Joseph ne put se contenir, malgré tous ceux qui l'entouraient. Il s'écria: "Faites sortir tout le monde d'ici!" Et nul homme ne fut présent lorsque Joseph se fit connaître à ses frères.
Et Yossef ne put se contenir
Il ne pouvait accepter que les Egyptiens se tiennent là et qu’ils assistent à l’humiliation de ses frères au moment où il s’en ferait reconnaître
45,2
II éleva la voix en pleurant. Les Égyptiens l'entendirent, la maison de Pharaon l'entendit,
La maison de Pharaon l’entendit
La maison de Pharaon, c’est-à-dire ses serviteurs et les gens de sa maison. Le mot bayith (« maison ») ne signifie pas la maison au sens étroit. C’est comme « la maison de Yehouda... la maison d’Israël » (I Melakhim 12, 21). En français médiéval : « maisande »
45,3
et il dit à ses frères: "Je suis Joseph; mon père vit-il encore?" Mais ses frères ne purent lui répondre, car il les avait frappés de stupeur.
Car ils étaient bouleversés
De honte
45,4
Joseph dit à ses frères: "Approchez-vous de moi, je vous prie." Et ils s'approchèrent. II reprit: "Je suis Joseph, votre frère que vous avez vendu pour l'Égypte.
Approchez donc de moi
Comme il les voyait en train de reculer, il s’est dit : Mes frères sont maintenant remplis de confusion ! Aussi leur a-t-il parlé avec douceur, sur un ton suppliant, et il leur a montré qu’il était circoncis (Beréchith raba 93, 8)
45,5
Et maintenant, ne vous affligez point, ne soyez pas irrités contre vous-mêmes de m'avoir vendu pour ce pays; car c'est pour le salut que le Seigneur m'y a envoyé avant vous.
Car c’est pour la subsistance
Pour assurer votre subsistance
45,6
En effet, voici deux années que la famine règne au sein de la contrée et durant cinq années encore, il n'y aura ni culture ni moisson.
Voilà deux années
Qui sont passées, sur toutes celles qui doivent frapper ce pays
45,7
Le Seigneur m'a envoyé avant vous pour vous préparer une ressource dans ce pays et pour vous sauver la vie par une conservation merveilleuse.
45,8
Non, ce n'est pas vous qui m'avez fait venir ici, c'est Dieu; et il m'a fait devenir le père de Pharaon, le maître de toute sa maison et l'arbitre de tout le pays d'Égypte.
Père
Il a fait de moi son collègue et m’a conféré la dignité de patron (« père du roi ») (Beréchith raba 93, 10)
45,9
Hâtez-vous, retournez chez mon père et dites lui: ‘Ainsi parle ton fils Joseph: Dieu m'a fait le maître de toute l'Égypte; viens auprès de moi, ne tarde point!
Et montez vers mon père
Erets Israël est plus élevé que tous les pays qui l’entourent (Pessiqta zoutretha)
45,10
Tu habiteras la terre de Gessen et tu seras rapproché de moi; toi, tes enfants, tes petits-enfants, ton menu et ton gros bétail et tout ce qui t'appartient.
45,11
Là je te fournirai des vivres car cinq années encore il y aura famine afin que tu ne souffres point, toi, ta famille et tout ce qui est à toi.’
De peur que tu ne tombes dans la misère (tiwaréch)
Traduction du Targoum. On trouve le même terme yarach (« devenir pauvre ») dans : « morich ouma’achir (“qui appauvrit et qui enrichit”) » (I Chemouel 2, 7)
45,12
Or, vous voyez de vos yeux, comme aussi mon frère Benjamin, que c’est bien moi qui vous parle.
Vos yeux voient
La gloire à laquelle j’ai accédé (voir verset suivant). Vous voyez aussi que je suis votre frère, puisque j’ai été circoncis comme vous. Vous voyez aussi « que c’est bien ma bouche qui vous parle », puisque je m’exprime en langue sainte
Et les yeux mon frère Binyamin
Après les avoir mentionnés séparément, il les met tous sur le même plan d’égalité, comme pour dire : « De même qu’il n’y a pas en moi de haine contre Binyamin, puisqu’il n’a pas participé à ma vente, de même n’en ai-je pas dans mon cœur contre vous » (Meguila 16b)
45,13
Faites part à mon père des honneurs qui m’entourent en Égypte et de tout ce que vous avez vu et hâtez vous d’amener ici mon père."
45,14
Il se jeta au cou de Benjamin son frère et pleura; et Benjamin aussi pleura dans ses bras.
Il tomba au cou [tsaweré – littéralement : « les cous »] de Binyamin son frère
Sur les deux sanctuaires qui se trouveront sur le territoire de Binyamin, et qui seront détruits l’un et l’autre (Meguila 16b)
Et Binyamin pleura à son cou
Sur le sanctuaire de Chilo qui se trouvera sur le territoire de Yossef, et qui sera détruit
45,15
Il embrassa tous ses frères et les baigna de ses larmes; alors seulement ses frères lui parlèrent.
Et après cela
Ayant vu qu’il pleurait et que son cœur était sincèrement avec eux
ses frères parlèrent avec lui
Car au début ils étaient remplis de honte devant lui
45,16
Or, le bruit s'était répandu à la cour de Pharaon, savoir: les frères de Joseph sont venus; ce qui avait plu à Pharaon et à ses serviteurs.
Et la voix fut entendue dans la maison de Pharaon
La préposition « dans » est sous-entendue. Il s’agit ici de la maison elle-même (contrairement au verset 2)
45,17
Et Pharaon dit à Joseph: "Dis à tes frères: faites ceci: rechargez vos bêtes et mettez-vous en route pour le pays de Canaan.
Chargez vos bêtes
De provisions
45,18
Emmenez votre père et vos familles et venez près de moi; je veux vous donner la meilleure province de l'Égypte, vous consommerez la moelle de ce pays.
Le meilleur du pays d’Egypte
Le pays de Gochèn. Il prophétisait, sans savoir ce qu’il prophétisait. Car ils rendront un jour le pays semblable à un fond de mer privé de ses poissons
La graisse du pays
La « graisse » désigne toujours la meilleure part
45,19
Pour toi, tu es chargé de cet ordre: faites ceci: prenez, dans le pays d'Égypte, des voitures pour vos enfants et pour vos femmes; faites-y monter votre père et revenez.
Et à toi
De ma bouche de leur dire
Faites ceci !
Parle leur ainsi, c’est avec mon autorisation
45,20
N'ayez point regret à vos possessions, car le meilleur du pays d'Égypte est à vous."
45,21
Ainsi firent les fils d'Israël: Joseph leur donna des voitures d'après l'ordre de Pharaon et les munit de provisions pour le voyage.
45,22
II donna à tous, individuellement, des habillements de rechange; pour Benjamin, il lui fit présent de trois cents pièces d'argent et de cinq habillements de rechange.
45,23
Pareillement, il envoya à son père dix ânes chargés des meilleurs produits de l'Égypte et dix ânesses portant du blé, du pain et des provisions de voyage pour son père.
Il envoya comme ceci
Comme le nombre qui suit. Et quel est ce nombre ? Dix ânes..
Du meilleur de l’Egypte
La guemara précise qu’il a envoyé à son père du vin vieux, spécialement salutaire aux vieillards (Meguila 16b). Pour le midrach, il s’agissait de fèves brisées [réputées calmantes] (Beréchith raba 94, 2)
De grain et de pain
Comme le traduit le Targoum
Et de nourriture
C’est ce qui accompagne le pain
45,24
Il reconduisit ses frères lorsqu'ils partirent et il leur dit: "Point de rixes durant le voyage!"
Ne vous agitez pas pendant le voyage
Ne vous engagez pas dans des discussions halakhiques, de peur que vous ne vous égariez (Ta‘anith 10b). Autre explication : Ne marchez pas à grandes enjambées, et veillez à entrer en ville quand il fait encore jour. Selon le sens simple de ce verset, on doit l’expliquer toutefois comme suit : Yossef craignait, étant donné la honte dans laquelle ils étaient plongés, qu’ils ne se querellent en route pour l’avoir vendu, et qu’ils n’en viennent à se dire l’un à l’autre : « C’est à cause de toi qu’il a été vendu ! Tu nous disais du mal de lui et tu nous l’as fait prendre en haine !
45,25
Ils sortirent de l'Égypte et arrivèrent dans le pays de Canaan, chez Jacob leur père.
45,26
Ils lui apprirent que Joseph vivait encore et qu'il commandait à tout le pays d'Égypte. Mais son cœur restait froid, parce qu'il ne les croyait pas.
Et il commande
La conjonction ki a ici le sens de achèr (« que »)
Son cœur se figea
Son cœur changea et se refusa à croire. Son cœur se refusait à croire ce que lui disaient ses fils. On trouve le même verbe wayafag (« se figea ») dans la michna : « les épices changent de goût (mefiguim) » (Beitsa 14a), ainsi que dans : « sans cesse (hafougoth) » (Eikha 3, 49). Le Targoum rend les mots : « son odeur ne s’est pas changée » (Yirmeya 48, 11) par lo fag
45,27
Alors ils lui répétèrent toutes les paroles que Joseph leur avait adressées et il vit les voitures que Joseph avait envoyées pour l'emmener et la vie revint au cœur de Jacob leur père.
Toutes les paroles que Yossef leur avait parlées
Yossef leur avait donné un signe : Lorsqu’il avait été séparé de son père, il était occupé à étudier le passage de la Tora relatif à la génisse (‘egla) dont on brise la nuque (Devarim 21, 6) [en expiation d’un meurtre dont l’auteur n’a pu être identifié]. Aussi le texte spécifie-t-il : « il vit les voitures (‘agaloth) que “Yossef” avait envoyées », et non : « que “Pharaon” avait envoyées » (Beréchith raba 94, 3)
L’esprit de Ya’aqov revint à la vie
La chekhina, qui s’était retirée de lui (à cause de son état d’abattement), est revenue l’habiter (voir Targoum Onqelos)
45,28
Et Israël s'écria: "II suffit: mon fils Joseph vit encore! Ah! J'irai et je le verrai avant de mourir!"
Il suffit (rav)
Il y a encore pour moi beaucoup (rav) de joie et de satisfaction, puisque mon fils Yossef vit encore
Il ne pouvait accepter que les Egyptiens se tiennent là et qu’ils assistent à l’humiliation de ses frères au moment où il s’en ferait reconnaître