Joseph donna cet ordre à l'intendant de sa maison "Remplis de vivres les sacs de ces hommes, autant qu'ils en peuvent contenir et dépose l'argent de chacun à l'entrée de son sac.
44,2
Et ma coupe, la coupe d'argent, tu la mettras à l'entrée du sac du plus jeune, avec le prix de son blé." Ce que Joseph avait dit fut exécuté.
Ma coupe
Une coupe allongée. En français médiéval : « maderne »
44,3
Le matin venu, on laissa repartir ces hommes, eux et leurs ânes.
44,4
Or, ils venaient de quitter la ville, ils en étaient à peu de distance, lorsque Joseph dit à l'intendant de sa maison: "Va, cours après ces hommes et, aussitôt atteints, dis leur: "Pourquoi avez-vous rendu le mal pour le bien?
44,5
N'est ce pas dans cette coupe que boit mon maître et ne lui sert elle pas pour la divination? C'est une mauvaise action que la vôtre!"
44,6
II les atteignit et leur adressa ces mêmes paroles.
44,7
Ils lui répondirent: "Pourquoi mon seigneur tient il de pareils discours? Dieu préserve tes serviteurs d'avoir commis une telle action!
Loin (‘halila) de tes serviteurs
C’est pour nous une chose dégradante [au sens de ‘houlin (« chose profane »], expression désignant une infamie. Traduction du Targoum : [Dieu] garde pour tes serviteurs ! que le Saint béni soit-Il préserve tes serviteurs de faire pareille chose ! On trouve souvent dans la guemara l’expression : ‘has wechalom (« préservation et paix »)
44,8
Quoi! L'argent que nous avons trouvé à l'entrée de nos sacs, nous te l'avons rapporté du pays de Canaan; et nous déroberions, dans la maison de ton maître, de l'argent ou de l'or!
Voici ! l’argent que nous avons trouvé
On trouve ici l’un des dix raisonnements a fortiori énumérés dans la Tora. Ils sont détaillés dans Beréchith raba (92, 7)
44,9
Celui de tes serviteurs qui l'aura en sa possession, qu'il meure; et nous-mêmes, nous serons les esclaves de mon seigneur."
44,10
Il répliqua: "Oui certes, ce que vous dites est juste. Seulement celui qui en sera trouvé possesseur sera mon esclave et vous serez quittes."
Maintenant aussi
Ce que vous dites est tout aussi juste : vous êtes tous, en vérité, responsables de la chose. Dix personnes, dans les mains de l’une desquelles on découvre un objet volé, doivent toutes être emprisonnées (Beréchith raba 92, 8). Mais moi, je vais agir envers vous « en deçà de la ligne du droit strict » (c’est-à-dire avec indulgence) : « celui chez qui elle sera trouvée sera mon serviteur...
44,11
Ils se hâtèrent, chacun, de descendre leurs sacs à terre et chacun ouvrit le sien.
44,12
L'intendant fouilla, commençant par le plus âgé, finissant par le plus jeune. La coupe fut trouvée dans le sac de Benjamin.
Commençant par le plus grand
Pour qu’ils ne remarquent pas qu’il savait où était la coupe
44,13
Ils déchirèrent leurs vêtements; chacun rechargea son âne et ils retournèrent à la ville.
Chaque homme rechargea son âne
Etant donné leur vigueur physique, ils n’avaient pas besoin de s’entraider pour charger
Ils retournèrent à la ville
C’était la capitale, et pourtant le texte parle ici d’une simple « ville », comme si c’était une localité quelconque ! C’est qu’elle n’avait pas, à leur yeux, s’il fallait y engager le combat, plus d’importance qu’une bourgade de dix habitants
44,14
Juda entra avec ses frères dans la demeure de Joseph, lequel s'y trouvait encore; et ils se jetèrent à ses pieds contre terre.
Et il était là encore
Il les attendait
44,15
Joseph leur dit "Quelle action venez vous de commettre! Ne savez vous pas qu'un homme tel que moi devine les mystères?"
Ne savez-vous pas qu’il pratique la divination
Ne savez-vous pas qu’un homme de mon rang sait pratiquer la divination, et donc discerner par connaissance, réflexion et intelligence que c’est vous qui avez volé la coupe
44,16
Juda répondit: "Que dirons-nous à mon seigneur? Comment parler et comment nous justifier? Le Tout Puissant a su atteindre l'iniquité de tes serviteurs. Nous sommes maintenant les esclaves de mon seigneur et nous et celui aux mains duquel s'est trouvée la coupe."
Eloqim a trouvé
Nous savons que nous n’avons fait aucun mal. Mais c’est du Saint béni soit-Il qu’est advenu ce qui nous arrive. Le créancier a trouvé l’occasion de se faire payer ce qui lui est dû (Beréchith raba 92, 9)
Et comment nous justifierons-nous (nitstadaq)
Du radical tsèdèq (« le droit »). Lorsqu’un verbe dont la première lettre du radical est un tsadè est conjugué au hithpa’él, le taw est remplacé par un tèth. Et ce tèth ne se place pas devant la première lettre du radical, mais entre les deux premières lettres, comme ici dans nitstadaq, du radical tsèdèq, et aussi dans : yitstaba’ (« il sera mouillé »), du radical tseba’ (Daniel 4, 12), wayitstayarou (« ils se firent passer pour des messagers ») (Yehochou‘a 9, 4), du radical tsir (« messager » de fidélité, Michlei 13, 17), hitstayadnou (« nous en fîmes provision », Yehochou‘a 9, 12), du même radical que tsèda ladèrekh (« provisions pour le voyage », infra 45, 21). Quant aux verbes dont la première lettre du radical est un samèkh ou un chin, on les conjugue au hithpa’él avec un taw intercalé entre les deux premières lettres, comme dans weyistabél (« est devenu pesant »), du radical sabol (Qohèleth 12, 5). Mistakél (« je considérais »), du radical sakhol (Daniel 7, 8). Wayichtamér (« on garde »), du radical chamor (Mikha 6, 16). Michtolél (« passe pour un insensé », Yecha’ya 59, 15), du même radical que cholal (Iyov 12, 17) : « il mène les conseillers d’une manière folle ». Mistolél (« tu foules encore aux pieds », Chemoth 9, 17), du même radical que seloula (« foulé », Yecha’ya 18, 15)
44,17
II répliqua: "Loin de moi d'agir ainsi! L'homme aux mains duquel la coupe s'est trouvée, sera mon esclave; pour vous, retournez en paix auprès de votre père."
44,18
Alors Juda s'avança vers lui, en disant: "De grâce, seigneur! que ton serviteur fasse entendre une parole aux oreilles de mon seigneur et que ta colère n'éclate pas contre ton serviteur! Car tu es l'égal de Pharaon.
Une parole aux oreilles de mon seigneur
Puissent mes paroles pénétrer dans tes oreilles (Beréchith raba 93, 6)
Et que ta colère ne s’enflamme pas
D’où l’on peut déduire qu’il lui a parlé durement
Car tu es comme Pharaon
Je te considère comme le roi. Tel est le sens simple. Explication du midrach : Tu finiras par être frappé par la lèpre pour avoir détenu Binyamin, tout comme Pharaon en a été frappé à cause de mon aïeule Sara, qu’il n’avait détenue que pendant une seule nuit (supra 12, 17). Autre explication : Pharaon décide et ne respecte pas ses propres décisions, il promet et ne tient pas parole. Il en est de même pour toi ! Est-ce cela le « regard » que tu voulais poser lorsque tu nous a dit : « que je pose “mon regard” sur lui » (verset 21) ? Autre explication : « Tu es comme Pharaon » – si tu me pousses à bout, je te tuerai ainsi que ton maître
44,19
Mon seigneur avait interrogé ses serviteurs, disant: ‘Vous reste-t-il un père, un frère?’
Mon seigneur a interrogé
Tu nous as abordés en employant d’emblée des ruses. Fallait-il que tu nous poses toutes ces questions ? Est-ce que nous t’avions demandé la main de ta fille ? Ou bien voulais-tu celle de notre sœur ? Malgré cela nous t’avons répondu sans rien te cacher (Beréchith raba 93, 8)
44,20
Nous répondîmes à mon seigneur: ‘Nous avons un père âgé et un jeune frère enfant de sa vieillesse: son frère est mort et lui, resté seul des enfants de sa mère, son père le chérit.’
Et son frère est mort
C’est par crainte qu’il a proféré ce mensonge. Il a pensé : Si je lui dis qu’il est vivant, il va nous demander de le lui amener (ibid.)
Resté seul de sa mère
De cette mère il n’a pas d’autre frère
44,21
Tu dis alors à tes serviteurs: ‘Amenez-le moi, que je l'examine.’
44,22
Et nous répondîmes à mon seigneur: ‘Le jeune homme ne saurait quitter son père; s'il quittait son père, il en mourrait.’
S’il quittait son père
S’il quittait son père, nous avions peur qu’il mourût (le fils, pas le père) en route, car sa mère aussi est morte en route (ibid.)
44,23
Mais tu dis à tes serviteurs: ‘Si votre jeune frère ne vous accompagne, ne reparaissez point devant moi.’
44,24
Or, de retour auprès de ton serviteur, notre père, nous lui rapportâmes les paroles de mon seigneur.
44,25
Notre père nous dit: ‘Retournez acheter pour nous quelques provisions.’
44,26
Nous répondîmes: ‘Nous ne saurions partir. Si notre jeune frère nous accompagne, nous irons; car nous ne pouvons paraître devant ce personnage, notre jeune frère n'étant point avec nous.’
44,27
Ton serviteur, notre père, nous dit: ‘Vous savez que ma femme m'a donné deux enfants.
44,28
L’un a disparu d’auprès de moi et j’ai dit: ‘Assurément il a été dévoré!’ et je ne l’ai point revu jusqu’ici.
44,29
Que vous m’arrachiez encore celui ci, qu’il lui arrive malheur et vous aurez précipité cruellement ma vieillesse dans la tombe.’
Et qu’il lui arrive malheur
Car le Satan attaque à l’heure du danger (Beréchith raba 91, 9)
Vous ferez descendre mes cheveux blancs
Tant qu’il est auprès de moi, sa présence me console de la perte de sa mère et de son frère. S’il venait à mourir, il me semblerait les avoir perdus tous trois le même jour
44,30
Et maintenant, en retournant chez ton serviteur, mon père, nous ne serions point accompagnés du jeune homme et sa vie est attachée à la sienne!
44,31
Certes, ne voyant point paraître le jeune homme, il mourra; et tes serviteurs auront fait descendre les cheveux blancs de ton serviteur, notre père, douloureusement dans la tombe.
Lorsqu’il verra que le jeune homme n’est pas là
Son père, de chagrin
44,32
Car ton serviteur a répondu de cet enfant à son père, en disant: ‘Si je ne te le ramène, je serai coupable à jamais envers mon père.’
Car ton serviteur a répondu du jeune homme
Et si tu me demandes pourquoi je m’engage dans ce combat avec plus d’ardeur que mes autres frères, c’est qu’ils sont, eux, hors de cause. Tandis que moi, je suis lié par un lien puissant qui fait peser sur moi la menace d’être banni des deux mondes
44,33
Donc, de grâce, que ton serviteur, à la place du jeune homme, reste esclave de mon seigneur et que le jeune homme reparte avec ses frères.
Que ton serviteur reste
Pour toutes choses, je vaux plus que lui, par la force, pour la guerre, et pour le servage
44,34
Car comment retournerais-je près de mon père sans ramener son enfant? Pourrais-je voir la douleur qui accablerait mon père?"
Une coupe allongée. En français médiéval : « maderne »