II arriva, en ce temps là, que Juda s'éloigna de ses frères et s'achemina vers un habitant d'Adoullam, nommé Hira.
Ce fut
Pourquoi ce récit figure-t-il ici et interrompt-il l’histoire de Yossef ? C’est pour nous apprendre que les frères de Yehouda ont rabaissé celui-ci de sa dignité lorsqu’ils ont vu la souffrance de leur père, [d’où les mots : « Yehouda descendit [dans leur estime] »). Ils lui ont dit : « C’est toi qui nous as dit de le vendre ! Si tu nous avais conseillé de le ramener à la maison, nous t’aurions écouté ! » (Midrach tan‘houma 8)
Il se tourna
De ses frères
Vers un homme de ‘Adoullam
Il s’est associé avec lui en affaires
38,2
Là, Juda vit la fille d'un Cananéen, appelé Choua; il l'épousa et s'approcha d'elle.
D’un Kena‘ani
D’un marchand (Beréchith raba 85, 4. Voir Pessa‘him 50a et Zekhariya 14, 21)
38,3
Elle conçut et enfanta un fils, à qui il donna le nom d'Ér.
38,4
Elle conçut encore et eut un fils et elle lui donna le nom d’Onàn.
38,5
De nouveau elle enfanta un fils et elle le nomma Chéla. II était à Kezib lorsqu'elle l'enfanta.
Il était à Kheziv
C’est le nom d’un endroit. Il doit ce nom, à mon avis, au fait que c’est là qu’elle a cessé d’enfanter, le mot kheziv voulant dire : « trompeur », « ayant cessé d’inspirer confiance », comme dans : « tu as été pour moi comme une source trompeuse (akhzav) » (Yirmeya 15, 18), « dont les eaux ne trompent pas (yakhazevou) » (Yecha’ya 58, 11). Sinon, que serait venu nous apprendre ce mot ? J’ai lu dans Beréchith raba (85, 4) l’interprétation suivante : « elle appela son nom Chéla... elle a cessé »
38,6
Juda choisit une épouse à Ér, son premier né; elle se nommait Thamar.
38,7
Ér, le premier né de Juda, ayant déplu au Seigneur, le Seigneur le fit mourir.
Mauvais aux yeux de Hachem
Comme Onan il détruisait sa semence. Car il est écrit, à propos de Onan : « Il le fit mourir “de même” » (verset 10). A la mort de ‘Er correspond la mort de Onan. Et pourquoi ‘Er détruisait-il sa semence ? Afin d’empêcher une grossesse qui aurait nui à sa beauté (Yevamoth 34b)
38,8
Alors Juda dit à Onàn: "Épouse la femme de ton frère en vertu du lévirat, afin de constituer une postérité à ton frère."
Et établis une descendance
Le fils devant porter le nom du frère mort
38,9
Onân comprit que cette postérité ne serait pas la sienne; et alors, chaque fois qu'il approchait de la femme de son frère, il corrompait sa voie, afin de ne pas donner de postérité à son frère.
Il détruisait vers le sol
Il « battait » à l’intérieur [dans le vagin] et « vannait » à l’extérieur [sur le sol] (Yevamoth 34b)
38,10
Sa conduite déplut au Seigneur, qui le fit mourir de même.
38,11
Et Juda dit à Thamar, sa belle fille: "Demeure veuve dans la maison de ton père, jusqu'à ce que mon fils Chéla soit plus grand," car il craignait qu’il ne meure, lui aussi, comme ses frères. Et Thamar s’en alla demeurer dans la maison de son père.
Car il disait
Il la repoussait comme avec un brin de paille, [sous de vains prétextes], car il n’avait pas réellement l’intention de la faire épouser par son fils
Car il disait : de peur qu’il ne meure
Car c’était une femme dont on pouvait présumer que ses maris mouraient l’un après l’autre (Yevamoth 64b)
38,12
Longtemps après mourut la fille de Choua, femme de Juda. Quand Juda se fut consolé, il alla surveiller la tonte de ses brebis, avec Hira son ami l'Adoullamite, à Timna.
Il monta vers ceux qui tondaient ses brebis
Il monta à Timna pour rejoindre ceux qui tondaient ses brebis
38,13
On informa Thamar en ces termes: "Ton beau père monte en ce moment à Timna pour tondre ses brebis."
Monte à Timna
Et à propos de Chimchon (Samson), il est écrit : « Chimchon est descendu à Timna » (Choftim 14, 1). Timna se trouvait sur le flanc de la montagne (Sota 10a). On y montait par un côté, et on en descendait par un autre
38,14
Elle quitta ses vêtements de veuve, prit un voile et s'en couvrit; et elle s'assit au carrefour des Deux Sources, qui est sur le chemin de Timna. Car elle voyait que Chéla avait grandi et qu'elle ne lui avait pas été donnée pour épouse.
S’enveloppa
Elle s’est couvert le visage pour éviter d’être reconnue
Elle s’assit au carrefour des Deux-Sources (bepèta‘h ‘éinayim – littéralement : « à la porte des yeux »)
A l’ouverture des yeux, [là où les yeux scrutent attentivement la direction à prendre], au carrefour des routes sur le chemin de Timna. Nos maîtres ont expliqué : A la « porte » de notre patriarche Avraham, c’est-à-dire à un endroit que tous les « yeux » aspirent à pouvoir contempler
Car elle voyait que Chéla avait grandi
Aussi s’est-elle offerte à Yehouda, désirant en avoir des enfants, [sinon de son fils, du moins de lui-même]
38,15
Juda, l'ayant aperçue, la prit pour une prostituée; car elle avait voilé son visage.
Il la prit pour une prostituée
Parce qu’elle se trouvait au carrefour des routes
Car elle avait couvert son visage
Il ne pouvait donc la voir ni la reconnaître. Explication du midrach : Elle avait couvert son visage dans la maison de son beau-père, et sa vertu était insoupçonnable (Sota 10b)
38,16
II se dirigea de son côté et lui dit: "Laisse moi te posséder." Car il ignorait que ce fût sa belle fille. Elle répondit: "Que me donneras-tu pour me posséder?"
Il se détourna vers elle vers le chemin
Il s’est écarté du chemin sur lequel il se trouvait pour aller vers celui où elle était. En français médiéval : « destorner »
Eh bien allons
Prépare-toi et apprête ta pensée à cela. Le mot hava (« eh bien ») marque l’idée d’une préparation à quelque chose, sauf quand il faut le traduire par « donner ». Les deux idées sont d’ailleurs proches l’une de l’autre
38,17
II répliqua: "Je t'enverrai un chevreau de mon troupeau." Et elle dit: "Bien, si tu me donnes un gage en attendant cet envoi."
Un gage
Une garantie
38,18
II reprit: "Quel gage te donnerai-je?" Elle répondit: "Ton sceau, ton cordon et le bâton que tu as à la main." II les lui donna, il approcha d'elle et elle conçut de son fait.
Ton sceau et ton vêtement
C’est ainsi que traduit le Targoum : l’anneau qui porte ton sceau et le vêtement dont tu te couvres
Elle conçut de son fait
Des hommes forts comme lui, des hommes justes comme lui (Beréchith raba 85, 9)
38,19
Elle se leva et partit; elle quitta son voile et reprit les vêtements de son veuvage.
38,20
Juda envoya le chevreau par l'entremise de son ami l'Adoullamite, pour retirer le gage des mains de cette femme; il ne la trouva point.
38,21
II questionna les gens de l'endroit, disant: "Où est la prostituée qui se tient aux Deux Sources, sur le chemin?" Ils répondirent: "II n'y a point de prostituée ici."
La prostituée
Consacrée [d’où son nom en hébreu : qedécha] et destinée à la prostitution
38,22
II retourna auprès de Juda et dit: "Je ne l'ai pas trouvée; et même les habitants de l'endroit ont dit qu'il n'y avait point là de prostituée."
38,23
Et Juda dit: "Qu'elle garde ce qu'elle a et que nous n'ayons pas à rougir; car enfin, j'ai envoyé ce chevreau et tu n'as pu la trouver."
Elle prendra pour elle
Qu’elle garde ce qu’elle a
De peur que nous ne soyons méprisés
Si tu continues de la chercher, cela finira par se savoir, et ce sera une honte. Que puis-je en effet faire de plus pour tenir parole
Voici
Pour avoir égaré son père avec un chevreau, dans le sang duquel il avait trempé la tunique de Yossef (supra 37, 31), Yehouda a été égaré, lui aussi, avec un chevreau (Beréchith raba 85, 9)
38,24
Or, environ trois mois après, on informa Juda, en disant: "Thamar, ta bru, s'est prostituée et elle porte dans son sein le fruit de la débauche." Juda répondit: "Emmenez la et qu'elle soit brûlée!"
Environ trois mois après
La plus grande partie du premier mois, la plus grande partie du dernier et la totalité de celui du milieu (Beréchith raba 85, 10). L’expression kemicheloch ‘hadachim (« environ trois mois ») signifie : « le fait de se répéter trois fois », le mot micheloch étant construit de la même manière que michloa‘h manoth (« l’action d’envoyer des cadeaux » [Esther 9, 19]) ou que michloa‘h yadam (« l’action d’étendre la main » [Yecha’ya 11, 14]). Le Targoum Onqelos propose une traduction similaire : « quand les mois deviennent trois », [l’adjectif numéral « trois » prenant une forme infinitive]
Enceinte à cause de la prostitution
Le mot hara (« enceinte ») [où l’accent tonique est mis sur la dernière syllabe] est ici un adjectif, [et non un verbe, auquel cas il serait mis sur l’avant-dernière, à l’instar de : « elle vit qu’elle avait conçu (haratha) » (supra 16, 4)], comme dans : « une femme enceinte (hara) » (Chemoth 21, 22), ou dans : « claire (bara) comme le soleil » (Chir hachirim 6, 10)
Et qu’elle soit brûlée
Efrayim Maqchaa a enseigné au nom de rabi Méir : Elle était la fille de Chem, qui était kohen (Beréchith raba 85, 10). Voilà pourquoi on la condamne à être brûlée (voir Wayiqra 21, 9)
38,25
Comme on l'emmenait, elle envoya dire à son beau père: "Je suis enceinte du fait de l'homme à qui ces choses appartiennent." Et elle dit: "Examine, je te prie, à qui appartiennent ce sceau, ces cordons et ce bâton."
On la sortit
Pour qu’elle soit brûlée
Et elle envoya à son beau-père
Elle ne voulait pas lui faire honte et lui dire : « C’est de toi que j’ai conçu ! », mais elle a dit : « c’est de l’homme à qui ces objets-ci appartiennent ». Elle s’est dit : « S’il le reconnaît, qu’il le reconnaisse de lui-même ! Sinon, qu’ils me condamnent à être brûlée, mais je ne lui ferai pas honte publiquement ! D’où l’on apprend qu’il vaut mieux se laisser jeter dans une fournaise ardente que faire honte publiquement à son prochain (Sota 10b)
Reconnais
Le mot na (« je te prie ») est un terme d’imploration (Berakhoth 9a). Elle lui a dit : « Je t’en supplie ! Reconnais ton créateur, et ne sois pas la cause de la perte de trois vies humaines !
38,26
Juda les reconnut et dit: "Elle est plus juste que moi, car il est vrai que je ne l'ai point donnée à Chéla mon fils." Cependant il cessa, dès lors, de la connaître.
Elle est plus juste que moi (mimmènni – littéralement : « de moi »)
« Plus juste » dans ses parole
de moi
Elle est enceinte. Explication du midrach (Sota 10b, Beréchith raba 85, 10) : Une voix est sortie du ciel et a déclaré : « de moi » – c’est par ma volonté que la chose s’est faite. C’est parce qu’elle vivait vertueuse dans la maison de son beau-père que j’ai décidé que c’est d’elle et de la tribu de Yehouda que sera issue la lignée des rois
Puisque aussi bien je ne l’ai pas donnée
Elle avait le droit d’agir comme elle a fait, car je ne l’avais pas donnée à mon fils Chéla
Et il n’ajouta pas
Certains expliquent (Sifri Baha’alothekha 88) : « il ne continua pas ». D’autres (Sota 10b) : « il ne cessa pas » [il ne se sépara pas d’elle]. On trouve la même expression à propos d’Eldad et Médad : « et ils n’ajoutèrent pas (welo yassafou) », que le Targoum traduit par : « ils n’ont pas cessé de prophétiser »
38,27
Or il se trouva, lors de son enfantement, qu'elle portait des jumeaux dans son sein.
Au moment de son engendrement
Tandis qu’on a dit à propos de Rivqa : « ses jours pour engendrer furent “remplis” » (supra 25, 24). Ses jours étaient « remplis », tandis que la naissance, chez Tamar, a eu lieu avant terme (Beréchith raba 85, 13)
Que voici des jumeaux
Le mot « jumeaux » est écrit ici en entier : teomim, alors que chez Rivqa il est écrit dans une forme défective (tomim, sans waw ni yod). C’est que l’un des jumeaux, chez celle-ci, était un impie, tandis que chez Tamar tous deux seront des justes (Beréchith raba 85)
38,28
Au moment de sa délivrance, l'un d'eux avança la main; la sage femme la saisit et y attacha un fil d'écarlate, pour indiquer que celui ci était né le premier.
L’un d’eux avança la main
L’un des deux a sorti sa main à l’extérieur, et après que la sage-femme y eut attaché un fil écarlate, il l’a réintroduite
38,29
Comme il retirait sa main, voici que son frère vint au monde. Elle dit: "Avec quelle violence tu te fais jour!" Et on lui donna le nom de Péreç.
Quelle brèche tu as faite
Tu t’es forcé un passage
38,30
Ensuite naquit son frère, dont la main portait le fil d’écarlate. On lui donna le nom de Zérah.
Sur la main duquel était le fil d’écarlate
Le mot yad (« main ») apparaît à quatre reprises dans le présent contexte, allusion aux quatre anathèmes qui seront prononcés contre ‘Akhan, l’un des descendants de Pèrèts (voir Yehochou‘a 7, 1 et suiv. Beréchith raba 85, 14). Selon une autre opinion, cette répétition correspond aux quatre objets qu’il s’est appropriés [lors du sac de Yeri‘ho] : un vêtement de Chin’ar, deux morceaux d’argent du poids de deux cents chèqel et une barre d’or
Pourquoi ce récit figure-t-il ici et interrompt-il l’histoire de Yossef ? C’est pour nous apprendre que les frères de Yehouda ont rabaissé celui-ci de sa dignité lorsqu’ils ont vu la souffrance de leur père, [d’où les mots : « Yehouda descendit [dans leur estime] »). Ils lui ont dit : « C’est toi qui nous as dit de le vendre ! Si tu nous avais conseillé de le ramener à la maison, nous t’aurions écouté ! » (Midrach tan‘houma 8)