Mais le serpent était rusé, plus qu'aucun des animaux terrestres qu'avait faits l'Éternel-Dieu. Il dit à la femme: "Est-il vrai que Dieu a dit: vous ne mangerez rien de tous les arbres du jardin?"
Et le serpent était rusé
Quel rapport avec ce qui précède ? On aurait dû tout de suite nous dire : « Il fit pour l’homme et pour sa femme des tuniques de peau. Il les en vêtit » (infra 3, 21) ! Mais cela t’apprend par quelle manigance le serpent s’est attaqué à eux. Il les a vus nus et en train d’avoir des rapports à la vue de tout, et il a eu envie d’elle (Beréchith raba 18, 6)
Rusé
Plus grande a été sa ruse, plus grande a été sa chute. Ici : « plus rusé », plus loin : « maudit plus que tous les animaux » (Beréchith raba 19, 1)
Est-il vrai que Eloqim a dit
Peut-être vous a-t-Il dit : « vous ne mangerez rien de tous les arbres du jardin ». Il les voyait pourtant manger des autres fruits. Il a multiplié les paroles inutiles afin qu’elle lui fournisse l’occasion, en lui répondant, de parler de l’arbre [vraiment défendu]
3,2
La femme répondit au serpent: "Les fruits des arbres du jardin, nous pouvons en manger;
3,3
mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez point, sous peine de mourir."
Et vous n’y toucherez pas
Elle en a rajouté à l’ordre qu’elle avait reçu. C’est pourquoi elle en viendra à lui ôter [de son efficacité] (Beréchith raba 19, 3). Aussi est-il écrit : « N’ajoute pas à Ses paroles » (Michlei 30, 6)
3,4
Le serpent dit à la femme: "Non, vous ne mourrez point;
Non
Il l’a poussée jusqu’à ce qu’elle touche l’arbre, puis il lui a dit : « Puisque tu n’es pas morte de l’avoir touché, tu ne mourras pas d’en avoir mangé ! » (Beréchith raba 19)
3,5
mais Dieu sait que, du jour où vous en mangerez, vos yeux seront dessillés, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal."
Car Eloqim sait
Tout artisan déteste ceux qui font le même travail que lui. [Le serpent a donc susurré à ‘Hawa ] que Dieu a mangé du fruit de l’arbre, puis qu’Il a créé le monde. [Si donc vous en mangez à votre tour, « vous serez comme Eloqim »] (Beréchith raba 19, 4)
Et vous serez comme Eloqim
Des créateurs de mondes (ibid.)
3,6
La femme jugea que l'arbre était bon comme nourriture, qu'il était attrayant à la vue et précieux pour l'intelligence; elle cueillit de son fruit et en mangea; puis en donna à son époux, et il mangea.
La femme vit
Elle a vu les paroles du serpent lesquelles lui ont plu, et elle a eu confiance en lui (ibid.)
Que l’arbre était bon comme nourriture
Pour devenir comme Eloqim (verset 5)
Qu’il était attrayant pour les yeux
Ainsi qu’il lui avait dit : « vos yeux s’ouvriront » (ibid.)
Et qu’il était désirable pour rendre intelligent
Ainsi qu’il lui avait dit : « connaissant le bien et le mal » (ibid.)
Elle en donna aussi à son mari
Afin d’éviter, étant seule à devoir mourir, qu’il lui survive et épouse une autre femme
Le mot gam (« aussi »)
Le mot gam (« aussi ») inclut ici les animaux domestiques et sauvages, [en ce qu’elle leur en a également donné, et pas seulement à son mari] (Beréchith raba 19, 5)
3,7
Leurs yeux à tous deux se dessillèrent, et ils connurent qu'ils étaient nus; ils cousirent ensemble des feuilles de figuier, et s'en firent des pagnes.
Leurs yeux s’ouvrirent
Sous le rapport de l’intelligence, et non de la vue elle-même, comme le prouve la fin du verset
« ils surent qu’ils étaient nus ».
« ils surent qu’ils étaient nus ». L’aveugle aussi sait qu’il est nu ! Que veut dire alors : « ils surent qu’ils étaient nus » ? Ils ne détenaient qu’une seule mitswa, et ils s’en sont « dénudés » (Beréchith raba 19, 6)
Des feuilles de figuier
C’est de cet arbre qu’ils avaient mangé. Ce qui avait causé leur perte leur a apporté aussi le remède (Berakhoth 40a, Sanhèdrin 70b). Tandis les autres arbres les ont empêchés de prendre leurs feuilles. Et pourquoi cet arbre n’est-il pas nommé en toutes lettres ? C’est parce que le Saint béni soit-Il n’aime humilier aucune de Ses créatures, et afin que les hommes ne lui fassent pas honte en disant : « Voici celui à cause duquel le monde a été puni ! » (Midrach tan‘houma Wayéra 14)
3,8
Ils entendirent la voix de l'Éternel-Dieu, parcourant le jardin du côté d'où vient le jour. L'homme et sa compagne se cachèrent de la face de l'Éternel-Dieu, parmi les arbres du jardin.
Ils entendirent
Il existe beaucoup de midrachim, et nos rabbins les ont déjà exposés à leurs places dans Beréchith raba et dans d’autres recueils. Quant à moi, je ne suis venu que pour fixer le sens littéral du texte. J’ai recours à la hagada lorsqu’elle en établit le vrai sens, d’après son contexte
Ils entendirent
Ils entendirent la voix du Saint béni soit-Il qui parcourait le jardin
Au souffle (leroua‘h – littéralement : « dans la direction ») du jour
Du côté où le soleil se couche, à l’ouest. A la fin de la journée, le soleil est à l’ouest. Or, ils avaient commis la faute à la dixième heure (Sanhèdrin 38b)
3,9
L'Éternel-Dieu appela l'homme, et lui dit: "Où es-tu?"
Où es-tu
Dieu savait où il était, mais c’était pour engager la conversation avec lui, afin qu’il ne s’effraie pas au point de ne pouvoir répondre, au cas où Il lui aurait annoncé immédiatement sa punition. Il en sera de même de Qayin (Caïn), à qui Dieu demandera : « Où est Hèvel, ton frère ? » (infra 4, 9). De Bile’am : « Qui sont ces hommes-là chez toi ? » (Bamidbar 22, 9) : ce sera pour engager la conversation. De ‘Hizqiyahou, à propos des envoyés de Merodakh Baladan : « Qu’ont dit ces hommes, et d’où viennent-ils pour te voir ? » (Yecha’ya 39, 3)
3,10
Il répondit: "J'ai entendu ta voix dans le jardin; j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché."
3,11
Alors il dit: "Qui t'a appris que tu étais nu? Cet arbre dont je t'avais défendu de manger, tu en as donc mangé?"
Qui t’a appris
D’où te vient cette connaissance qu’il y a honte à être nu
De l’arbre (hamin ha‘éts)
C’est une question. [Le hé de hamin est interrogatif.
3,12
L'homme répondit; "La femme - que tu m'as associée - c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'ai mangé,"
Que tu m’as donnée avec moi
Il marque ici de l’ingratitude envers la bonté de Dieu (‘Avoda Zara 5b)
3,13
L'Éternel-Dieu dit à la femme: "Pourquoi as-tu fait cela?" La femme répondit: "Le serpent m'a entraînée, et j'ai mangé."
M’a entraînée (hichiani)
M’a induite en erreur, comme dans : « et maintenant, ne laisse pas ‘Hizqiyahou vous induire (yachi) en erreur » (Yecha’ya 36, 14, II Divrei haYamim 32, 15)
3,14
L'Éternel-Dieu dit au serpent "Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et entre toutes les créatures terrestres: tu te traîneras sur le ventre, et tu te nourriras de poussière tous les jours de ta vie.
Parce que tu as fait cela
D’où l’on déduit que l’on ne doit pas prendre la défense d’un instigateur. Car si Dieu lui avait demandé : « Pourquoi as-tu fait cela ? », il aurait pu répondre : « Les paroles du maître [Dieu], et les paroles du disciple [le serpent], auxquelles doit-on obéissance ? A celles du maître, naturellement ! » (Sanhèdrin 29a)
Plus que tous les animaux et plus que toutes les bêtes des champs
S’il est maudit plus que les animaux domestiques, [dont la durée de gestation est plus longue que celle des bêtes des champs], ne l’est-il pas plus, à plus forte raison, que les bêtes des champs ? De là l’enseignement de nos maîtres dans la guemara (Bekhoroth 8a) : la gestation du serpent dure sept ans
Tu marcheras sur ton ventre
Il avait des pattes, mais elles ont été coupées (Beréchith raba 20, 5)
3,15
Je ferai régner la haine entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne: celle-ci te visera à la tète, et toi, tu l'attaqueras au talon."
Et je ferai régner la haine
Toi, tu n’avais en vue que la mort d’Adam. Tu pensais qu’il allait mourir le premier et que tu pourrais épouser ‘Hawa. C’est à elle que tu as commencé à parler parce que les femmes sont faciles à séduire et qu’elles savent à leur tour séduire leur mari. C’est pourquoi « et je ferai régner la haine entre toi et entre la femme »
Elle te brisera (yechoufekha)
Elle te broiera, comme dans : « Je le broyai (waèkoth) en menue poussière » (Devarim 9, 21), que le Targoum rend par chouf
Et toi
Tu perdras ta station debout et tu ne pourras le mordre qu’au talon, et même ainsi tu pourras le faire mourir. Le mot techoufènnou (« tu briseras ») est à rapprocher de nachaf, qui signifie « siffler » (Yecha’ya 40, 24). Quand le serpent est sur le point de mordre, il se met à pousser comme un sifflement. Les mots yechoufekha (« il te brisera ») et techoufènnou (« tu lui briseras ») n’ont pas le même sens, mais leur homophonie explique leur emploi dans le même verset
3,16
A la femme il dit: "J'aggraverai tes labeurs et ta grossesse; tu enfanteras avec douleur; la passion t'attirera, vers ton époux, et lui te dominera."
Ta souffrance
Celle liée à l’éducation des enfants
Et ta grossesse
Il s’agit des souffrances de la gestation
Tu engendreras des fils avec douleur
Ce sont les souffrances de l’accouchement (‘Erouvin 100b)
La passion t’attirera vers ton mari
Pour les rapports conjugaux. Et cependant tu n’auras pas l’audace d’exprimer à haute voix ton désir. Mais « lui te domineras » : tout viendra de lui, pas de toi
La passion
« Ton désir », comme dans : « son âme est attirée (choqiqa) » (Yecha’ya 29, 8)
3,17
Et à l'homme il dit: "Parce que tu as cédé à la voix de ton épouse, et que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais enjoint de ne pas manger, maudite est la terre à cause de toi: c'est avec effort que tu en tireras ta nourriture, tant que tu vivras.
Maudite est la terre à cause de toi
Elle produira à cause de toi des êtres maudits, tels que les mouches, les puces et les fourmis. C’est ainsi que l’on maudit un mauvais sujet : on exècre le sein qui l’a nourri (Midrach tan‘houma Ki thétsé 4)
3,18
Elle produira pour toi des buissons et de l'ivraie, et tu mangeras de l'herbe des champs.
Et elle fera pousser pour toi des ronces et des épines
La terre, lorsque tu l’ensemenceras de graines diverses, produira des ronces et des épines. Et aussi diverses plantes, comme les artichauts et les cardons, que l’on ne peut manger qu’après les avoir accommodés (Beréchith raba 20, 23)
Tu mangeras de l’herbe des champs
Et en quoi est-ce une malédiction ? Dieu ne l’avait-Il pas béni en disant : « Je vous ai donné toute herbe portant semence... » (supra 1, 29) ? Il est écrit, en fait, au début du passage : « maudite est la terre à cause de toi : c’est avec peine que tu en mangeras », et après que tu auras déployé tes efforts : « et elle fera pousser pour toi des ronces et des épines ». Quand tu y auras semé des légumes ou de la verdure, elle produira pour toi ronces et épines, ainsi que d’autres herbes, et tu seras obligé de t’en nourrir
3,19
C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, - jusqu'à ce que tu retournes à la terre d'où tu as été tiré: car poussière tu fus, et poussière tu redeviendras!"
A la sueur de ton front
Après t’être donné beaucoup de mal
3,20
L'homme donna pour nom à sa compagne "Ève" parce qu'elle fut la mère de tous les vivants.
L’homme appela le nom
Le texte revient ici au sujet précédent, où « l’homme appela par des noms tout le bétail » (supra 2, 20). Le récit s’était interrompu pour t’apprendre que c’est alors qu’il donnait les noms que ‘Hawa lui a été attribuée comme compagne, ainsi qu’il est écrit : « et pour l’homme, il ne trouva pas d’aide qui lui convienne. Il fit tomber un sommeil sur l’homme... ». Et en soulignant ensuite qu’ils « étaient nus », on passe à l’épisode du serpent, cela pour t’apprendre que l’ayant vue nue et en train d’avoir des rapports, il s’est mis à la désirer. Il est alors venu vers eux avec de mauvaises intentions et par la ruse [ayant ourdi un plan destiné à provoquer la mort d’Adam]
‘Hawa
Le mot vient du verbe ‘haya (« vivre ») : qui donne la vie à ses enfants, comme dans : « que possède l’homme... » (Qohèleth 2, 22), où le mot howè a le sens de : « être »
3,21
L'Éternel-Dieu fit pour l'homme et pour sa femme des tuniques de peau, et les en vêtit.
Des tuniques de peau
Une hagada rapporte qu’elles étaient, comme l’ongle, lisses et fixées sur la peau. Une autre nous enseigne qu’il s’agissait d’une matière provenant de la peau, comme du poil de lièvre, douce et chaude, dont Dieu leur a fait des tuniques (Beréchith raba 20, 12)
3,22
L'Éternel-Dieu dit: "Voici l'homme devenu comme l'un de nous, en ce qu'il connait le bien et le mal. Et maintenant, il pourrait étendre sa main et cueillir aussi du fruit de l'arbre de vie; il en mangerait, et vivrait à jamais."
Devenu comme l’un de nous
Le voici unique en bas, de même que moi, qui suis l’Unique en haut (Targoum yonathan). Et en quoi est-il unique ? Par la connaissance du bien et du mal, que ne possèdent pas les animaux, domestiques ou sauvages
Et maintenant
S’il vivait éternellement, il pourrait induire en erreur les créatures qui diraient : « Lui aussi est un dieu ! ». Il existe à ce propos des midrachim, mais ils ne correspondent pas au sens littéral du texte
3,23
Et l'Éternel-Dieu le renvoya du jardin d'Éden, pour cultiver la terre d'où il avait été tiré.
3,24
Ayant chassé l'homme, il posta en avant du jardin d'Éden les chérubins, avec la lame de l'épée flamboyante, pour garder les abords de l'arbre de vie.
En avant (miqèdèm) du jardin ‘Eden
A l’est du jardin de ‘Eden, en dehors du jardin, [et non dans sa partie située à l’est]
Les chérubins
Des anges de destruction (Chemoth raba 9, 11)
De l’épée tournoyante
Elle avait une lame menaçante destinée à l’empêcher d’entrer à nouveau dans le jardin. Le Targoum traduit lahat par l’araméen chenan (« lame »), comme dans : « tirer la lame » (Sanhèdrin 82a). En français : « lame ». Il existe des midrachim, mais je ne suis venu que pour fixer le sens littéral du texte
Quel rapport avec ce qui précède ? On aurait dû tout de suite nous dire : « Il fit pour l’homme et pour sa femme des tuniques de peau. Il les en vêtit » (infra 3, 21) ! Mais cela t’apprend par quelle manigance le serpent s’est attaqué à eux. Il les a vus nus et en train d’avoir des rapports à la vue de tout, et il a eu envie d’elle (Beréchith raba 18, 6)