Alors Moïse et les enfants d'Israël chantèrent l'hymne suivant à l'Éternel. Ils dirent: "Chantons l'Éternel, il est souverainement grand; coursier et cavalier, il les a lancés dans la mer.
Alors chantera Mochè
« Alors », quand il vit le miracle, son cœur l’engagea à chanter (au futur), comme dans : « Alors parlera Yehochou‘a… » (Yehochou‘a 10, 12), ou dans : « Il fera une maison pour la fille de Pharaon » (I Melakhim 7, 8), où le texte veut dire qu’il a pris la décision de la construire. De même ici, « il chantera » : son cœur lui a dit qu’il devait chanter, et c’est ce qu’il a fait : « ils dirent en disant : Je chanterai à Hachem… » Dans le cas de Yehochou‘a, quand il a vu le miracle, son cœur lui dit qu’il devait chanter, et c’est ce qu’il a fait : « Il dit en présence de tout Israël… » (Yehochou‘a 10, 12). De même pour le cantique du puits, où le texte commence par : « Alors chantera Israël… » (Bamidbar 21, 17), puis précise ensuite : « Monte, puits ! Répondez-lui ! » Ou encore : « Alors Chelomo construira un haut-lieu » (I Melakhim 11, 7), verset que les Sages d’Israël expliquent comme voulant dire qu’il a voulu le construire mais qu’il ne l’a pas fait (Chabath 56b, Sanhèdrin 91b). Cela nous apprend que la lettre yod [de yachir (« chantera »)] sert à marquer l’intention – tel est le sens littéral. Quant au midrach, nos Maîtres ont enseigné que l’on trouve ici une allusion faite par la Tora à la résurrection des morts (Sanhèdrin 91b). Il en est ainsi pour tous les exemples cités, sauf celui de Chelomo où ils expliquent qu’il a eu l’intention de construire mais ne l’a pas fait. Et il ne faut pas expliquer la forme future employée par notre verset comme on le fait pour d’autres textes qui l’utilisent comme présent permanent, comme dans : « ainsi fera Iyov… » (Iyov 1, 5), ou dans : « et conformément à Hachem ils campaient (littéralement : “camperont”) » (Bamidbar 9, 18), ou dans : « Et il y en avait que la nuée était (littéralement : “sera”) un nombre de jours sur le tabernacle » (Bamidbar 9, 20). Il s’agit là d’actions permanentes, que l’on peut rendre soit par le futur soit par le passé. Mais ici, où l’action ne s’est produite qu’une seule fois, on ne peut pas l’expliquer de la même manière
Car élevé
Il est plus élevé que les plus élevés, ainsi que le rend le Targoum Onqelos. Autre explication : Hachem a fait une chose que ne peut pas faire un être de chair et de sang. Lorsqu’un homme se bat et prend le dessus sur son adversaire, il le fait tomber de cheval. Ici, Hachem a précipité dans la mer le cheval tout comme le cavalier. Toutes les fois qu’il s’agit de quelque chose que nul autre que Lui ne peut faire, le texte emploie le mot guéouth (« élévation »), comme dans : « Car Il a fait des choses élevées (guéouth) » (Yecha’ya 12, 5). De même le présent cantique contient plusieurs redoublements de mots : « Il est ma force et un chant, Qa ! Il a été mon salut » (verset 2), « Hachem est homme de guerre, Hachem est Son Nom » (verset 3), etc. Autre explication : Au-delà de tous les chants et de toutes mes louanges, on peut encore en ajouter. Ce n’est pas comme pour un roi de chair et de sang que l’on glorifie alors que rien ne lui fait mériter des éloges (Mekhilta)
Cheval et son cavalier
Tous deux attachés l’un à l’autre : les eaux les ont propulsés vers le haut puis les ont précipités vers le bas sans les séparer (Mekhilta)
Il a lancé
Il les a jetés, comme dans : « Ils les ont jetés dans la fournaise ardente » (Daniel 3, 21). Explication du midrach : Le texte emploie successivement le mot rama et le mot yara (verset 4), afin de marquer qu’ils ont commencé par monter vers le haut (laroum) puis sont descendus vers l’abîme, comme dans : « Qui a lancé (yara) la pierre angulaire ? » (Iyov 38, 6), de haut en bas
15,2
Il est ma force et ma gloire, l'Éternel! Je lui dois mon salut. Voilà mon Dieu, je lui rends hommage; le Dieu de mon père et je le glorifie.
Il est ma force et un chant
Le Targoum Onqelos le rend comme s’il était écrit ‘ouzi (au lieu de ‘ozi) et wezirathi (au lieu de wezimrath). Quant à moi, je suis étonné de la manière dont s’exprime le texte, car on ne trouve ce mot suivi de wezimrath que dans trois cas, alors que partout ailleurs il est ponctué d’un chourouq : « Hachem est ma force (‘ouzi) et mon refuge » (Yirmeya 16, 19), « Sa force (‘ouzo), en toi je me garde » (Tehilim 59, 10). De même pour tous les mots à deux lettres ponctués d’un ‘holam : lorsque s’y ajoute une troisième lettre et que la deuxième n’a pas de chewa, la première lettre devient ponctuée d’un chourouq. C’est ainsi que ‘oz devient ‘ouzi, roq devient rouqi, ‘hoq devient ‘houqi, ‘ol devient ‘oulo, et kol devient koulo, comme dans : « et des guerriers sur tout (koulo) » (supra 14, 7). Tandis que, dans les trois exemples de ‘ozi wezimrath, à savoir celui d’ici, celui de Yecha’ya (12, 2) et celui de Tehilim (118, 14), la lettre ‘ayin est ponctuée d’un ‘hataf qamats. Par ailleurs, il n’est écrit dans aucun de ces trois cas : wezimrathi (« et mon chant »), mais : wezimrath (« et un chant » »), et ils sont tous accompagnés de : « Il a été mon salut ». C’est pourquoi, à mon avis, le mot ‘ozi n’est pas comme ‘ouzi, ni wezimrath comme wezimrathi. Mais ‘ozi est un substantif, comme dans : « Celui qui habite (hayochvi) dans les cieux » (Tehilim 123, 1), « celui qui réside (chokhni) dans les fentes du rocher » (‘Ovadia 1, 3), « celui qui a résidé (chokhni) dans le buisson » (Devarim 33, 16). Et voici le sens à donner à la louange : « La force et le chant de Qa, ce sont eux qui ont été mon salut ». Quant au mot wezimrath, il est au cas construit, en tant que déterminant de Qa, comme dans : « l’aide (‘èzrath) de Hachem » (Choftim 5, 23), « la colère (‘èvrath) de Hachem » (Yecha’ya 9, 18), « la cause (divrath) des fils de l’homme » (Qohèleth 3, 18). Quant au sens de ce mot, il est le même que dans : « et tu ne tailleras pas (lo thizmor) ta vigne » (Wayiqra 25, 4), « la ruine (zemir) des tyrans » (Yecha’ya 25, 5), comme voulant dire : « couper » ou : « abattre », et donc ici : « la force et la vengeance de Hachem ont été mon salut ». Et ne t’étonne pas de la présence de la conjonction waw dans wayehi au lieu de haya ! De nombreux textes s’expriment ainsi, comme : « Et il fit (waya‘ass) des chambres latérales » (I Melakhim 6, 5) au lieu de ‘assa – « et Re‘hav‘am régna (wayimlokh) sur eux » (II Divrei hayamim 10, 17) au lieu de malakh – « Il les a égorgés (wayich‘hatém) dans le désert » (Bamidbar 14, 16) au lieu de che‘hatam – « moururent (wayamouthou) les hommes » (Bamidbar 14, 37) au lieu de méthou – « Et celui qui ne plaçait pas son cœur vers la parole de Hachem abandonna (waya‘azov) ses serviteurs » (supra 9, 21) au lieu de ‘azav
Ceci est mon Qél
C’est Lui-même en personne qui leur est apparu et ils L’ont montré du doigt. Ce qu’une simple servante a vu sur la mer, les prophètes ne l’ont pas vu (Mekhilta)
Et je L’embellirai
Le Targoum Onqelos rend le mot par l’idée de résidence, comme dans : « une demeure (nawè) paisible » (Yecha’ya 33, 20), « comme demeure (linwè) des moutons » (Yecha’ya 65, 10). Autre explication : le mot contient une idée de beauté (noy) : Je proclamerai Sa beauté et Sa louange aux habitants du monde, comme dans : « Qu’a ton Bien-aimé de plus qu’un autre bien-aimé ? Mon Bien-aimé est clair et vermeil » (Chir haChirim 5, 9 et suivants)
Le Eloqim de mon père
Ceci est le Eloqim de mon père et je L’exalterai. Je ne suis pas le premier à Le consacrer, mais c’est depuis le temps de mes ancêtres que m’est assuré le pouvoir de le faire
15,3
L'Éternel est le maître des batailles; Éternel est son nom!
Hachem est homme de guerre
Maître de la guerre, comme dans : « l’homme de Na‘omi » (Ruth 1, 3). Les mots ich, ichèkh sont toujours à traduire par : « maître » , comme dans : « Tu seras fort et seras un homme (le-ich) » (I Melakhim 2, 2), à savoir un homme fort
Hachem est Son Nom
Ce n’est pas avec des armes qu’Il fait la guerre, mais avec Son Nom, comme l’a écrit David : « Et moi je viens vers toi avec le Nom de Hachem des armées » (I Chemouel 17, 45). Autre explication : Hachem est Son Nom même dans les moments où il combat Ses ennemis et exerce contre eux Sa vengeance. Il continue d’être clément envers Ses créatures et de fournir leur subsistance à tous ceux qui peuplent la terre, contrairement aux rois de chair et de sang qui, lorsqu’ils font la guerre, se détournent de toute autre occupation et n’ont pas le pouvoir de se consacrer à d’autres tâches (Mekhilta)
15,4
Les chars de Pharaon et son armée, il les a précipités dans la mer; l'élite de ses combattants se sont noyés dans la mer des Joncs.
Il les a lancés
Le Targoum Onqelos le rend par : chedé, qui signifie : « lancer », comme dans : « ou jeter à bas, il sera jeté à bas » (infra 19, 13), où le Targoum Onqelos emploie le mot ichtedaa, au mode hithpa’él
Et l’élite
Le mot miv‘har est un substantif, tout comme merkav (« char »), michkav (« lit »), miqra qodèch (« convocation sainte »)
Se sont noyés
Le mot tevi‘a ne s’emploie que là où il y a de la boue, comme dans : « Je suis enfoncé (tava’ti) dans la profondeur de la boue » (Tehilim 69, 3), « Yirmeya fut noyé (wayitba’) dans la boue » (Yirmeya 38, 6). Ceci nous apprend que la mer est devenue boueuse, en punition [infligée aux Egyptiens] pour avoir asservi Israël (supra 1, 14) « dans l’argile et dans les briques » (Mekhilta)
15,5
L'abîme s'est fermé sur eux; au fond du gouffre ils sont tombés comme une pierre.
Les ont couverts (yekhasyoumou)
Comme yekhassoum, le yod situé au milieu du mot étant explétif, comme souvent dans le texte : « et que ton gros bétail et ton menu bétail ne se multiplient (yirbeyoun) » (Devarim 8, 13), « ils s’abreuveront (yirweyoun) de l’abondance de ta maison » (Tehilim 36, 9). Quant au yod initial, il signifie que le verbe est au futur et qu’il faut comprendre qu’ils ont été noyés dans la mer des Joncs de façon que les eaux reviennent et les recouvrent. Le mot yekhasyoumou ne se trouve avec une telle ponctuation nulle part ailleurs dans le texte, lequel aurait dû porter yekhasyoumo avec un ‘holam
Comme une pierre
Alors que plus loin « ils se sont enfoncés comme du plomb » (verset 10) et qu’elle « les a dévorés comme du chaume » (verset 7). Les « méchants » ont été, comme du chaume, précipités puis remontés plusieurs fois, les hommes « moyens » ont été comme de la pierre, et les « bons » se sont enfoncés aussitôt comme du plomb (Mekhilta)
15,6
Ta droite, Seigneur, est insigne par la puissance; Ta droite, Seigneur, écrase l'ennemi.
Ta droite … ta droite
Deux fois. Quand Israël accomplit la volonté du Saint béni soit-Il, la gauche devient la droite (Mekhilta)
Ta droite
… pour sauver Israël, « et ta seconde droite écrase l’ennemi ». Il me semble, quant à moi, que c’est la même main droite qui écrase l’ennemi, alors qu’il est impossible à un homme d’accomplir deux tâches d’une seule main. Quant au sens littéral, il est le suivant : Ta main droite qui est « exaltée de force », que fait-elle ? Ta main droite est celle qui « écrase l’ennemi ». On trouve dans le texte beaucoup d’exemples du même type : « Car voici tes ennemis, Hachem, car voici que tes ennemis périront » (Tehilim 92, 10), « jusqu’à quand les méchants, Hachem, jusqu’à quand les méchants triompheront-ils ? » (Tehilim 94, 3), « les rivières ont élevé, Hachem, les rivières ont élevé leur voix » (Tehilim 93, 3), « pas à nous, Hachem, pas à nous » (Tehilim 115, 1), « Je répondrai, parole de Hachem, je répondrai aux cieux » (Hoché‘a 2, 23), « je suis pour Hachem, je vais chanter » (Choftim 5, 3), « si Hachem n’avait été pour nous […] si Hachem n’avait été pour nous quand l’homme se dresse contre nous » (Tehilim 124, 1), « réveille-toi, réveille-toi, Dévora, réveille-toi, réveille-toi, prononce un cantique » (Choftim 5, 12), « le pied la foulera, les pieds des pauvres » (Yecha’ya 26, 6), « Il a donné leur pays en héritage, […] en héritage à Israël Son serviteur » (Tehilim 136, 21-22)
Est exaltée
Le yod à la fin du mot nédari est explétif, comme rabati (« nombreuse ») (Eikha 1, 1), sarathi (« princesse ») dans les provinces (ibid.), genouvthi (« volée ») (Beréchith 31, 39)
Ecrasera l’ennemi
Elle ne cesse d’écraser et de briser l’ennemi [la forme du verbe au futur marquant un fréquentatif]. Autre exemple : « ils brisaient et opprimaient les enfants d’Israël » (Choftim 10, 8). Autre explication : Ta main droite, celle qui est exaltée de force, c’est elle qui brise et frappe l’ennemi
15,7
Par ta souveraine majesté tu renversas tes adversaires; tu déchaînes ton courroux. Il les consume comme du chaume.
Et par la grandeur de ta majesté
Si la main à elle seule suffit à écraser l’ennemi lorsqu’Il s’élève dans la grandeur de Sa majesté, alors Il détruit ceux qui s’élèvent contre Lui. Et s’il suffit de la grandeur de Sa majesté pour les écraser, à plus forte raison quand Il envoie Sa colère les dévorera-t-elle
Tu détruiras
C’est toujours que tu détruis ceux qui s’élèvent contre toi. Et qui sont ceux qui s’élèvent contre Lui ? Ceux qui s’élèvent contre Israël. De même est-il écrit : « Car voici que tes ennemis s’agitent » (Tehilim 83, 3). Et quelle est cette agitation ? « Ils ourdissent des plans mystérieux contre ton peuple » (ibid. verset 4). C’est pour cette raison qu’on les appelle : « ennemis de Hachem » (Mekhilta)
15,8
Au souffle de ta face les eaux s'amoncellent, les ondes se dressent comme une digue, les flots se figent au sein de la mer.
Et par le souffle de tes narines
Le souffle qui sort des deux narines. Toute révérence gardée, le texte parle ici, à propos de la chekhina, de la même manière qu’à propos d’un roi de chair et de sang afin d’accoutumer l’oreille des créatures à des concepts qui leur soient accessibles. Quand un homme se met en colère, un souffle sort de ses narines, comme dans : « la fumée est montée dans sa narine » (Tehilim 18, 9), ou dans : « ils se sont consumés par le souffle de Sa narine » (Iyov 4, 9). Telle est l’idée contenue dans : « A cause de mon Nom, je prolongerai mon souffle » (Yecha’ya 48, 9). Quand s’apaise la colère, le souffle s’allonge. Quand elle éclate, il devient plus court. « Et pour ma louange, je me retiendrai (è‘hètam) pour toi » (ibid.) : et pour ma louange, je mettrai un anneau (‘hatam) dans mon nez pour boucher mes narines afin d’empêcher la colère et le souffle de sortir. Le mot è‘hètam correspond à « la chamelle avec un anneau (‘hatam) » (Chabath 51b). Telle est mon opinion. Et toutes les fois que le texte emploie les mots af (« colère ») ou ‘haron (« fureur »), je propose la même explication. La colère brûle, comme dans : « et mon os brûle de chaleur » (Iyov 30, 30), où l’on trouve le sens de brûler et de flamber, car les narines s’échauffent et brûlent au moment de la colère. Le mot ‘haron vient de la racine ‘hara (« brûler »), comme ratson (« volonté ») vient de la racine ratsa (« vouloir »). De même le mot ‘hama (« colère ») évoque l’idée de chaleur. C’est pourquoi il est écrit : « Et sa colère brûla (ba‘ara) en lui » (Esther 1, 12). Et lorsqu’elle s’apaise, on dit de la colère qu’elle s’est « refroidie » (Yevamoth 63a)
Les eaux se sont amoncelées (nè‘èrmou)
Le Targoum Onqelos rend le mot nè‘èrmou dans le sens d’agir « avec astuce ». Mais le mieux est de rattacher le mot à l’idée d’un « entassement », comme « un tas (‘armath) de blé » (Chir haChirim 7, 3). La suite du verset le prouve : « les courants se sont dressés comme une digue ». C’est ainsi que « les eaux se sont amoncelées » : Sous l’effet de la chaleur du souffle sorti de tes narines, les eaux se sont asséchées et ont formé comme des entassements et comme des piles de blé, caractérisées par leur hauteur
Comme une digue (néd)
Le Targoum Onqelos rend le mot néd par l’idée d’amoncellement, comme dans : « l’amoncellement (néd) de la moisson le jour de la douleur » (Yecha’ya 17, 11), « il réunit (koness) comme un monceau (kanéd) » (Tehilim 33, 7). Le texte n’écrit pas : kineéd (« comme une outre »), mais bien : kanéd. Car si le mot néd avait eu le même sens que neéd, le texte aurait dû porter : makhniss (« Il fait entrer [comme dans une outre les eaux de la mer] ») et non : koness. Mais ce dernier mot a bien le sens de « réunir » et de « ramasser », comme dans : « Les eaux se sont dressées comme une digue (néd) » (Yehochou‘a 3, 16), « elles se sont tenues droites comme une digue (néd) » (ibid. 3, 13). Or, on ne peut pas parler de « se dresser » ou de « se tenir droit » à propos d’une outre, mais bien à propos d’un mur ou d’un amoncellement. Par ailleurs, le mot neéd (« outre ») est toujours ponctué d’un ‘holem, comme dans : « Mets ma larme dans ton outre (benodékha) » (Tehilim 56, 9), « elle ouvrit une outre (nod) de lait » (Choftim 4, 19)
Se sont figés
Comme dans : « comme du fromage tu m’as coagulé (taqpiéni) » (Iyov 10, 10). Les abîmes se sont figés et sont devenus comme des pierres. Les eaux projetaient vigoureusement les Egyptiens contre les pierres et les combattaient avec dureté
Au cœur de la mer
Dans la pleine puissance de la mer. C’est ainsi que s’exprime souvent le texte : « Jusqu’au cœur des cieux » (Devarim 4, 11), « jusqu’au cœur du térébinthe » (II Chemouel 18, 14). L’expression désigne l’essence et la puissance de la chose
15,9
Il disait, l'ennemi: 'Courons, atteignons! Partageons le butin! Que mon âme s'en repaisse!" Tirons l'épée, que ma main les extermine!...'
L’ennemi disait
A son peuple, quand il l’encourageait par des mots : « Je poursuivrai, j’atteindrai, je partagerai le butin ! » avec mes chefs et mes serviteurs
S’en emplira
Ce verbe est à la forme passive
Mon âme
Mon esprit et ma volonté. Et que l’on ne s’étonne pas de la dualité du contenu : le mot timlaémo (« s’en emplira ») équivaut à timalé méém (« elle s’emplira “d’eux” »). Il existe beaucoup d’autres cas semblables, comme dans : « car le pays du sud, tu me l’as donné (nethatani) » (Choftim 1, 15), où le mot nethatani équivaut à nathata li, ou comme dans : « Et ils ne purent lui parler en paix » (Beréchith 37, 4), où le mot dabro (« lui parler ») équivaut à dabèr ‘imo, ou comme dans : « mes fils sont sortis de chez moi (yetsaouni) » (Yirmeya 10, 20), où le mot yetsaouni équivaut à yatsou mimènni, ou comme : « le nombre de mes pas je lui raconterai (aguidènnou) » (Iyov 31, 37), où le mot aguidènnou équivaut à aguid lo. Il en va de même ici, où timlaémo signifie : « mon âme s’emplira “d’eux” !
Je tirerai (ariq) mon épée
Le Targoum Onqelos rend le mot par echlof (« je tirerai »). C’est parce que le fourreau reste « vide » une fois qu’on a tiré l’épée que le texte emploie le mot ariq (« je viderai »), comme dans : « Ce fut, comme ils vidaient (meriqim) leurs sacs » (Beréchith 42, 35), ou dans : « ils videront (yariqou) leurs ustensiles » (Yirmeya 48, 12). Et il ne faut pas dire que l’idée de « vide » ne s’applique pas au contenu que l’on sort, mais uniquement au contenant dont on a sorti ce qui s’y trouvait, et donc ni à l’épée ni au vin. On ne doit pas, par conséquent, forcer l’interprétation et comprendre : « je tirerai mon épée » dans le même sens que : « il arma (wayarèq) ses élèves » (Beréchith 14, 14) comme si le texte voulait dire : « je m’armerai de mon épée ». Car cette expression, nous la trouvons appliquée aussi à ce que l’on sort, comme dans : « de l’huile qui est vidée (touraq) » (Chir haChirim 1, 3), ou dans : « et il n’a pas été vidé (houraq) d’un vase dans un vase » (Yirmeya 48, 11). Il n’est pas écrit, dans ce verset : « le vase n’a pas été vidé », mais : « le vin n’a pas été vidé du vase ». Nous voyons donc que l’expression peut s’appliquer au vin. Même chose pour : « ils videront (wehériqou) leurs épées contre la beauté de ta sagesse » (Ye‘hezqel 28, 7), à propos de ‘Hiram
Les exterminera
Ce mot évoque la pauvreté et la misère, comme dans : « Hachem rend pauvre (morich) et Il rend riche » (I Chemouel 2, 7)
15,10
Toi, tu as soufflé, l'océan les a engloutis; ils se sont abîmés comme le plomb au sein des eaux puissantes.
Tu as soufflé (nachafta)
Tel est le sens du verbe nachof, comme dans : « et aussi Il a soufflé (nachaf) contre eux » (Yecha’ya 40, 24)
Ils se sont enfoncés
Ils ont sombré, été envoyés au fond, comme dans (Tehilim 69, 3) : metsoula (« les profondeurs »)
Comme du plomb
En français médiéval : « plom »
15,11
Qui t'égale parmi les forts, Éternel? Qui est, comme toi, paré de sainteté; inaccessible à la louange, fécond en merveilles?
Parmi les forts
Parmi les puissants, comme dans : « et les puissants (élé) du pays, il les a pris » (Ye‘hezqel 17, 13), ou dans : « ma force (èyalouthi) ! [viens] à mon secours » (Tehilim 22, 20)
Terrible en louanges
On a peur de réciter tes louanges, de peur d’en dire trop peu, comme dans : « pour toi, le silence est une louange » (Tehilim 65, 2)
15,12
Tu as étendu ta droite, la terre les dévore.
Tu as étendu ta droite
Lorsque le Saint béni soit-Il étend Sa main, les méchants disparaissent et tombent. Car tout se trouve dans Sa main, de sorte qu’ils tombent lorsqu’Il la penche, comme il est écrit : « Lorsqu’Il étend Sa main, celui qui aide trébuche et celui qui est aidé tombe » (Yecha’ya 31, 3). C’est comme des objets en verre que l’on tient dans la main : si on l’incline un peu, ils tombent et se brisent (Mekhilta)
La terre les a engloutis
D’où l’on apprend qu’ils ont mérité une sépulture pour avoir déclaré (supra 9, 27) : « Hachem est le juste » (Mekhilta)
15,13
Tu guides, par ta grâce, ce peuple que tu viens d'affranchir; tu le diriges, par ta puissance, vers ta sainte demeure.
Tu as guidé
De la même racine que menahél (« chef »). Le Targoum Onqelos le rend dans le sens de : « porter », de : « supporter », sans s’astreindre à le faire d’après le sens du mot hébreu
15,14
A cette nouvelle, les peuples s'inquiètent, un frisson s'empare des habitants de la Philistée.
Ils trembleront
Ils tremblent, au présent
Les habitants de Pelèchèth
Pour avoir tué les enfants d’Efrayim qui, anticipant le terme de la délivrance, étaient sortis à main forte, comme indiqué dans I Divrei hayamim (7, 21) : « Les gens de Gath les ont tués » (Mekhilta)
15,15
A leur tour ils tremblent, les chefs d'Édom; les vaillants de Moab sont saisis de terreur, consternés, tous les habitants de Canaan.
Les chefs d’Edom
Ils n’avaient pourtant rien à craindre d’eux, puisque ce n’est pas contre eux que marchaient les enfants d’Israël ! Mais c’est en raison du chagrin et de l’affliction que leur causait la gloire d’Israël (Mekhilta)
Se sont fondus
Tel est le sens du mot, comme dans : « tu la fais fondre sous les pluies » (Tehilim 65, 11). Ils disaient : « Ils viennent sur nous pour nous détruire et pour prendre possession de notre terre !
15,16
Sur eux pèse l'anxiété, l'épouvante; la majesté de ton bras les rend immobiles comme la pierre, jusqu'à ce qu'il ait passé, ton peuple, Seigneur! Qu'il ait passé, ce peuple acquis par toi;
Tombera sur eux la crainte
Sur ceux qui sont loin (Mekhilta)
Et l’épouvante
Sur ceux qui sont près, ainsi qu’il est écrit (Yehochou‘a 2, 10) : « Car nous avons appris que Hachem a mis à sec… » (Mekhilta)
Jusqu’à ce qu’il ait passé… jusqu’à ce qu’il ait passé
A expliquer comme le fait le Targoum Onqelos
Que tu as acquis
Que tu aimes plus que les autres peuples, comme un objet acheté très cher et donc très précieux à son acquéreur
15,17
Que tu les aies amenés, fixés, sur ce mont, ton domaine, résidence que tu t'es réservée, Seigneur! Sanctuaire, ô mon Dieu! Préparé par tes mains.
Tu les feras venir
Mochè a prophétisé qu’il n’entrerait pas en terre promise. Aussi n’a-t-il pas dit : « Tu “nous” feras venir » (Mekhilta)
Résidence pour ton habitation
Le sanctuaire d’ici-bas correspond au trône divin, que tu as fait (Mekhilta)
Sanctuaire
Le mot miqdach (« sanctuaire ») porte un zaqéf gadol afin qu’il soit disjoint du mot : « Hachem » qui le suit : « le sanctuaire qu’ont établi tes mains »
Hachem
Le Temple lui est particulièrement cher. Car le monde n’a été créé que d’une seule main, comme il est écrit : « Ma main aussi a fondé la terre » (Yecha’ya 48, 13), tandis que le Temple a été créé des deux mains. Et quand sera-t-il construit des deux mains ? Lorsque « Hachem régnera à tout jamais », aux temps futurs, quand la royauté sera toute à Lui (Mekhilta)
15,18
L'Éternel régnera à tout jamais!"
A jamais (wa‘èd)
Le mot waèd exprime l’idée d’éternité, et la lettre waw fait partie du radical. Aussi la lettre ‘ayin est-elle ponctuée d’un sègol. Tandis que dans : « et moi je sais et suis témoin (wa‘éd) » (Yirmeya 29, 23), où le waw de wa‘éd est un préfixe, le ‘ayin est ponctué d’un tséré
15,19
Car, les chevaux de Pharaon, chars et cavalerie, s'étant avancés dans la mer, l'Éternel en avait refoulé les eaux sur eux, tandis que les enfants d'Israël marchaient à pied sec au milieu de la mer.
Car est venu le cheval de Pharaon
« Quand » est venu
15,20
Miryam, la prophétesse, soeur d'Aaron, prit en main un tambourin et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des instruments de danse.
Prit Miryam la prophétesse
Quand a-t-elle prophétisé ? Alors qu’elle était « sœur de Aharon », avant la naissance de Mochè, elle a dit : « Ma mère mettra au monde un fils… », comme indiqué dans le traité Sota (13a). Autre explication : Elle est appelée : « sœur de Aharon » parce qu’il s’est dévoué pour elle lorsqu’elle a été frappée par la lèpre, d’où ce titre (Mekhilta)
Le tambourin
C’est un instrument de musique
Avec des tambourins et des danses
Les femmes vertueuses de la génération, assurées que le Saint béni soit-Il allait accomplir des miracles, avaient emporté d’Egypte des tambourins (Mekhilta)
15,21
Et Miryam leur fit répéter: "Chantez l'Éternel, il est souverainement grand; coursier et cavalier, il les a lancés dans la mer…"
Miryam leur répondit
Mochè a récité le cantique pour les hommes. Il le récitait, et eux répondaient après lui. Et Miryam a chanté un cantique pour les femmes (Mekhilta)
15,22
Moïse fit décamper Israël de la plage des joncs et ils débouchèrent dans le désert de Chour, où ils marchèrent trois jours sans trouver d'eau.
Mochè fit partir
Il les a forcés à partir, car les Egyptiens avaient orné leurs chevaux de parures d’or et d’argent et de pierres précieuses, et les enfants d’Israël s’affairaient à les extraire de la mer (Mekhilta). Le butin de la mer a été plus important que celui d’Egypte, comme il est écrit : « Nous te ferons des ornements d’or avec des paillettes d’argent » (Chir haChirim 1, 11). Voilà pourquoi il a dû les faire partir contre leur gré (Mekhilta)
15,23
Ils arrivèrent à Mara. Or, ils ne purent boire l'eau de Mara, elle était trop amère; c'est pourquoi on nomma ce lieu Mara.
Il vinrent à Mara (maratha)
Le mot maratha équivaut à lemara. La lettre hé à la fin d’un mot remplace le préfixe lamèd, et le taw remplace le hé de la racine mara. Lorsque la racine d’un mot est suivie d’un suffixe hé destiné à remplacer le préfixe lamèd, le hé de cette racine est transformé en un taw. De la même manière, le hé d’une racine est transformé en un taw lorsqu’il est suivi d’une autre lettre, comme dans : « De colère (‘héma), il n’y en a pas en moi » (Yecha’ya 27, 4) et : « et sa colère (wa‘hamatho) brûlait en lui » (Esther 1, 12), où le hé de la racine est changé en taw parce que suivi du suffixe hé. Ou encore : « serviteur et servante (weama) » (Wayiqra 25, 44) et : « voici ma servante (amathi) Bilha » (Beréchith 30, 3). Ou encore : « fut âme vivante (‘haya) » (Beréchith 2, 7) et : « sa vie (‘hayatho) lui donne le dégoût du pain » (Iyov 33, 20). Ou encore : « entre Rama (harama) » (Choftim 4, 5) et : « son retour à Rama (haramatha) » (I Chemouel 7, 17)
15,24
Le peuple murmura contre Moïse, disant: "Que boirons-nous?"
Récrimina (wayilonou)
A la forme nif‘al. Le Targoum Onqelos le rend également par un verbe au mode réfléchi. Il en va ainsi des verbes marquant l’expression d’une plainte : l’action doit être rapportée à celui qui se plaint, de sorte que l’on dit : mithlonén – et non lonén – mithro‘ém – et non ro‘ém. C’est comme en français médiéval : « decompleinst se » où l’action est rapportée à celui qui se plaint et que désigne le pronom : « se »
15,25
Moïse implora le Seigneur; celui-ci lui indiqua un bois, qu'il jeta dans l'eau et l'eau devint potable. C'est alors qu'il lui imposa un principe et une loi, c'est alors qu'il le mit à l'épreuve
Là Il plaça pour lui
Il leur a donné à Mara à étudier une partie des paragraphes de la Tora, ceux concernant le Chabath, la vache rousse et les tribunaux (Sanhèdrin 56b)
Et là Il l’éprouva
Le peuple. Là Il a vu la raideur de leur nuque. Car ils ne se sont pas adressés à Mochè en des termes respectueux, en lui demandant d’intercéder pour eux auprès de la miséricorde divine afin de leur obtenir de l’eau, mais ils ont récriminé (Mekhilta)
15,26
et il dit: "Si tu écoutes la voix de l'Éternel ton Dieu; si tu t'appliques à lui plaire; si tu es docile à ses préceptes et fidèle à toutes ses lois, aucune des plaies dont j'ai frappé, l'Égypte ne t'atteindra, car moi, l'Éternel, je te préserverai."
Si écouter
C’est l’acceptation du commandement divin
Et que tu fasses
C’est son accomplissement
Et que tu prêtes l’oreille
Tends l’oreille pour les exécuter méticuleusement
Tous Ses statuts
Il s’agit des lois correspondant à la volonté pure du roi et qui ne contiennent aucun motif. Et le penchant au mal nous les fait critiquer : Qu’y a-t-il d’interdit, pourquoi est-ce prohibé ? Exemples : l’interdiction d’espèces différentes dans l’habillement, celle de la consommation du porc, la vache rousse, etc. (Yoma 67b)
Je ne placerai pas sur toi
Et si je la place, ce sera comme si elle n’avait pas été placée, « car je suis Hachem qui te guéris ». Telle est l’interprétation du midrach (Mekhilta). Quant au sens littéral, « je suis Hachem qui te guéris » et qui t’enseigne la Tora et les mitswoth afin que tu en sois préservé. C’est comme un médecin qui recommande à son patient de ne pas manger d’aliments qui risquent de le rendre malade. C’est cela, prêter l’oreille à la mitswa, comme dans (Michlei 3, 8) : « que ce soit une guérison pour ton corps » (Mekhilta)
15,27
Ils arrivèrent à Élim, là étaient douze sources d'eau et soixante-dix palmiers. Ils y campèrent près des eaux.
« Alors », quand il vit le miracle, son cœur l’engagea à chanter (au futur), comme dans : « Alors parlera Yehochou‘a… » (Yehochou‘a 10, 12), ou dans : « Il fera une maison pour la fille de Pharaon » (I Melakhim 7, 8), où le texte veut dire qu’il a pris la décision de la construire. De même ici, « il chantera » : son cœur lui a dit qu’il devait chanter, et c’est ce qu’il a fait : « ils dirent en disant : Je chanterai à Hachem… » Dans le cas de Yehochou‘a, quand il a vu le miracle, son cœur lui dit qu’il devait chanter, et c’est ce qu’il a fait : « Il dit en présence de tout Israël… » (Yehochou‘a 10, 12). De même pour le cantique du puits, où le texte commence par : « Alors chantera Israël… » (Bamidbar 21, 17), puis précise ensuite : « Monte, puits ! Répondez-lui ! » Ou encore : « Alors Chelomo construira un haut-lieu » (I Melakhim 11, 7), verset que les Sages d’Israël expliquent comme voulant dire qu’il a voulu le construire mais qu’il ne l’a pas fait (Chabath 56b, Sanhèdrin 91b). Cela nous apprend que la lettre yod [de yachir (« chantera »)] sert à marquer l’intention – tel est le sens littéral. Quant au midrach, nos Maîtres ont enseigné que l’on trouve ici une allusion faite par la Tora à la résurrection des morts (Sanhèdrin 91b). Il en est ainsi pour tous les exemples cités, sauf celui de Chelomo où ils expliquent qu’il a eu l’intention de construire mais ne l’a pas fait. Et il ne faut pas expliquer la forme future employée par notre verset comme on le fait pour d’autres textes qui l’utilisent comme présent permanent, comme dans : « ainsi fera Iyov… » (Iyov 1, 5), ou dans : « et conformément à Hachem ils campaient (littéralement : “camperont”) » (Bamidbar 9, 18), ou dans : « Et il y en avait que la nuée était (littéralement : “sera”) un nombre de jours sur le tabernacle » (Bamidbar 9, 20). Il s’agit là d’actions permanentes, que l’on peut rendre soit par le futur soit par le passé. Mais ici, où l’action ne s’est produite qu’une seule fois, on ne peut pas l’expliquer de la même manière