Alors qu’il marche dans la rue, Simon sent tout d’un coup une main se glisser dans la poche de son manteau. Il se retourne et s’écrie :
« Hey mais que voulez-vous ? »
« Une allumette ou un briquet… »
« Et bien ! En voilà des manières ! Pourquoi ne pas me le demander ? »
« Ah, non ! Je ne parle jamais aux étrangers ! »
La Paracha Kora'h nous invite une nouvelle fois à réfléchir sur la direction dans laquelle l’homme doit s’engager pour se rapprocher de son Créateur, et raffiner ses qualités humaines. Depuis plusieurs semaines, la Torah nous décrit des erreurs graves commises par des personnages illustres, bien souvent motivés par des considérations respectables à première vue. Lorsqu’elle a fauté, Myriam ne pensait pas et ne souhaitait pas médire de son frère Moché ; de même, de nombreux commentaires nous enseignement que la faute des explorateurs peut s’expliquer par leur souci de prolonger la proximité avec Hachem qu’ils connaissaient dans le désert.
La Torah nous invite donc à nous méfier des images caricaturales de « fautes » grossières réalisées par des personnes mal intentionnées, mais elle nous suggère davantage d’analyser en profondeur les ressorts de nos actes, de nos paroles et de nos pensées.
La Paracha de cette semaine n’y fait pas exception, et il suffit de lire le texte pour s’apercevoir que, à première lecture, les revendications de Kora'h témoignent d’une aspiration à la sainteté : « Toute la communauté, oui, tous sont des saints, et au milieu d'eux est l'Éternel ; pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l'assemblée de l'Éternel ? »
Kora'h et son assemblée réclament ainsi de partager la prêtrise et la direction du peuple avec Moché et Aharon. Ils postulent l’égale sainteté de chacun des membres du peuple et en déduisent qu’il est illégitime que le service divin soit réservé à certains. Si cette argumentation peut sembler par certains aspects pertinente, notamment pour des esprits modernes habitués à l’idéologie de l’égalitarisme et du relativisme systématique, elle n’en demeure pas moins problématique à de nombreux égards.
Comme le fera remarquer rapidement Moché Rabbénou, Kora'h et son assemblée semblent oublier que ce ne sont pas Moché et Aharon qui se sont arrogés le pouvoir, mais c’est D.ieu Lui-même Qui leur a attribué ces fonctions. Dès lors, les récriminations qui leur sont adressées sont sans objet et révèlent au contraire de calculs personnels teintés de jalousie, et finalement un refus d’accepter la volonté divine.
« En vérité, toi et toute ta bande, c'est contre l'Éternel que vous vous êtes ligués ; car Aharon, qu'est-il, pour que vous murmuriez contre lui? » leur oppose Moché et Rachi explicite ces propos de la manière suivante « C’est pourquoi : C’est à cause de cela que « toi et toute ta communauté qui s’est assemblée » autour de toi êtes contre Hachem, car c’est sur Son ordre que j’ai conféré la prêtrise à Aharon, de sorte que cette querelle ne nous concerne pas (Midrach Tan‘houma). »
Finalement, cette Paracha nous invite à réfléchir sur l’importance de « connaître sa place » « Mékir Ete Mékomo » et à l’accepter. Dans le cadre de sa vie sociale, l’homme est constamment en échange avec ses proches et une tendance « naturelle » de l’homme consiste à se comparer à ses semblables dans tous les domaines. Ce faisant, l’homme agit comme si les destinées individuelles étaient interchangeables, comme si D.ieu avait créé des hommes et des femmes similaires qui pourraient tous « vivre la vie » des autres et en être heureux. Cela revient à méconnaître la spécificité inhérente à chaque individu, et notamment à son âme, à sa Néchama. D.ieu a créé des hommes égaux en dignité, mais distincts les uns et des autres. Ces différences ont vocation à enrichir l’humanité en donnant à chaque individu un rôle spécifique que lui seul peut jouer dans le monde et auquel personne ne peut se substituer.
Plutôt que de chercher à tout prix à ressembler à son prochain, l’homme doit essayer de révéler les trésors que sa Néchama recèle et qui font de lui un être spécifique et indispensable à l’humanité.
Voilà pourquoi il est si important de connaître sa place, et d’être convaincu que nous avons tous un rôle singulier à jouer sur terre. Dès lors, la course aux honneurs, la jalousie, l’esprit de comparaison systématique semblent des prétentions dénuées de sens qui éloignent l’homme de son Créateur et de la source de sa Néchama. Ces penchants sont illimités car rien ne peut assouvir les désirs de l’homme notamment en matière d’honneur. Pensons à la réplique du roi Ménaché à qui D.ieu proposait de trouver une place dans le monde futur aux côtés de personnes illustres, en dépit des fautes qu’il avait commises, qui s’exclama « Mi Baroch ? Qui sera en tête ? ».
Nos Sages nous ont avertis depuis longtemps que « les désirs, la jalousie, et la recherche des honneurs expulsent l’homme du monde », à l’image de Kora'h et de son assemblée qui sont avalés par la terre.
Face à ces écueils, l’homme doit réagir en se concentrant sur sa construction personnelle, l’approfondissement de ses qualités, de sa sensibilité, mais en les canalisant dans la direction du service divin, grâce à l’étude de la Torah et à la pratique des Mitsvot. De cette manière, il parviendra à ressentir intuitivement la direction dans laquelle il doit s’engager, il percevra avec plus de lumière ce que l’Éternel attend de lui et il ressentira un épanouissement intense.
Considérons ainsi l’exhortation du prophète Chmouel dans notre Haftara qui nous rappelle avec force que les idoles que l’homme poursuit, peut-être peut-on y inclure toutes les passions humaines, notamment celles des désirs et des honneurs, sont vaines et mènent l’homme à sa perte alors que son salut ne réside que dans le service authentique de D.ieu.
« Chmouel répondit au peuple : "Soyez sans crainte. Oui, vous êtes bien coupables ; du moins ne cessez jamais de suivre l'Éternel, servez l'Éternel de tout votre cœur. Vous ne Le quitteriez que pour des idoles de néant, impuissantes à secourir et à sauver, puisqu'elles sont néant. Mais l'Éternel ne délaisse point Son peuple, pour l'honneur de Son saint Nom, parce qu'il Lui a plu de vous adopter pour Son peuple. Moi-même, d'ailleurs, je n'aurai garde d'offenser l'Éternel en cessant de prier pour vous, et je continuerai à vous guider dans la voie du bien et de la droiture. Surtout, révérez l'Éternel, servez-Le sincèrement et de tout votre cœur, en considérant les grandes choses qu'Il a faites pour vous. Que si vous agissez mal, vous serez perdus, et vous et votre roi. » (Samuel, 12, 20-25)
Puisse Hachem nous aider à nous investir dans cette voie et à comprendre comment enrichir la symphonie de l’humanité avec nos partitions personnelles. Nous pourrons ainsi, avec l’aide de l’Éternel, construire l’harmonie universelle propice à l’arrivée très prochaine du Machia'h.
Alors qu’il marche dans la rue, Rabbi Chlomo voit trois garnements le devancer puis se retourner et l’interpeler :
« Bonjour, Patriarche Avraham ! », lui dit le premier.
« À moins que vous ne soyez le patriarche Its'hak ? », crie le second.
« Ou bien le patriarche Ya'acov ? », lui lance le troisième dans un grand éclat de rire général.
Rabbi Chlomo leur fait signe d’approcher et leur dit à voix basse : « Chuut, vous vous trompez, je ne suis aucun des trois. En revanche, je suis Chaoul, le fils de Kich et futur roi d’Israël, et là je suis à la recherche des trois ânes du troupeau de mon père qui se sont enfuis. Je pensais qu’ils étaient perdus, mais vous me rassurez, je viens de les trouver ! »