« Hillel dit : ne vous séparez pas de la communauté. »
QUESTIONS :
- Que signifie se séparer de la communauté ?
- Pourquoi est-ce si grave ?
- Cela s'applique-t-il également si l'on respecte toutes les Mitsvot (ou est-ce impossible) ?
- Qu'en est-il si la communauté ne se conduit pas bien ?
Dans l'article précédent, nous avons vu que d'après certains commentateurs, l'injonction de ne pas se séparer de la communauté signifie que l'on doit s'associer à la peine de la collectivité. Un certain nombre de commentateurs proposent une autre approche[1] : ils suggèrent que la Michna nous demande de nous joindre à la communauté dans le domaine de la prière.
Une application de cette idée : un homme devra toujours s'efforcer de prier avec la collectivité en Minyan, plutôt que de prier seul. La Guémara[2] explique que c'est le sens d'un verset où le roi David décrit la prière comme un 'Ete Ratsone, un moment propice. La Guémara affirme qu'il s'agit d'un moment où l'homme prie avec la collectivité, et cite ensuite Rabbi Nathan mentionnant un autre verset qui indique qu'Hachem ne rejette jamais une prière communautaire.
La question se pose : pourquoi est-ce le cas, en particulier sachant que certains peuvent faire valoir qu'ils prient avec plus de Kavana (concentration) seuls ? Dans ce cas, pourquoi est-il plus efficace de prier en Minyan ?
Le Méam Loèz explique que lorsqu'un individu prie seul, afin que sa prière soit agréée, il doit prier avec beaucoup de Kavana, alors que lorsqu'il prie avec l'assemblée, Hachem ne rejette pas la prière collective, même si tous les fidèles ne prient pas avec une Kavana parfaite.
Le Méam Loèz ajoute que lorsqu'un individu prie seul et expose des requêtes à Hachem, les anges annoncent ses actions et ses fautes qui sont examinées dans le ciel. Or, s'il prie avec l'assemblée, il est garanti d'être exaucé dans ses prières, et ne sera pas la cible d'une surveillance particulière pour déterminer s'il mérite ou non d'être exaucé. De même, le Rambam[3] affirme que la prière en communauté est toujours exaucée, même si des pécheurs se trouvent parmi eux, si bien qu'il faudra toujours s'efforcer de prier avec la communauté.
Les ouvrages sacrés[4] y voient une allusion dans les lettres mêmes du mot Tsibour : Tsadik, Beth, Vav et Rèch. Elles désignent les Tsadikim, les Bénonim (moyens) et les Récha'im (mécréants). Ceci est une allusion au fait que la prière en communauté est toujours acceptée, même en présence de Bénonim et de Récha'im, du fait que leur prière s'élève vers Hachem et est accueillie favorablement.
Le Midrach Chmouël offre une explication supplémentaire de la Michna traitant de la prière. Il explique que lorsqu'on prie, on ne doit pas uniquement prier pour soi, mais également en faveur de la communauté et de tout le peuple d'Israël. Dans cette même veine, Rachi[5] écrit que l'on ne doit pas prier au singulier, en implorant pour ses propres besoins, mais plutôt au pluriel, pour inclure les besoins de tout le monde. De cette manière, nos propres prières seront exaucées. Il s'appuie sur un dicton de nos Sages[6] selon lequel toute personne qui prie pour son prochain constatera que ses propres prières seront exaucées en premier.
Le Midrach Chmouël adopte cette approche pour expliquer les termes de la reine Esther[7] lorsqu'elle prescrivit à Mordékhaï de rassembler tous les Juifs de Chouchane qui devront prier pour elle, en s'adressant au singulier. Le but du jeûne de tous les Juifs était destiné à Esther et non à eux-mêmes. Esther ajouta qu'elle et ses servantes feraient de même : elles ne jeûneraient pas pour elles-mêmes, mais en faveur de tous les Juifs. Puisque chaque Juif jeûnerait pour les autres, ils seraient certainement tous exaucés.
Nous avons examiné l'importance de la prière en communauté : l'histoire suivante met en valeur une autre facette de cette idée. Une famille pratiquante, les Cohen, était amie avec la famille laïque des Lévi, et avait fait plusieurs tentatives pour les rapprocher du judaïsme. À un moment donné, ils invitèrent les Lévi pour Chabbath, espérant qu'ils seraient touchés par le pouvoir magique du Chabbath. Mais à la grande déception des Cohen, à la fin du Chabbath, les Lévi, en dépit du bon temps passé, ne semblaient pas du tout émus. Mais avant de repartir, ils virent que les Cohen s'apprêtaient à partir quelque part : les Cohen expliquèrent qu'un fidèle de la communauté était tombé malade et toute la communauté se rendait à la synagogue pour prier pour lui. Les Lévi pensèrent que le malade était un ami des Cohen, mais ceux-ci leur expliquèrent qu'ils ignoraient de qui il s'agissait, mais comme il faisait partie de la communauté, tout le monde allait prier pour lui. Les Lévis, très impressionnés de cette unité dans la communauté, furent gagnés par l'émotion. Ce moment marqua le début de leur démarche de rapprochement au judaïsme.
Cette histoire met le doigt sur le pouvoir de la prière collective et la nature unie du peuple juif qui partage le même objectif : servir D.ieu.
[1] Midrach Chemouël, Tiféret Israel, Yalkout Méam Loèz, Anaf Ets Avot.
[2] Brakhot 8a
[3] Michné Torah, Hilkhot Téfila, 8:1.
[4] Cité dans Darké Avot, p.227.
[5] Brakhot 30a.
[6] Baba Kama 92a.
[7] Esther 4:16