« Rabbi Yéhochoua dit : « Le 'Ayin Hara' (mauvais œil), le Yétser Hara' (mauvais penchant) et la haine des créatures expulsent l’homme du monde. »
QUESTIONS
1. À quoi ces termes font-ils référence ?
2. En quoi cette Michna peut-elle se comparer à une autre Michna affirmant que la jalousie, les honneurs et la luxure excluent l'homme de ce monde ?
Rabbi Yéhochou'a nous enseigne que trois éléments excluent l'homme de ce monde : le 'Ayin Hara', le Yétser Hara' et la Sinat Habriot, le mauvais œil, le mauvais penchant et la haine des créatures. Avant de définir le sens de ces trois éléments, une question se pose : Rabbi Eliézer, dans une autre Michna dans Avot, affirme que trois autres traits excluent l'homme de ce monde : la Kina (jalousie), le Kavod (les honneurs) et la Taava (la luxure). Ces deux avis sont-ils contradictoires ? Les commentateurs[1] expliquent que ces regroupements sont intrinsèquement liés et se correspondent l'un à l'autre : la jalousie correspond au 'Ayin Hara', les honneurs sont à mettre en parallèle à la haine des créatures, et la luxure est liée au Yétser Hara'.
Le Tiféret Tsion va plus loin et explique que ces trois traits négatifs dans l'autre Michna, conduisent aux trois conduites répréhensibles mentionnées dans cette Michna. Si un homme est animé de jalousie, il portera le mauvais œil ('Ayin Hara') sur le succès des autres – la définition du 'Ayin Hara' sera abordée en profondeur dans un prochain article, mais en bref, le 'Ayin Hara' se définit de deux manières principales. La première : un homme doté d''Ayin Hara' considère d'un mauvais œil le succès des autres, et la seconde : il n'est pas satisfait de ce qu'il a. Ces deux définitions sont sous-tendues par la jalousie : un jaloux a du ressentiment pour le succès de son prochain et ne sera pas heureux de ce qu'il a, le comparant toujours à ce que d'autres possèdent.
Kavod : le désir des honneurs est la cause d'un grand nombre de cas de Sinat Habriot : lorsqu'un homme est arrogant et a le sentiment qu'il mérite des honneurs, il risque plus facilement d'avoir du ressentiment envers ceux qu'il estime ne pas lui offrir assez d'honneurs, ou qui constituent une menace à son égo. Il sera également égocentrique et ne se préoccupera pas des besoins des autres, ce qui constitue une cause significative de discorde.
Taava : la luxure pousse l'homme à suivre l'Etsa du Yétser Hara' – les arguments du mauvais penchant – pour satisfaire ses désirs les plus primaires. Nous traiterons dans les prochains articles de la manière dont ces regroupements poussent l'homme à être exclu de ce monde et du monde à venir.
Le Tiféret Tsion ajoute que ces deux Michnayot dans Avot sont également à mettre en parallèle à une troisième Michna.[2] Cette Michna nous indique que Bil'am possédait trois défauts qui lui firent perdre à la fois ce monde-ci et le monde à venir. Ces défauts étaient le 'Ayin Hara', le Néfech Ré'hava, la cupidité, et le Roua'h Guévoha, c'est-à-dire l'arrogance. Le 'Ayin Hara' correspond au 'Ayin Hara' et à la Kina ; le Néfech Ré'hava est à mettre en parallèle avec le Yétser Hara' et à la Taava ; et le Roua'h Guévoha correspond à la Sinat Habriot et au Kavod. La Michna relate que les traits négatifs de Bil'am le conduisirent à réaliser ses actes pervers et aboutirent au final à sa mort, et il est pointé du doigt comme l'un des hommes n'ayant pas de part au monde futur.[3]
Les Pirké Avot décrivent les trois facteurs opposés qui donnent à un homme la vie dans ce monde-ci et le suivant. Rabbi Chimon Hatsadik disait : « Le monde tient sur trois piliers : la Torah, la 'Avoda (service divin) et le Gmilout 'Hassadim (actes de bonté)[4]. » Cela signifie que le monde subsiste grâce à ces trois éléments, et au niveau personnel, l'existence de chacun repose sur ces trois domaines.
La Torah est l'antithèse de la Taava et du Yétser Hara', car elle enseigne à l'homme à conquérir ses instincts les plus primaires et à vivre à un niveau spirituel plus élevé. De ce fait, quelqu'un qui suit les règles de la Torah ne sera pas sujet aux arguments du Yétser Hara'.
La 'Avoda est l'antithèse du Kavod et de ses dérivés, la haine des créatures, car l'essence de l''Avoda est l'humilité devant Hachem. Un homme qui sert sincèrement Hachem n'aura aucun sentiment d'arrogance.
Le Gmilout 'Hassadim est l'antithèse de la Kina et du 'Ayin Hara', car l'essence de la bonté est de se préoccuper de notre prochain, de ne pas le considérer comme un concurrent ni de développer des sentiments de jalousie.
Dernier parallèle, pour revenir à la Michna évoquant Bil'am par rapport à Avraham Avinou – ce dernier excella dans les trois traits de caractère dans lesquels Bil'am échoua : il possédait un 'Ayin Tova (un bon œil), un Roua'h Némoukha (un esprit humble) et un Néfech Chéféla, c'est-à-dire qu'il n'était pas mené par ses désirs[5]. Avraham se souciait des autres, les aidait et n'éprouvait aucune jalousie ; il était humble, par exemple, lorsqu'il se décrit comme la poussière et les cendres[6] et possédait une grande maîtrise de soi.[7]
Nous avons relevé trois domaines où une application constructive donnera à l'homme la vie dans ce monde-ci et dans le suivant tandis qu'une application négative expulsera l'homme de ce monde-ci et du monde à venir.
[1] Sfat Emet, Ibd, Tiféret Tsion, Avot 4;21.
[2] Michna Sanhedrin 90b.
[3] Michna Sanhedrin 90b.
[4] Avot 1,2.
[5] Nous savons également que chacun de ces trois patriarches était caractérisé par l'un des trois attributs mentionnés par Chimon Hatsadik : Avraham incarnait le Gmilout 'Hassadim, Its'hak était un modèle d''Avoda, et Ya'acov était surtout lié à la Torah. Cela ne signifie pas que chaque Patriarche n'excellait pas dans tous les domaines, mais chacun avait une inclination naturelle particulière pour un de ces trois domaines.
[6] Béréchit 14,18.
[7] Voir Béréchit 14,12.