« Rabbi Yéhochoua dit : « Le 'Ayin Hara (mauvais œil), le Yétser Hara' (mauvais penchant) et la haine des créatures expulsent l’homme du monde. »
QUESTIONS
1. Que signifie le 'Ayin Hara' ?
2. De quelle manière expulse-t-il l'homme de ce monde ?
3. La phrase « expulsent l'homme de ce monde » fait-elle référence à la personne qui a le 'Ayin Hara', à la victime du 'Ayin Hara', ou bien aux deux ?
Dans l'article précédent, nous avons évoqué un aspect du 'Ayin Hara', lorsqu'un individu a des pensées négatives sur son prochain. De nombreux commentateurs se focalisent davantage sur l'acte concret de regarder notre prochain et ses réalisations, et des préjudices que cela peut entrainer à la fois pour celui qui regarde que pour la victime du 'Ayin Hara'.
Le concept de 'Ayin Hara' est si sérieux qu'il est mentionné plusieurs fois dans la Halakha. Un exemple : on ne doit pas acheter un champ à proximité de la ville, car tout le monde pourra le voir et risque d'y porter un regard négatif, entraînant le 'Ayin Hara' qui pourra endommager le champ.[1] Autre cas : on ne fera pas monter successivement à la Torah un père et son fils, ni deux frères l'un après l'autre, car cela risque de provoquer du 'Ayin Hara'.
Le pouvoir du 'Ayin Hara' est démontré par la remarque de Rav lorsqu'il se trouva dans un cimetière : pas moins de 99% des personnes étaient décédées en raison du 'Ayin Hara'. Une question évidente se pose alors : si le pouvoir du Yétser Hara' est si prégnant, comment peut-on se protéger de ses effets néfastes ? On ne peut bien entendu empêcher certaines personnes d'être jalouses, en raison de leurs propres défauts, mais néanmoins, on doit faire des efforts pour éviter d'entraver leur succès, que ce soit au niveau des finances, des enfants ou de tout autre domaine.
À en croire ces propos, on pourrait penser qu'on doit s'abstenir de faire certaines choses en public, comme enseigner la Torah et influencer positivement notre prochain. Le Rav Ovadia Yossef affirme que c'est une erreur. Il affirme que si un individu est doté de la faculté, octroyée par D.ieu, de parler en public ou d'enseigner, ou dispose des moyens financiers pour aider les autres, il ne doit pas se faire de souci par rapport au 'Ayin Hara', compte tenu du principe suivant : celui qui accomplit une Mitsva ne connaît aucun mal. Lorsqu'un homme réalise une bonne action, il est protégé des effets nuisibles du 'Ayin Hara'.
Rav Yossef ajoute que le 'Ayin Hara' n'affecte pas quelqu'un qui n'est pas enclin à regarder autrui avec un mauvais œil. En effet, si une personne ne porte pas un regard jaloux ou n'éprouve pas de ressentiment à l'égard d'autrui, ce dernier ne sera pas en mesure de lui porter atteinte. Ceci s'applique à un niveau plus pratique : si un homme voit les autres sous un jour favorable, ils risquent probablement de le considérer positivement, et de ne pas le regarder avec un'Ayin Hara'. Ainsi, Rav Ovadia mentionne une anecdote : quatre frères reçurent une Alyia à la Torah l'un après l'autre, en dépit du fait qu'il est rapporté de ne pas procéder de la sorte en raison du 'Ayin Hara'. Cependant, le Rav de la synagogue ne protesta pas, sachant que ces frères ne portaient pas un regard sévère sur les autres, et n'étaient donc pas enclins à être considérés de cette manière.
Relevons également que la récompense est toujours plus importante que la sanction. De ce fait, avoir un 'Ayin Hara' peut apporter la bénédiction à celui qui en est victime. Ainsi, les agriculteurs non-juifs qui vivaient dans le village du 'Hafets Haïm voulaient qu'il regarde simplement leur champ, compte tenu du pouvoir de son regard.
L'histoire suivante illustre combien cette idée peut aller loin : un jour, un élève de Rav Chlomo Zalman Auerbach raconta à son Rav qu'il venait d'emménager dans un nouvel appartement. Quelques jours plus tard, Rav Auerbach surprit son élève en arrivant chez lui. Il observa chaque partie de l'appartement et fit l'éloge de chacune d'elles avec beaucoup d'enthousiasme. Il bénit son élève en lui souhaitant un Yichouv Tov (une bonne installation). L'élève ne put se retenir de demander au Rav pourquoi il s'était donné tant de peine pour observer chaque recoin de la maison. Le Rav Auerbach répondit : « Mon cher élève, lorsque tu m'as annoncé que tu déménageais, je suis venu donner à ton appartement un 'Ayin Tova qui te protégera, car si le 'Ayin Hara' a le pouvoir de causer du tort, le 'Ayin Tova a la faculté d'aider…»
Nous apprenons de cette partie de la Michna que dans notre propre intérêt et dans celui d'autrui, il nous incombe de considérer autrui sous un jour favorable et d'éliminer toute trace de jalousie et de ressentiment.
[1] Baba Metsia 102a.