« Tous ceux qui œuvrent pour la communauté doivent le faire Léchem Chamayim, en l'honneur du Ciel, car le mérite de leurs ancêtres les aide, et leur droiture perdurera à tout jamais. Et quant à vous (dit D.ieu), Je vous accorderai une grande récompense, comme si vous l'aviez vous-mêmes accompli. »
QUESTIONS :
1. La Michna semble affirmer que ceux qui sont Ossek Bétsarké Tsibour, qui œuvrent pour la communauté, doivent s'y consacrer Léchem Chamayim, de manière désintéressée, car de cette façon, ils réussiront – mais toute personne n'est-elle pas tenue d'accomplir toutes les Mitsvot Léchem Chamayim ?
2. En agissant Léchem Chamayim, ceux qui travaillent pour la communauté bénéficient de l'aide de leurs ancêtres ; et pourquoi pas pour les autres Mitsvot ?
3. À quoi se réfère ce « mérite des ancêtres », à la communauté ou à ceux qui travaillent pour la communauté ?
4. Qu'est-ce que la clause : « leur droiture perdurera à tout jamais » ajoute à la clause précédente ?
5. Pourquoi la Michna passe-t-elle de la troisième à la seconde personne : « Et quant à vous, Je….» ?
La seconde partie de la Michna se focalise sur les individus impliqués dans les besoins de la communauté – Ha'ossek Bétsarké Tsibour – on y inclut des gens qui dirigent des synagogues (les Gabaïm), les fonds de charité, d'autres besoins communautaires, et ceux qui enseignent la Torah à la communauté. La Torah souligne qu'ils doivent être Ossek Léchem Chamayim : pour la gloire de Hachem, pour des motifs purs, car telle est la volonté de Hachem, contrairement aux avantages secondaires comme l'honneur et les gains financiers. La Michna explique ensuite qu'un homme qui s'y plie sera aidé par le mérite de la communauté et de leurs ancêtres. La Michna s'achève sur Hachem s'adressant directement à ces hommes œuvrant pour la collectivité en leur promettant qu'Il leur accordera une grande récompense.
Il y a de nombreuses questions sur cette Michna et dans cet article, nous en traiterons une : la Michna souligne que celui qui travaille pour la collectivité doit le faire de manière désintéressée, plus que des Juifs accomplissant d'autres Mitsvot. Mais plusieurs sources chez nos Sages nous enseignent que toutes les Mitsvot doivent, idéalement, être réalisées Léchem Chamayim[1], alors pourquoi cette insistance ici sur les Ossek Bétsarké Tsibour qui doivent œuvrer de manière désintéressée ?
Rabbénou Yona[2] comprend, semble-t-il, que les hommes impliqués dans les Tsarké Tsibour ont plus de risques d'être exposés à certains Yétser Hara (mauvais penchant) : la recherche des honneurs, en particulier, qui est plus conséquente lorsqu'on agit en public. En conséquence, ils ont besoin d'une exhortation supplémentaire pour tenter de se concentrer sur les motifs purs de leurs actions.
Rabbi Aharon Yéhouda Leib Steinman zatsal insistait sur la difficulté d'agir pour la collectivité de manière désintéressée, alors que de nombreux autres motifs impurs peuvent facilement influer sur une personne agissant pour le Tsibour. Il insistait sur le fait que la première étape consiste à être honnête avec soi-même sur ses motifs réels. Lors de l'un de ses célèbres voyages à l'étranger pour inspirer les Juifs du monde entier, le Rav avait le choix entre deux accompagnateurs. Il leur demanda pourquoi ils voulaient venir : l'un d'eux répondit qu'il voulait voir l'incroyable manifestation de Kavod Hatorah, d'honneur rendu à la Torah, lorsque le public verrait le Rav Steinman. L'autre homme admit qu'il voulait voir divers sites à travers le monde. Le Rav Steinman choisit le deuxième candidat, car il sentait qu'il était plus honnête sur ses intentions.
Le Sforno[3]a une autre approche : il se concentre sur l'idée qu'être impliqué dans les besoins de la collectivité a tendance à être très difficile. Pour preuve, il cita la Guémara dans Sanhédrin[4] qui établit que lorsque Yéhochoua employa, en s'adressant à Moché Rabbénou, le terme de Kalem, par rapport à Eldad et Médad[5], il ne visait pas littéralement à les détruire[6], mais plutôt à leur implication dans les besoins de la collectivité, qui serait si difficile au point qu'ils en seraient totalement épuisés. Le Sforno explique que la Michna élabore comment une personne peut réussir, en dépit des difficultés de travailler pour la collectivité. En s'y consacrant Léchem Chamayim, pour le bénéfice de la communauté, l'homme méritera de puiser dans les mérites des membres de la communauté et les mérites de leurs ancêtres. Ceci nous enseigne que le seul moyen de réussir lorsqu'on s'engage à aider les autres est de s'évertuer à atteindre autant de Léchem Chamayim que possible. En effet, dénué de ces intentions, celui qui se consacre aux besoins de la collectivité aura certainement beaucoup de difficultés à surmonter les difficultés auxquelles il fait face.
Rav Steinman donnait des conseils sur la manière d'incorporer une certaine quantité de Léchem Chamayim dans les actions des hommes œuvrant pour la communauté. Rav Israël Friedman[7] se souvient que Rav Steinman aidait les hommes à augmenter progressivement le pourcentage de Léchem Chamayim dans leurs actions. Par exemple, il recommanda au Rav Friedman de faire asseoir le Yétser Hara à ses côtés lorsqu'il commençait à écrire un article et lui demander de but en blanc : Pourquoi veux-tu que j'écrive ? Tu veux que j'écrive pour la Parnassa ? Tu as gagné un point. Tu veux que j'écrive pour le plaisir ? Un point. Pour le pouvoir et l'influence ? Encore un bon point…Tu as obtenu tout ce que tu désirais ? C'est bon ? Alors que t'importe-t-il si j'écris aussi Léchem Chamayim ? Si j'ai aussi à l'esprit de vouloir écrire un texte qui contribue à renforcer un Juif dans ses croyances et pratiques ?
Rav Steinman affirmait que dans toutes les actions d'un homme, il peut atteindre un niveau de Léchém Chamayim. De cette manière, l'action ne sera pas totalement impure. Il affirmait que si l'on s'habitue à penser de cette façon, on aura parfois 1 pourcent de Léchem Chamayim, 2 pourcent à d'autres fois, et parfois même 10 ou 20 pourcent en d'autres occasions. Mais au moins, chaque action renferme quelque peu de désintéressement. De cette façon, celui qui œuvre pour la collectivité pourra commencer à suivre les enseignements de la Michna.
[1] Voir Avot 1:3.
[2] Commentaire sur Avot 2:2
[3] Commentaire sur Avot 2:2.
[4] Sanhédrin 17a.
[5] Dans la Paracha de Béha'alotékha, ils prophétisaient en public et Yéhochoua fut d'avis que c'était un manque de respect pour Moché Rabbénou.
[6] Le terme Kalem signifie généralement «détruire.»
[7] Rédacteur en chef de Yated Nééman, cité dans Hamodia, 24 Tévet, 5778, p24.