Les années de l'enfance et de l'adolescence sont des années de construction fondamentales dans la vie de tout être humain. Durant cette période, les parents ont la lourde responsabilité de donner à leurs enfants la sagesse nécessaire pour savoir comment s'orienter dans la vie, faire les bons choix et prendre les bonnes décisions.
Cette tâche n'est pas aisée car elle requiert de la part des parents une très forte dose d'empathie, c'est-à-dire une capacité à "se mettre à la place des enfants".
"Se mettre à la place des enfants" ne signifie pas, bien-sûr, qu'il faille tout accepter ni qu'il faille renoncer à son intelligence d'adulte pour feindre d'être des enfants, ce qui serait, au contraire, très délétère pour ces derniers qui ont besoin de repères et d'autorité.
L'empathie consiste, en réalité à ne pas prêter aux enfants des sentiments et des raisonnements d'adultes, mais d'essayer de comprendre une situation depuis leur perspective d'enfants, en se mettant dans "leurs baskets", compte tenu de leurs connaissances, de leurs émotions, de leurs croyances, et de leur maturité émotionnelle.
Prenons un premier exemple : je demande à un enfant de venir manger et il refuse. Je peux être tenté de poser automatiquement et immédiatement sur cette situation une étiquette issue d'une croyance adulte : "il ne veut en faire qu'à sa tête", "il cherche la confrontation", "il refuse l'autorité". Il est possible que ces analyses soient parfois justes, mais il est également possible que l'enfant veuille simplement exprimer une préférence, une croyance, une angoisse : "je préfère continuer à jouer", "si je m'arrête maintenant, je ne jouerai plus jamais", "si je m'arrête, je vais perdre le jouet, je ne le verrai plus"...
Prenons un deuxième exemple : mon enfant ne veut pas prêter son jouet à un cousin de passage à la maison. Outre la gêne que nous ressentons en tant qu'adultes face à une situation embarrassante, nous pouvons lui reprocher son "égoïsme", lui dire que "ce n'est pas gentil" ou bien que "on ne lui achètera plus rien"... L'enfant intériorisera alors une image négative de lui-même, sans qu'il ait eu pour autant la possibilité de réagir autrement. En effet, la capacité à se départir de ce que l'on possède pour le prêter ou le donner à autrui n'est pas naturel chez l'enfant (parfois même chez l'adulte), mais le fruit d'un apprentissage progressif au fil de la vie en société.
À cet égard, l'exemple offert par les parents aux enfants est fondamental. Si l'enfant constate que ses parents accueillent toujours favorablement, et chaleureusement ceux qui collectent de la Tsédaka, qu'ils sont enclins à pourvoir aux besoins des plus pauvres, et qu'ils chérissent les Mitsvot de Guémilout 'Hassadim (bonté et générosité), l'enfant sera naturellement porté, au fur et à mesure qu'il grandira, à être généreux à son tour.
Ainsi, en matière d’éducation, l'empathie consiste, face à une situation de blocage, à développer une capacité à se mettre à la place de l’enfant en tenant compte de sa maturité émotionnelle et neuronale, de ses émotions, et de ses désirs. Cette approche permet d’émettre des hypothèses, d’imaginer des explications raisonnables et adaptées à l'âge de l'enfant pour comprendre ses réactions. C'est cet état d'esprit qui permet, par exemple, à une mère, face aux pleurs de son bébé, de passer en revue toute une série d'explications possibles : a-t-il besoin d'être changé ? A-t-il faim ? A-t-il fait sa sieste ?
Il existe ainsi toute une panoplie d'autres explications dans lesquelles l'adulte n'est pas mis en cause ni contesté, et qui permettent d'aborder une situation de crise depuis le point de vue de l'enfant. Alors que les adultes sont parfois tentés de prêter des arrière-pensées (d'adultes) aux enfants, les réactions de ces derniers sont bien souvent déterminées uniquement en fonction de facteurs qui s'imposent à eux et qu'ils ne contrôlent pas : une fatigue, un manque de sommeil, une incapacité à exprimer leur pensée, une incapacité à réguler leurs émotions liée au développement en devenir de leur cerveau... Dans de telles situations, se mettre en colère contre l'enfant, lui en vouloir car on est persuadé qu'il s'oppose à nous, est non seulement contreproductif (l'enfant ne comprend pas pourquoi on s'énerve contre lui, et cela accroît son mal-être), mais, en outre, cela peut être délétère pour son développement ultérieur (l'enfant a le sentiment d'être incompris ou bien d'être méchant puisqu'on lui crie dessus).
Le malentendu provient parfois d'une croyance des adultes que l'enfant est un "terrain vierge" en raison de son jeune âge. Or, un bébé, comme un jeune enfant, comme n’importe quel être humain, n’est jamais un terrain vierge. Il ressent spontanément des désirs, des instincts, des émotions en fonction non seulement de ses émotions et de ses besoins personnels, mais aussi de facteurs extérieurs : ce qu’il voit, ce qu’il entend… Progressivement, en grandissant, il parviendra à canaliser son ressenti, à le mettre à distance et à prendre de la hauteur, mais cela demande du temps et beaucoup d’empathie…