Eduquer un enfant est une tâche si immense, un projet si ambitieux que les jeunes parents peuvent être saisis de vertige et se demander « Mais par où dois-je commencer ? ». À cette question le Rav Shimshon Raphaël Hirsch a apporté une réponse inspirante : « L’éducation des enfants commence vingt ans avant leur naissance ! » Il voulait signifier que, pour les parents, l’éducation d’un enfant est moins une question de « savoir-faire » que de « savoir-être ».
À une époque où la technologie s’est diffusée à tous les niveaux de notre vie personnelle et professionnelle, où il suffit de pianoter une question sur internet pour obtenir instantanément la réponse, notre esprit s’habitue à ce que les défis les plus complexes puissent être résolus facilement grâce à l’application de techniques, de « programmes », et de « données statistiques ». Il semblerait toutefois que l’éducation des enfants échappe à ce paradigme.
Cela ne signifie évidemment pas que les cours et conférences sur l’éducation n’ont aucune utilité. Bien au contraire. Elles sont tout à fait nécessaires, et l’expérience des éducateurs chevronnés peut épargner aux jeunes parents de nombreuses erreurs, leur faire gagner un temps précieux, et, surtout, préserver les enfants de nombre de « traumatismes ».
Toutefois, il semble qu’un des enjeux fondamentaux pour les parents est de donner une éducation conforme à l’exemple qu’ils donnent dans la vie quotidienne. Comme nous le savons, les enfants sont particulièrement sensibles aux incohérences des adultes qui professent un discours d’une part, et agissent différemment d’autre part. Comment peut-on convaincre un enfant de l’importance d’étudier si nous-mêmes n’ouvrons jamais un livre à la maison, et préférons toutes sortes de distractions plutôt que l’étude pour meubler notre temps libre ? Comment convaincre un enfant de ne pas crier, et d’être patient, si nous-mêmes sommes prompts à la colère et aux emportements ?
C’est ainsi que les maîtres du Talmud ont enseigné cette fameuse maxime qui vaut dans l’éducation comme dans toutes les relations humaines « Corrige toi toi-même, avant de corriger les autres ». (Baba Metsia 107 b). L’éducation de nos enfants commence avant tout par notre propre éducation, et notre capacité à donner le bon exemple. En tant que parents, nous sommes parfois davantage obsédés par la « malléabilité » de l’enfant, sa capacité à intégrer et appliquer les discours qu’on lui tient, plutôt que par l’exigence personnelle de donner le bon exemple, en nous améliorant continuellement.
Le Rav A. Twerski rapporte ainsi l’exemple de cette mère perturbée par le comportement extrêmement turbulent de son enfant à la maison, alors qu’à l’extérieur il était calme et posé. Cette dernière s’exclama : « Mais, comment peut-on se comporter d’une manière à la maison, et se comporter différemment à l’extérieur ?! » Et le psychiatre de lui répondre : « Mais madame, n’agissons-nous pas tous ainsi ? »
Et, de fait, c’est en prenant conscience de l’exemple que l’on donne aux enfants que l’on peut commencer à travailler efficacement sur l’éducation qu’on leur donne.
Dans les Parachiot que nous lisons au début de la Genése, nous remarquons que la majorité des matriarches (Sarah, Rivka, Ra'hel, plus tard 'Hanna) étaient stériles à l’origine. Les Sages du Talmud se sont interrogés sur cette constante dans le récit biblique et ils ont apporté la réponse suivante « Parce que D.ieu désirait entendre leurs ferventes prières » (Yevamot 64 b). Il ne s’agit pas de comprendre que D.ieu a exacerbé leur angoisse afin qu’elles récitent des prières sincères, pour ne pas dire désespérées. Il s’agit davantage de comprendre que l’Éternel souhaitait les amener à raffiner leur être, leur foi, leur relation avec le Maître du monde, notamment à travers la prière, afin qu’elles découvrent et révèlent toutes les richesses spirituelles dont elles étaient porteuses, et être ainsi dignes de donner naissance aux patriarches du peuple Juif. En effet, la prière, l’introspection et la relation avec Hachem permettent à l’homme de pénétrer profondément en lui-même et de donner toute la mesure de ses qualités. C’est ainsi que la Torah souligne que ce que nos enfants pourront réaliser durant leur existence dépend notamment du niveau que nous-mêmes aurons atteint à leur naissance, et qui pourra leur servir d’exemple vivant.
C’est dire l’importance pour nous, parents, de ne jamais cesser d’être exigeants vis-à-vis de nous-mêmes (avant de l’être vis-à-vis de nos enfants), en essayant de réduire autant que faire se peut l’écart entre nos discours et nos actes, et en nous efforçant de corriger les points faibles de nos caractères. Nul parent n’est parfait, et pour paraphraser le roi Chlomo, nous pourrions dire que de même qu’« il n’est pas d’homme qui fasse uniquement le bien et ne faute pas » (Kohelet 7-20), de même « il n’est probablement pas de parent qui ne faute pas ». C’est le lot de chaque être humain. Mais ce qui caractérise encore plus l’humanité, c’est sa perfectibilité permanente, sa capacité à s’améliorer, à progresser, à donner le meilleur. Aussi, la méthode la plus efficace pour faire éclore les plus belles qualités chez nos enfants, c’est d’essayer de les faire naître en nous-mêmes ; et de leur donner ainsi des exemples vivants de personnes qui, bien qu’imparfaites, ne cessent de s'améliorer.
Inspiré de Positive parenting, Rabbi Abraham J. Twerski, et Ursula Shwartz (Artscoll Séries)