La lecture de la parasha be’houkotay est toujours un moment important car elle place l’homme face à ses responsabilités. En effet, l’alliance qui a été scellée avec l’Eternel est une alliance exigeante qui requiert des hommes une attitude vertueuse.
En lisant les versets de cette parasha, nous comprenons combien chacun de nos gestes, de nos décisions nous engagent et ne peuvent pas être réalisés à la « légère ».
Ce texte qui est lu à l’approche de la fête de Shavouot, fait échos aux versets de la paracha de « Ki Tavo » qui évoquent aussi les conséquences funestes d’un éloignement, D. nous en préserve, de la Torah et qui est lue, pour sa part, à l’approche de Rosh Hashana.
Durant ces deux moments cruciaux de notre calendrier, nous sommes invités à nous rappeler les écueils qui menacent la nature humaine et qui peuvent conduire l’homme aux pires dérives. Parmi les différentes lectures qui peuvent être faites de ces versets, nous pouvons probablement les interpréter non pas uniquement dans le sens de châtiments d.ivins qui s’abattraient sur un individu, mais également dans le sens des conséquences tragiques auxquelles les hommes s’exposent d’eux-mêmes s’ils ne suivent pas la voie de la Torah.
En effet, la Torah a notamment l’ambition de libérer l’homme de certains désirs ou instincts primaires liés à son corps et à sa condition matérielle, et de le protéger des égarements auxquels peut le conduire son esprit lorsqu’il vagabonde sans cadre. Notre paracha met en garde celui qui pense pouvoir prendre des libertés par rapport à ces lois, la déchéance peut être rapide et tragique.
Nul n’est à l’abri de ces écueils, le religieux comme le moins religieux, chacun à son niveau doit s’efforcer de maintenir une haute exigence de progression dans l’étude et la pratique des mitsvot sur le fond et sur la forme.
Au détour des versets difficiles de notre parasha, les Sages de la Torah ont identifié un verset qui fonde la vertu de solidarité et de co-responsabilité qui a accompagné notre peuple à travers sa longue histoire.
Ce verset est le suivant « et ils trébucheront l'un sur l'autre comme à la vue de l'épée, sans que personne les poursuive » (Lévitique 26. 37). A l’image des dominos, lorsqu’un de nos frères chute spirituellement, c’est l’ensemble de notre peuple qui est fragilisé et qui tombe. Nous ne trébuchons pas seuls, mais nous trébuchons les uns sur les autres.
Le Midrash Raba nous donne une image saisissante de cette co-responsabilité de l’ensemble du peuple. Au nom de Rabbi Shimon bar Yohai, il nous suggère d’imaginer des hommes assis dans un petit bateau et, alors qu’ils sont en pleine mer, l’un d’eux prend un tournevis et fait un trou sous son siège. Les autres tentent de l’en empêcher et lui disent « Mais que fais-tu ? Tu vas tous nous faire couler » « Non, ne vous inquiétez pas, je fais un trou juste sous mon siège ».
Et de fait, l’ensemble du peuple Juif est embarqué dans le même bateau, l’échec de l’un rejaillit sur les autres, les difficultés endurées par l’un obligent les autres. Nul ne peut détourner son regard. Nul ne prétendre s’affranchir des liens sociaux et œuvrer seul dans son coin au salut de l’humanité. La délivrance finale ne viendra pas par le seul mérite d’une minorité de savants. Elle viendra grâce au mérite collectif de l’ensemble du peuple.
Le livre de Vayikra nous a rappelé à de nombreuses reprises notre solidarité quant au bien-être matériel de notre prochain et la nécéssité de l’aider à subvenir à ses besoins.
Elle nous rappelle dans cette dernière section notre responsabilité spirituelle également. Elle nous rappelle que l’observance et la fidélité à l’alliance conclue par Hachem et les enfants d’Israël nous engage collectivement. Nous partageons une communauté de destin.
A l’image d’une partition où chaque note trouve sa place et concourt à la symphonie d’ensemble, chacun d’entre nous a un rôle spécifique et indispensable à jouer, à travers l’étude de la Torah, la pratique des mitsvot et le raffinement de nos qualités de cœur, pour construire notre destin commun, participer au « Tikoun haolam » (la réparation du monde) et permettre la délivrance finale.
Cette solidarité est bien souvent désignée à travers l’expression talmudique suivante « Tout Israël est responsable l’un de l’autre » (Traité Sanhedrin 27b). Ces mots résument bien l’esprit de fraternité qui doit prévaloir au sein de notre peuple. De même que l’Eternel nous considère chacun comme Ses enfants, nous devons également regarder notre prochain comme un frère. Son honneur, ses biens, ses intérêts et sa notoriété doivent m’être aussi chers que ceux de mon propre frère.
Cette ambitieuse exigence n’est pas qu’un vœu pieux énoncé afin de pacifier les relations sociales. Elle constitue, en réalité, un des ciments les plus puissants qui a permis à notre peuple de traverser l’hsitoire.
En effet, comment comprendre que, en dépit de milliers d’années d’exil, de dispersion, d’oppression, et d’acculturation aux contacts des pays d’accueil, le peuple Juif soit parvenu à demeurer un peuple aussi uni et solidaire ?
Comment expliquer que le peuple Juif ait traversé l’histoire en assistant à l’apparition et la disparition de tant de civilisations ?
Comment comprendre que le peuple Juif soit demeuré un peuple alors qu’il avait perdu son territoire géographique, sa langue, sa culture, sa vie nationale, ses institutions, son Temple ?
Comme le fait remarquer le Rav Jonathan Sacks, certes ils partageaient encore des souvenirs, des rêves ou des prières. Mais, en général, au bout de quelques générations, les souvenirs s’effacent, les rêves disparaissent et les prières non exaucées se muent parfois en silence. Qu’est-ce qui a donc continué de donner sa force vitale au peuple Juif ?
La réponse réside précisément dans les mots de notre parasha. Ce qui a maintenu le peuple Juif miraculeusement en vie, à travers les siècles, c’est l’alliance scellée entre le Créateur et Son peuple au Mont Sinaï, au terme de laquelle chacun des enfants d’Israël est responsable de l’autre. Et peu importe que l’on partage la même langue, le même territoire, la même culture, nous sommes éternellement liés par une alliance irréversible.
Voilà pourquoi, aussi longtemps que durera l’histoire de l’humanité, quand nous entendrons mentionner le nom de l’un de nos frères nous nous retournerons, nous sourirons, nous nous sentirons concernés. Lorsque j’entends son nom, j’entends en échos le mien. Cette voix ne me laisse pas indifférent, elle m’oblige à une vertu : la fraternité et la solidarité.
Notre identité se construit précisément dans ces échos successifs qui nous ramènent à la Voix originelle entendue par l’ensemble du peuple au Mon Sinaï.
Puisse l’Eternel nous permettre de renforcer notre fraternité afin de permettre à chacun d’entre nous de révéler con étincelle divine et concourir ainsi à la délivrance finale.