Cette section de la Torah que nous allons lire cette semaine nous invite à méditer l’importance de l’observance des Mitsvot. En effet, nos textes nous prescrivent non seulement d’observer des Mitsvot en particulier telles que le repos de la terre, la rémission des dettes, le respect du Chabbath, mais, en outre, la Paracha de « Bé'houkotaï » nous invite à méditer sur l’importance de la fidélité à la Torah, source de bénédictions pour l’homme.
Pour comprendre l’enjeu fondamental de l’observance des Mitsvot, il faut se remémorer ces propos des Sages du Talmud qui énoncent « J’ai créé le Yétser Hara’, et son antidote, la Torah ». (Talmud de Babylone, Kidouchin 30b). Tout se passe comme si le Yétser Hara’, le mauvais penchant, avait été créé en premier, et ensuite la Torah est venue lutter contre son influence destructrice. Tout le travail de l’homme au cours de sa vie est de combattre cette négativité.
L’homme est dès sa naissance partagé entre, d’une part, des pulsions de vie, de développement, d’élévation spirituelle qui trouvent leur racine dans son âme, sa Néchama, dont l’origine est divine ; et des pulsions négatives, mortifères, sécrétées naturellement par le corps et la matérialité et qui essaient d’enchaîner l’homme à ses désirs et ses instincts. Or, ces forces mortifères sont à l’œuvre en permanence dans l’homme, elles opèrent naturellement, spontanément, et se régénèrent chaque jour. Et, il est d’autant plus dur de les débusquer, qu’elles se parent derrière les habits de la « libre volonté de l’homme ».
Cette condition duale de l’homme est inhérente à sa nature humaine. Le Maharal de Prague fait remarquer que la création de l’homme est mentionnée dans la Torah par le terme « Vayyister » qui comporte deux Youd, pour designer cette dualité : l’homme est le lieu d’une confrontation entre le Yétser Hara’ et le Yétser Hatov, entre le 'Olam Hazé et le 'Olam Haba.
L’homme est ainsi fait qu’il est partagé entre deux polarités : un pôle matériel, pulsionnel, instinctif, et un pôle spirituel, qui aspire à l’élever, à l’arracher au déterminisme de la nature et du matériel pour se rapprocher de son Créateur.
Mais la Providence divine n’a pas laissé l’homme seul face à ce tiraillement intérieur, Elle lui a donné une méthodologie, un mode d’emploi de la vie destiné à faire échec aux forces destructrices de l’existence : la Torah et les Mitsvot. En suivant scrupuleusement les prescriptions ordonnées par Hachem, dans la lettre et dans l’esprit, l’homme est en mesure d’empêcher le déclenchement automatique, « inconscient », de son terreau pulsionnel, il active en lui les mécanismes susceptibles de fertiliser son potentiel spirituel, de l’élever et de raffiner son comportement.
Aussi, en respectant la Torah et les Mitsvot, l’homme réoriente sa vie positivement, il la recentre vers les enjeux fondamentaux susceptibles de lui apporter la joie et le bonheur authentiques.
Toutefois, et c’est là tout l’enjeu de l’existence, il faut admettre que l’observance des Mitsvot requiert un effort de la part de l’homme. Et ce pour de nombreuses raisons. D’une part, en raison des envies spontanées du corps et des instincts matériels qui font naître en l’homme des désirs parfois contraires à ceux que la Torah prescrit et que l’on doit donc contraindre. Et, d’autre part, en raison, de la prétention de l’homme à vouloir comprendre les ressorts de ses actes. Or, il faut admettre qu’un certain nombre de prescriptions de la Torah échappent à l’entendement humain et exigent une obéissance « aveugle ». Les esprits modernes, héritiers du siècle des supposées « Lumières », s’accommodent mal de cet aveu de faiblesse de l’esprit humain. Et pourtant, il y a dans cette humilité une des clefs du bonheur et de la joie humaines.
À travers la Torah, l’homme est invité à soumettre son esprit et sa volonté à la Volonté d’Hachem. Cela peut paraître frustrant de prime abord, mais il s’agit en réalité d’une des clefs de l’épanouissement et du bonheur authentiques. En effet, les décisions que l’on doit prendre ne s’imposent pas toujours d’elles-mêmes. Nous sommes parfois confrontés à des situations où l’on hésite entre des décisions qui nous paraissent également justifiables, nous sommes dans des zones « grises », ni toutes blanches, ni toutes noires, avec une part de bien, et une part de doute, de risque. Comment choisir ? Comment trancher ? Comment faire le bon choix ?
Or ce doute est profondément destructeur car il taraude l’homme, fait naître en lui des regrets, des remords. L’obéissance à la Torah et aux Mitsvot permet d’échapper, si ce n’est totalement, au moins en grande partie, à ces doutes en remettant notre confiance dans ce que Hachem nous demande de faire. À l’image d’un enfant qui obéit parfois sans comprendre mais en sachant au fond de lui que ses parents recherchent ce qu’il y a de mieux pour lui, de même, l’homme est invité à obéir à l’Éternel en étant confiant que D.ieu recherche toujours ce qu’il y a de mieux pour lui (R. A. Twerski).
Les doutes qui assaillent l’homme s’effacent alors derrière la conviction que l’Éternel le guide et le protège, même s’il ne comprend pas la logique de certains évènements.
Il est possible de lire les passages difficiles de la Paracha Bé'houkotaï à la lumière de cette interprétation : il ne s’agit peut-être pas tant de craindre les sanctions qui s’abattent sur l’homme lorsqu’il ne respecte pas la Torah, que de le mettre en garde contre le risque de détourner sa vie des enjeux fondamentaux de la vie, et de créer les conditions de son malheur, en s’éloignant de la Torah.
Aussi l’homme doit-il garder en tête ces mots du prophète Jérémie dans la Haftara « Malheur à l’homme qui place sa confiance en l’homme ! Béni soit l’homme qui place sa confiance en Hachem ! »