« Les enfants d’Israël vinrent au milieu de la mer à sec, et les eaux étaient pour eux une muraille, à leur droite et à leur gauche. » (Chémot 14,22)
Le Midrach Rabba (Chémot 21,10) raconte que lorsqu’une mère marchait et que son enfant, qu’elle portait dans les bras, pleurait, elle tendait sa main, cueillait une pomme ou une grenade et la lui donnait…
Quand le peuple traversa la Mer des Joncs, il bénéficia d’un autre miracle, en plus du prodige de l’ouverture même de la mer. En effet des arbres fruitiers pouvaient les nourrir. Mais pourquoi nos Sages estimèrent-ils nécessaire d’ajouter des prodiges à ceux décrits par le ’Houmach ? Par ailleurs, sur quels versets ce Midrach se base-t-il ; d’où nos Sages tirent-ils cet enseignement ?
Pour répondre à ces questions, comparons deux épisodes centraux de la Torah – l’ouverture de la Mer des Joncs et la Création du monde. Plusieurs termes communs sont utilisés dans les deux récits. Tout d’abord, avant l’ouverture de la Mer, le verset affirme : « … Moché étendit sa main sur la mer, Hachem fit aller la mer par un puissant vent d’orient, toute la nuit »[1]. Et lors de la Création, la Torah dit : « Les ténèbres étaient sur la face de l’abîme et le souffle de D.ieu planait sur la face des eaux »[2]. Ces deux versets ont trois éléments en commun – l’obscurité, le vent et l’eau. Par ailleurs, ces deux grands Événements évoquent lumière et obscurité[3]. Et peu après l’ouverture de la Mer, on nous raconte que le peuple juif la traversa : « Les enfants d’Israël vinrent au milieu de la mer à sec, et les eaux étaient pour eux une muraille, à leur droite et à leur gauche »[4]. Dans Béréchit, après la séparation des eaux, c’est la terre qui fut créée. « D.ieu dit : "Que soient rassemblées les eaux de sous les cieux vers un endroit unique, que la terre sèche soit vue." Et il en fut ainsi. »[5] Pour parler de terre sèche, on emploie le mot Yabacha, qui n’apparait que trois fois dans la Torah[6], dont deux fois dans les versets précités, d’où le lien évident entre ces événements. Dans les deux cas, l’eau s’est retirée pour laisser apparaitre la terre sèche. Celle-ci a le même but dans les deux récits – lors de la Création, elle devait faciliter le développement de la vie animale et humaine et lors de la traversée de la Mer, elle permit la survie des humains (le peuple juif) et de leurs bêtes.
Nous pouvons à présent revenir à notre question de départ concernant les arbres fruitiers en pleine mer. Que se passa-t-il, après la création de la terre, dans Béréchit ? « D.ieu dit : "Que la terre soit couverte de verdure, herbe semant semence, arbre fruitier faisant fruit selon son espèce, qui ait en lui la semence sur la terre." »[7] Rav Fohrman pense que ’Hazal ont continué le parallèle entre la Création et l’ouverture de la Mer et déduisirent que l’étape suivante fut la même que lors de la Création – des arbres fruitiers se mirent à pousser.
Ainsi, les mots employés par la Torah ainsi que les événements qui se produisirent lors de la Création et de l’ouverture de la Mer des Joncs ont plusieurs points communs. On dirait presque que l’ouverture de la Mer fut une reconstitution de la Création. Ce lien est très intéressant, mais que nous apprend-il ?
Les commentateurs décrivent la sortie d’Égypte comme la naissance du peuple juif et la traversée de la Mer comme le moment où le fœtus sort du corps de sa mère et commence à vivre. La naissance du peuple juif n’est pas seulement l’apparition d’une nouvelle nation dans le monde, mais c’est la genèse du peuple pour qui le monde entier fut créé. C’est d’ailleurs ce que commente Rachi sur le premier mot de la Torah – « Béréchit : en faveur d’Israël qui est appelé Réchit, le premier ». Cela signifie que la Création avait pour but ultime que le peuple juif serve de représentants d’Hachem dans ce monde, que l’on soit une « Mamlékhet Kohanim – un Royaume de prêtres » et un « Goy Kadoch – un peuple saint ». Il n’est donc pas surprenant que les événements marquant la naissance de la Nation, qui est l’objectif de la Création du monde, influent sur le monde entier, recréent le monde.
Puissions-nous mériter de réaliser notre rôle de représentants d’Hachem dans le monde.
[1] Chémot 14,21.
[2] Béréchit 1,2
[3] Béréchit 1,4 et Chémot 14,20.
[4] Chémot 14,22.
[5] Béréchit 1,9.
[6] Lors de la Création, à propos de la plaie du sang et durant l’ouverture de la mer.
[7] Béréchit 1,11.