L’histoire de l’humanité commence mal : l’homme faute et s’avilit de plus en plus jusqu'à ce que le Créateur décide de détruire le monde et de le reconstruire à partir d’un homme, Noa’h, seul de sa génération à être resté intègre dans sa foi et sa morale. Pour le sauver du Déluge, D.ieu lui demande de construire une arche dans laquelle vont vivre pendant un an toutes les créatures méritantes, celles qui n’ont pas corrompu leurs voies. Durant ces longs mois, Noa’h et sa famille, enfermés dans cette ménagerie flottante, courront d’une cage à l’autre, dans les bruits, les cris et les odeurs fauves, pour nourrir les bêtes, sans distinguer le jour de la nuit, mais sachant qu’à l’extérieur tout ce qui fut sera inexorablement submergé et effacé par les flots. Noa’h, à ce moment, réalisera l’énorme responsabilité qui repose sur ses épaules : une nouvelle humanité, meilleure cette fois, devra émerger de lui et de sa famille.
L’expérience vécue dans l’arche sera la base d’un nouveau départ qui devrait éviter à l’homme de reproduire les erreurs et déviations de l’époque antédiluvienne. Cette embarcation hermétique permet aux voyageurs d’être complètement protégés des intempéries de l’extérieur, au propre et au figuré. Jour et nuit, les habitants ne s’occuperont que d’une chose : donner. C’est l’antithèse de la vie d’avant, où chacun ne pensait qu’à assouvir ses désirs, détournant l’intention initiale de D.ieu qui avait donné à l’homme une longévité exceptionnelle et un cadre paradisiaque pour profiter à bon escient de Son monde.
L’arche est le symbole du juif qui va devoir traverser les civilisations en se protégeant des courants et des modes déferlant sur le monde, quitte à s’isoler. C’est ainsi qu’Avraham l’hébreu - Avraham Ha’ivri, étymologiquement, celui qui est de l’autre côté -, se séparera de sa famille idolâtre, que Ya’akov refusera la compagnie de son frère ‘Essav et fera chemin seul, que les Bné Israël vivront séparés des Egyptiens dans la contrée de Gochen et plus tard ne permettront pas aux Cananéens - idolâtres et infanticides - d’habiter parmi eux en Erets Israël.
Lorsque Bonaparte apporte à l’Europe ses réformes en proposant aux Juifs l’émancipation, le Rabbi de Lyadi y verra un danger terrible pour le judaïsme, malgré les avantages évidents que l’égalité entre les peuples (et les hommes) apportait. L’histoire donnera raison au Rabbi puisque une grande partie du peuple cédera à la tentation de l’assimilation.
Maïmonide nous donne l’explication de cette conduite (Hilkhot Dé’ot 6,1) : “L’homme est, dans sa nature, un être influençable et il tend à imiter son entourage dans ses actes et ses conceptions. C’est pourquoi il cherchera la proximité des Justes et s’éloignera des impies…”
Protéger l’embarcation des influences extérieures tout en maintenant une chaleur intérieure intense sera à travers l’Histoire le modèle de navigation du peuple juif. L’un sans l’autre ne permettra pas à l’arche de la transmission d’arriver à bon port : fermer hermétiquement sans alimenter de l’intérieur s’avère stérile, et nourrir sans préserver des influences mène à la catastrophe.
Le souci de se créer une arche est totalement d’actualité : chaque père de famille qui tient à transmettre à ses enfants une Torah de vérité, Torat Emet, protègera son foyer afin d’empêcher à ce qui s’oppose au judaïsme d’y pénétrer. Chaque génération et ses gageures : hier la Grèce et ses philosophes, le XVIIIème siècle et ses Lumières, le XIXème siècle et ses révolutions et aujourd’hui, l’explosion aux technologies qui nous met en face de nouveaux défis et nous demande créativité et vigilance pour protéger nos enfants.
L’arche est toujours la même : solide, hermétique, imperméable, anti-choc, parée contre les tempêtes qui soufflent et se succèdent au gré des époques. A nous de naviguer intelligemment et de protéger notre arche contre les vagues déferlantes, tout en apportant nourriture et chaleur aux habitants du vaisseau.
A bonne entendeur !