La Haftara que nos Sages ont choisie pour les Chabbatot qui coïncident avec Roch ‘Hodèch, comme c’est le cas cette semaine, est issue du livre d’Isaïe et constitue la conclusion de ce livre. Parmi les livres des prophètes, celui d’Isaïe est le plus long et a donné lieu à de nombreuses Haftarot, notamment la série des sept Haftarot de consolation qui suivent Ticha' Béav, si bien que ce livre est parfois désigné comme le livre des Consolations.

Notre texte a été choisi probablement pour la mention explicite de Roch ‘Hodèch qu’il contient. Il évoque plus largement la question des impies et leur punition, mais aussi les récompenses promises aux Justes. Le prophète nous donne un avant-goût des temps messianiques, de la restauration de la gloire de Jérusalem et du rassemblement des exilés.

Liens entre Roch ‘Hodèch et la Haftara

Comme nous l’avons vu, le lien le plus simple que nous pouvons établir entre la Haftara et Roch ‘Hodèch réside dans le verset suivant à la fin de notre texte (Isaïe 66, 23) : « Et il arrivera constamment, à chaque néoménie, à chaque Chabbath, que toute chair viendra se prosterner devant Moi, dit l'Éternel. »

Cette citation s’inscrit dans les temps messianiques qui verront non seulement l’ensemble du peuple juif réuni à Jérusalem, mais aussi les nations du monde reconnaître le Nom d’Hachem, Sa royauté sur le monde, et elles Lui rendront hommage lors des Chabbatot et des nouveaux mois.

Le principe du nouveau mois, Roch ‘Hodèch, suppose une idée de renouvellement inscrite dans le terme « ’Hodèch », qui fait écho au terme « ‘Hadach » désignant la nouveauté. Ce renouvellement est celui du cycle de la lune, mais il renvoie également au renouvellement permanent de la création par Hachem qui est évoqué également dans un autre verset, toujours au sujet des temps messianiques (Isaïe 66, 22) : « Oui ! Comme ces cieux nouveaux et cette terre nouvelle que Je ferai naître en ces temps-là dureront devant Moi, dit l’Éternel, ainsi subsisteront votre descendance et votre nom, car ils ne seront jamais effacés de la terre ».

C’est précisément sur cette promesse merveilleuse de l’éternité d’Israël que s’achève le livre d’Isaïe. Ce texte trouve bien sa place à l’occasion de Roch ‘Hodèch, qui marque le renouvellement de la lune. En effet, nos Sages nous disent que le peuple d’Israël peut être comparé à la lune : il connaît lui aussi des périodes de croissance et de plénitude, mais aussi des périodes de retrait, toutefois il ne disparaît jamais, à l’image de la lune dont le croissant renaît chaque mois.

L’écho de la Haftara

La Haftara de cette semaine est particulièrement solennelle dans la mesure où elle constitue, comme nous l’avons vu, la conclusion du livre d’Isaïe. Le prophète reprend dans notre texte les grandes thématiques que nous avons eu l’occasion de voir à de nombreuses reprises.

D’emblée, le prophète interpelle les hommes en leur demandant s’il est possible de créer une maison pour D.ieu, alors que l’Éternel a Lui-même bâti le monde. Ce dernier est pour Lui comme « un marchepied », et l’infini du ciel constitue « Son trône ». Dès lors, il y a lieu de s’interroger : quel sens peuvent avoir les constructions humaines et quelle valeur peuvent avoir les actes des hommes face à l’Éternel Tout-Puissant ?

Ces métaphores visent en réalité à frapper l’imagination de l’homme, afin qu’il ne perde pas de vue que les actes matériels qui sont demandés à l’homme dans son service divin, sont nécessairement inadaptés à la grandeur et à l’infini de D.ieu.

Aussi, dès lors que l’homme se limite à exécuter des actes matériels dépourvus d’implication personnelle, il passe à côté de ce que D.ieu attend de lui et dégrade la portée de sa pratique.

Finalement, la pratique religieuse est menacée de toute part : d’une part par son oubli, par l’absence de pratique, mais elle est également menacée en son sein, par une pratique automatique, purement formelle qui oublie l’esprit qui doit présider à son exécution. Or, l’esprit est précisément ce que D.ieu recherche : « Ra’hamana ‘Hafets Liba - D.ieu désire le cœur », nous disent nos Sages.

Ainsi, l’homme ne s’acquitte pas de ses obligations « religieuses » par la seule exécution matérielle de celles-ci. La véritable finalité du service divin réside dans l’ébranlement que cela engendre dans le cœur de l’homme, et dans le renforcement de sa volonté de se rapprocher de son Créateur. À cet égard, le service divin ne peut jamais devenir une « seconde » nature, si cela sous-entend que l’homme l'a parfaitement intégré dans son quotidien, qu’il l'accomplit certes systématiquement, mais peut-être sans même « y penser ».

Chacun mesure l’ampleur du défi que cela représente car il est vrai que la répétition quotidienne, voire plusieurs fois dans la journée, de certains actes ou de certaines prières, peut facilement glisser vers une mécanique banalisée.

Voilà pourquoi le jour de Roch ‘Hodèch, où le monde est parcouru par une force spirituelle de renouvellement, nos Sages ont souhaité nous rappeler cette menace qui guette l’accomplissement du service divin, et nous encourager à trouver la force de renouveler aussi l’esprit qui préside à notre pratique religieuse.

C’est précisément la vitalité, la fraîcheur et la force d’une pratique sans cesse renouvelée dans le fond et dans la forme qui ont préservé la Torah à travers les siècles, et qui ont donné à notre peuple l’un des secrets de son éternité.

Puissions-nous avoir le mérite de réussir dans cette voie afin de pouvoir vivre très prochainement les temps messianiques, où l’ensemble des nations viendra se prosterner à Jérusalem devant l’Éternel.

« Et il arrivera constamment, à chaque néoménie, à chaque Chabbath, que toute chair viendra se prosterner devant moi, dit l'Éternel. »