Dans la parachat Kora'h il est écrit : « Kora’h, le fils d’Itsar, fils de Lévi se sépara, avec Datan et Aviram, les fils d’Eliav, et avec Onn ben Pélet, descendants de Réouven. »[1]
Le premier verset de la Paracha énumère les dirigeants de l’infâme rébellion contre Moché Rabbénou. Comme nous le savons, cette histoire se termine par la mort des participants à l’insurrection. Cependant, on ne parle plus du tout de Onn ben Pélet dans la Torah ; on ne sait pas s’il survécut, mais on ne nous dit pas explicitement qu’il fut puni.
’Hazal nous éclairent. Onn était effectivement l’un des instigateurs du complot. Mais il fut sauvé par le conseil de sa femme. Elle comprit qu’il n’était qu’un pion dans la révolte de Kora’h et qu’il n’avait aucune chance de monter de grade. Elle lui dit que jusqu’alors, Moché était le dirigeant et que même si les rebelles gagnaient, le chef serait Kora’h ; il n’avait donc aucun espoir de triompher. Alors, à quoi bon se lancer dans une aventure si risquée ? Il écouta son conseil, mais il était tenu de se joindre aux contestataires à cause d’un serment qu’il avait prononcé. Elle lui donna alors à boire, ce qui l’endormit, et quand les hommes de Kora’h vinrent le chercher, elle apparut, tête découverte, devant la porte, pour les éloigner. Onn esquiva la Ma’hloket et échappa ainsi à une souffrance éternelle.[2] Notons cependant que l’on ne parle pas expressément de son repentir ; on ne voit pas qu’il reconnut la gravité de sa faute, ni qu’il alla implorer le pardon de Moché Rabbénou. Ainsi, bien qu’il fût sauvé d’une perpétuelle infamie, on ne lui accorde aucun honneur ; il fut condamné à l’anonymat.
Le Ben Yéhoyada explique une Guémara à propos de Onn. Celle-ci compare le nom « Onn » à différents mots à consonance similaire. Onn est apparenté au mot Aninout, car « Onn resta en état de Aninout » (situation où l’individu perd un proche parent, mais que ce dernier n’est pas encore enterré ; le deuil ne débute pas et les Halakhot sont différentes de celles de l’endeuillé). Cette situation est moins stricte que la Avélout, mais d’autre part, elle est plus pesante ; l’accomplissement des Mitsvot est alors interdit. Ainsi, Onn avait un statut intermédiaire – il n’était pas dans une situation aussi grave que Kora’h et ses hommes, puisqu’il s’était retiré de cette rébellion. Mais il n’en était pas complètement exempté, parce qu’il n’était pas allé demander pardon à Moché et n’a donc pas réussi à rectifier la situation.
Une leçon importante est à tirer de l’explication du Ben Yéhoyada. Même si l’on évite de mal agir, il faut s’efforcer de saisir les quelques opportunités offertes pour s’élever. Si Onn avait profité de cette aubaine et s’était activement et sincèrement repenti, il aurait été décrit bien plus élogieusement par ’Hazal, et peut-être même par la Torah, directement. Mais il sombra dans l’anonymat.
Un autre exemple illustrant cette idée est rapporté dans le Livre de Ruth. Un homme nommé Ploni aurait pu épouser Ruth en tant que parent de son défunt mari. Il refusa et manqua l’opportunité de se marier avec une grande Tsadéket et de faire partie de la lignée messianique. Il semble évident que son véritable nom n’était pas Ploni. C’est le terme employé pour désigner une personne anonyme – « Untel ». Il aurait pu s’élever sublimement, mais devint le paradigme de l’inconnu.[3]
Voici deux personnages qui ne firent aucun mal, mais qui manquèrent une chance inouïe de s’élever. Si l’on regarde le récit que font ’Hazal sur l’épisode de la rébellion de Kora’h, on trouve des hommes qui ne connurent pas la même fin ; il s’agit des fils de Kora’h. Nos Sages racontent qu’eux aussi étaient du côté de leur père, mais ils souhaitaient se repentir sincèrement puisqu’ils honoraient Moché Rabbénou quand il se trouvait avec eux. En récompense, ils furent sauvés de l’abîme du Guéhinom (leur place en « Enfer » fut plus élevée, bien moins grave que les autres hommes). Ils ne moururent pas « incognito » ; ils écrivirent un psaume qui fait partie des Téhilim du Roi David. De plus, ils méritèrent de vertueux descendants, dont l’illustre prophète Chémouël. Ils firent plus que Onn – en respectant Moché, ils firent certainement offense à leur père. En outre, leur repentir n’était pas basé sur un raisonnement pragmatique (comme celui de Onn), mais sur l’admission de leur erreur.
Ces exemples nous enseignent l’importance vitale de saisir les occasions de grandir qui se présentent à nous. Onn évita l’infamie et resta anonyme dans la Torah, mais c’était insuffisant – un Juif doit viser l’ascension et ne pas se suffire de l’anonymat.
[1] Parachat Kora’h, Bamidbar, 16:1.
[2] Sanhédrin, 109b – 110a.
[3] Michbétsot Zahav, Ruth, p. 110