Dans le cadre de la formation de la coalition qui devra composer le nouveau gouvernement israélien, Naftali Bennet, le dirigeant du nouveau parti appelé Habayit Hayéhoudi (la Maison Juive), a relancé le débat sur le sujet du week-end prolongé en Israël.
A l’heure actuelle, la loi stipule que le jour de congé officiel est le Chabbath pour les salariés Juifs, le vendredi pour les musulmans et le dimanche pour les chrétiens. L’idée, qui n’est pas nouvelle (elle avait déjà été proposée l’hiver dernier) est de décréter en Israël le dimanche « jour de congé pour tous ». Les compensations qui sont proposées, en termes d’heures de travail ou de cours pour les étudiants, sont l’allongement des journées du dimanche au jeudi ainsi que celle du vendredi, jusqu’à 13 ou 14 heures selon les saisons.
Les arguments avancés par ce parti politique sont : stimuler l’activité, améliorer la qualité de vie, permettre de faire du shopping le dimanche.
Du côté des économistes, on chiffre à 20 milliards de shekels de perte le coût de ce projet. Quant aux Rabbanim, ils se sont déjà opposés à cette idée surtout par crainte de ’Hiloul Chabbath (profanation du Chabbath) ou d’arriver chez soi épuisé sans pouvoir se préparer correctement à ce « jour grand et saint » (selon le rituel). Proposer une telle loi de la part d’un parti qui se définit comme religieux est déjà choquant en soi.
Mais il y a autre chose, qui nous fait craindre, de la part des partisans à ce programme, un manque d’approfondissement des concepts fondamentaux de la Torah. Le Chabbath est pour nous un jour qu’on se doit de révérer et de choyer, il est censé nous procurer un avant-goût du monde futur, lieu de délices spirituels par définition. Tous les moyens sont bons pour le rendre agréable à travers des repas de qualité, des vêtements distingués, un intérieur agréable, une richesse de vie familiale et communautaire. Le Chabbath doit être capable de nous apporter tous les bonheurs.
Dès sa sortie, nous récitons la Havdala, texte qui proclame la séparation entre le sacré et le profane et nous le faisons le plus rapidement possible. Pourquoi cet empressement ? La distinction entre temps sacré et profane, joyeux et moins joyeux, faste ou simple, etc. est fondamentale pour lui garder sa valeur et son intégrité. De même, la Halakha (loi juive) stipule qu’on ne doit pas préparer quoi que ce soit pendant le Chabbath pour la semaine qui suit. Autrement dit, le Chabbath ne doit pas entrer en compétition avec un quelconque autre temps. Si on décrète un autre jour (et qui plus est, déjà sacralisé par une autre ‘religion’) comme étant un moment de détente, repos, vie familiale,… on diminuerait fatalement le prestige du Chabbath, on perturberait sa symbolique, on le réduirait à un jour de prières institutionnelles et de récupération de la fatigue accumulée au cours de la semaine.
Nombre de personnes, qui ne savent comment bien vivre leur Chabbath, concluent qu’outre prières et repas obligatoires, il ne leur reste qu’à récupérer de la fatigue de leur semaine, en dormant parfois la moitié du temps ! Elles prennent alors des forces qui leur permettent, dès la fin de cette ‘journée bizarre’, de se plonger à nouveau dans les joies de la technologie à outrance, prohibées par ce rite d’un autre âge.
Il est déjà difficile de parvenir à sentir un vrai délice pendant ce jour et il faut parfois un travail de plusieurs années pour y parvenir. Cet exercice ne sera sûrement pas aidé si on met le Chabbath en compétition !