Au moment où se préparent à diriger l’Etat d’Israël des éléments politiques qui cherchent à éliminer, dans la sphère publique, les références au judaïsme traditionnel, il est important non seulement de lutter contre cette tentative, mais surtout de démontrer combien une telle démarche ne peut – en aucun cas – aboutir ! De telles tentatives ont toujours eu lieu, dans l’Histoire, sous une forme ou une autre : au Moyen-Age, les conversions ou… les bûchers ; plus tard, ce fut la Haskala ou le modernisme. La critique scientifique, lecture des textes à partir de critères objectifs, a contribué à « désacraliser » d’une certaine façon. On peut être juif, veut-on penser, sans référence à la tradition. Le nationalisme « laïque » a aggravé cette option : d’une certaine façon, être israélien est moins « clérical » qu’être juif. Toute une littérature israélienne moderne s’inscrit dans cette direction. Ayons le courage de le dire : une telle orientation moderne est, d’une part, une déviation de la perspective traditionnelle du judaïsme qui ne peut accepter, essentiellement, des transformations dans la Tradition, mais d’autre part, c’est une négation de la foi en un D. créateur, Infini, Qui dirige l’Histoire. L’erreur est donc double : faute humaine (l’homme se croit capable de changer la Tradition) et erreur ontologique (refus d’un Créateur !).
Essayons de comprendre : il n’est nullement question, ici, de décrier le sionisme, et d’adopter l’attitude de ceux qui refusent, au nom de la Torah, de reconnaître l’Etat juif. Le signataire de ces lignes a choisi, délibérément, de venir vivre en Erets Israël. La sainteté de la terre, l’observance des mitsvot liées au sol d’Israël, comme les centres de Torah qui représentent aujourd’hui la puissance spirituelle du peuple juif, la présence des forces vives de la Torah qui émanent de nos jeunes d’Israël, autant de facteurs essentiels qui justifient ici notre présence, et qui, nous l’espérons, rapprochent la venue de l’ère messianique. Cependant, ce qui nous préoccupe et suscite notre tristesse, c’est, on l’a déjà dit précédemment, de voir une jeune génération juive éloignée, pour ne pas dire hostile, des valeurs du judaïsme, et donc de constater que, cette fois, ce n’est pas individuellement, mais globalement, que la pérennité de l’Histoire juive ne se reconnaît pas dans la situation actuelle. L’être nouveau israélien voit dans la Torah un cléricalisme suranné, que l’Etat doit rejeter. Tout ce qui définit l’existence religieuse du peuple juif – Chabbath, Cacheroute, ‘Hamets à Pessah, mariage religieux – n’a pas sa place dans la société moderne. Il faut, selon cette approche idéologique, se débarrasser des usages de la Galout. A ce niveau, il est évident que les jeunes générations, qui n’ont pas connu la vie juive authentique, ne cherchent qu’à traquer toute influence religieuse dans les rouages de l’Etat. C’est, ici, le premier aspect d’une « déjudaïsation » de l’être israélien, conséquence évidente d’une idéologie laïque, répandue dans le système scolaire israélien.
Il y a malheureusement, de plus, un second aspect de la laïcité israélienne qui traduit une sorte de coupure dans l’histoire d’Israël, avec sa base transcendante et sa relation avec l’Infini. Si l’histoire juive s’arrête à la Galout et commence, avec l’avènement de l’Etat d’Israël, une autre époque de l’histoire juive, alors existe un danger réel : une schizophrénie dans l’Histoire. De même que l’histoire moderne de la Grèce ne reflète pas la puissance de l’histoire ancienne grecque, de même, l’histoire moderne d’Israël n’est, dans cette optique, nullement la continuation de l’histoire du peuple juif. Un historien israélien a, ainsi, prétendu que le peuple juif actuel est descendant des tribus du peuple khazar, situé au sud de la Russie, tribus qui s’étaient converties au judaïsme au début du Moyen-Age. Ainsi présente-t-on dans les écoles « laïques » l’Histoire d’Israël, comme une histoire mythologique ! Hélas ! Il faut en conclure qu’existe indubitablement le risque d’un peuple israélien, détaché des valeurs juives.
C’est ici que le croyant en la pérennité d’Israël doit intervenir. D’une part, il importe d’essayer de rapprocher la jeunesse, et surtout de donner un exemple de droiture et de fidélité aux principes que les porteurs du judaïsme traditionnel représentent. Par ailleurs, en dehors des efforts à fournir pour transmettre la foi d’Israël, il importe – surtout – de sentir que la pérennité d’Israël ne saurait s’arrêter. Comprenons : quelque éloignés qu’ils soient de la tradition, les membres du peuple d’Israël restent juifs, mais ils ne sauraient véhiculer l’histoire d’Israël.
Ne nous leurrons pas : un devenir juif détaché de la transcendance ne saurait rester un destin juif, car ce serait vider l’être juif de son essence, ce qui ne saurait exister. Toutes sortes de tentatives pour maintenir une essence juive vidée de la Révélation, donc de la Torah, ne peuvent qu’échouer. Telle est la leçon incontournable de l’Histoire pour ceux qui savent lire. Un devenir dépourvu de la seule référence qui justifie son existence ne peut aboutir qu’à la disparition. C’est pourquoi il serait erroné de s’inquiéter devant une tentative, provenant de l’intérieur, de dissolution de la Tradition. L’être juif traditionnel ne disparaîtra pas. Ayant survécu aux fléaux du passé et du présent, il ne doit pas craindre l’avenir.
Notre rôle, dans les circonstances actuelles, alors qu’il apparaît que les bases religieuses de la société israélienne risquent d’être ébranlées, notre devoir est de continuer à porter fièrement notre rôle de maillon d’une chaîne, qui, elle, ne saurait être brisée. Les idéologies passent, la Torah continue à vibrer dans le cœur des croyants. C’est notre assurance, notre réponse à l’adversité. Le Talmud nous rapporte que les taches de sang sur le Parokhet (Rideau intermédiaire) aspergé à Yom Kippour continuent à être visibles. N’est-ce pas là la preuve la plus remarquable que le Service divin ne peut être interrompu, et la Providence divine ne cesse jamais de protéger « le reste d’Israël » !