Il existe, dans l’Histoire de l’humanité, toutes sortes de périodes : périodes plus calmes, périodes plus agitées. Il existe, dans l’Histoire des peuples, dans leur mentalité, dans leur psychologie, des nations plus belliqueuses, d’autres plus tranquilles. Les nations, elles-mêmes, peuvent connaître des situations plus stables, ou connaître des moments plus agités. On se réfère souvent à un article de Vianson-Ponté, à l’hiver 1968. Le rédacteur en chef du Monde écrivait : « La France s’ennuie ». Quelques semaines après, éclatait la Révolte des étudiants, au printemps 1968, qui devait transformer la France ! Aujourd’hui, on parle de « sinistrose » de la France, endormie, inquiète et sans grand projet ! La France serait consciente d’un certain déclin de la puissance française.
Au-delà du problème particulier de la France, un problème précis et pourtant difficile à saisir se pose à l’humanité aujourd’hui. C’est la perte d’une orientation verticale de la condition humaine qui est enfin saisie, mais qui est en passe de devenir une catastrophe historique. L’Europe a vécu une quinzaine de siècles sur des bases qui reliaient l’homme à quelque chose qui le dépassait : recherche d’un certain ABSOLU. Ce fut, un certain temps, l’esprit féodal, hiérarchique, puis bien sûr la dimension religieuse chrétienne. Après, sont venues, à la suite des philosophes, les idées révolutionnaires qui ont troublé tout le 19ème siècle. « C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau », scandées par Gavroche, le héros des Misérables, ces phrases ont expliqué toutes les circonvolutions du 19ème siècle. Puis est venu le socialisme, et surtout le communisme, qui ont offert une idéologie de pacotille au monde occidental, tandis que l’influence de la religion chrétienne s’amenuisait. De plus, l’affrontement entre une idéologie occidentale, rationnelle, et une foi orientale, plus mystique, cet affrontement affaiblissait la dimension verticale, pour se réfugier dans une perspective horizontale. La disparition de l’opposition droite-gauche, caractéristique de l’ère « macronienne », n’a fait que s’ajouter à ce tableau, et la « sinistrose » nous attend !!
Mais, mais… le judaïsme, la Torah, « n’a pas dit son dernier mot ». Elle VIT, non comme survivante, mais comme pilier fondamental qui soutient le monde, selon l’expression des Sages, fondée sur le verset de Yéchayahou : « Si ce n’est pas Mon alliance (s’il n’y avait pas de Torah) jour et nuit, les lois du ciel et de la terre, Je ne les aurais pas maintenues » (Yéchayahou 33, 25). Une idéologie qui transcende les civilisations, qui voit la chute des sociétés les unes après les autres, cette idéologie NE PEUT PAS disparaître, et ne connaît pas la sinistrose, car elle est éternelle, provenant de l’Éternel. La condition, bien entendu, est la fidélité au message, car refuser cette fidélité, c’est déjà être candidat à la disparition, donc à la sinistrose. Ce qu’il convient de remarquer, aujourd’hui, c’est que ce n’est pas seulement une idéologie qui s’oppose à la reconnaissance d’un Absolu transcendant, c’est plutôt un vide, une absence, qui requièrent l’attention de l’univers : les deux thèmes essentiels, aujourd’hui, c’est, d’une part, un problème sanitaire qui ne cesse d’inquiéter l’humanité, et d’autre part, la perspective d’une guerre nucléaire. Deux thèmes non liés entre eux, mais qui s’inscrivent dans une perspective négative. Le refus de la « verticalité » rend l’humanité aveugle. Une vue horizontale interdit de s’élever vers le haut : la seule perspective religieuse aujourd’hui,l'extremisme islamique encourageant le terrorisme. Le terrorisme des « brigades rouges » avait au moins, théoriquement, un but vertical, améliorer la société, ce qui était évidemment une utopie, mais ce terrorisme a suscité le djihadisme dont le seul objectif est le meurtre. Thèmes qui invitent à affronter le MAL plutôt qu’à l’éliminer. La pandémie a jeté un voile noir sur l’avenir, et l’absence d’une idéologie optimiste alimente un pessimisme naturel. La vie biologique, chacun le sait, est éphémère. Ce n’est qu’en se reliant à une valeur absolue qu’il est possible d’adopter une lecture optimiste de la vie humaine. La perspective de la Torah qui annonce la Guéoula – la Rédemption – comme 3ème étape de l’Histoire (après la Création et la Révélation) donne un sens – signification et orientation – à l’Histoire. Cette lecture a été adoptée par la philosophie hégélienne, puis par le marxisme, en vue d’espérer une Cité heureuse. Utopie, bien sûr, car non fondée sur une révélation. La Révélation du Sinaï, en transcendant le temps, promet un avenir, annonce un sens, et donc veut éviter la sinistrose à l’humanité, prépare la Création à découvrir le Créateur, découverte qui éclairera la Création d’une lumière éblouissante. Le philosophe allemand, Franz Rosenzweig, venu à l’orthodoxie, cite à la fin de son livre « L’Étoile de la Rédemption » ce verset de la Torah, adressé par Moché Rabbénou : « Ce que l’Éternel ton D.ieu réclame de toi, rien d’autre que d’accomplir la justice, de révérer l’Éternel ton D.ieu, de L’aimer, de Le servir et de marcher simplement avec ton D.ieu » (traduction approximative de Dévarim 10, 12, citée dans l’Étoile de la Rédemption p. 500). L’homme doit découvrir la Vérité divine, la Présence divine dans l’Histoire, et sans attachement mystique, prendre conscience qu’il faut arriver à la Rédemption, grâce à la Révélation, dépasser les difficultés de l’actualité, et ainsi, révéler au monde les rayons lumineux de la Rédemption.